Les députés entament, ce lundi 12 mai, l'examen de la proposition de loi relative "à l’accompagnement et aux soins palliatifs" et de la proposition de loi relative "au droit à l’aide à mourir" par une discussion générale commune aux deux textes. Après cette discussion générale, ils étudieront d'abord la proposition portant sur les soins palliatifs, puis la proposition visant à instaurer une aide à mourir.
Un an après l'examen du projet de loi relatif à "l'accompagnement des malades et de la fin de vie" qui avait été stoppé net par la dissolution de l'Assemblée nationale en juin dernier, les députés entament, ce lundi 12 mai, l'examen des deux textes qui ont remplacé le projet de loi présenté par le gouvernement sous la précédente législature.
Après une discussion générale commune qui commencera à 16h dans l'hémicycle, les députés étudieront d'abord la proposition de loi relative "à l’accompagnement et aux soins palliatifs", puis la proposition de loi relative "au droit à l’aide à mourir", ainsi intitulées à l'issue de leur examen en commission. Ces deux textes occuperont l'essentiel de l'ordre du jour de l'Assemblée nationale pendant deux semaines, avec à l'issue des débats deux votes solennels, un sur chaque texte, prévus à ce stade le 27 mai.
Dans un entretien publié dans Le Parisien daté du 11 mai, la veille du coup d'envoi des débats dans l'hémicycle, la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, a fait savoir que le gouvernement, en quête d'"un équilibre", présentera des amendements destinés à "compléter" la rédaction du texte sur visant à instaurer une "aide à mourir", en ce qui concerne la phase avancée et le délai de réflexion, pour un accès encore plus encadré à cette aide à mourir.
Sur ce sujet, "il y a une forte attente des Français mais elle doit être strictement encadrée. Le chemin est étroit et je recherche un équilibre entre ceux qui voudraient aller beaucoup plus loin et ceux qui estiment que le cadre actuel est suffisant", indique la ministre. "Il ne s’agit pas de milliers de cas, ce sont des situations précises", souligne-t-elle, assurant aussi que l'instauration d'un aide à mourir strictement encadrée "n'est pas une légalisation de l'euthanasie".
Le texte sorti de la commission des affaires sociales entend permettre à des malades, avec une "affection grave et incurable" qui "engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale" et ne supportant plus leurs souffrances, de recevoir ou de s'administrer une substance létale. "Je [le] complète avec les récentes préconisations de la Haute autorité de la santé (HAS) pour que l’accès à l’aide à mourir soit très encadré. Le gouvernement va déposer un amendement pour définir la 'phase avancée', à savoir 'l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé qui affecte la qualité de vie'", précise Catherine Vautrin.
"Le discernement [étant] absolument majeur", la ministre va aussi déposer "au nom du gouvernement un amendement pour rétablir le délai de réflexion incompressible de 48 heures à compter de l’accord des médecins". Sur l'injection du produit, "le patient doit s’administrer la substance létale, cela doit être la règle", considère en outre la ministre, qui ajoute que "la réalisation par un professionnel de santé sera l’exception, même s’il y aura toujours la présence d’un soignant en cas d’auto-administration".
Catherine Vautrin, que ses "expériences de vie (...) ont fait évoluer" notamment autour de la maladie de Charcot, ne donne "aucune consigne" de vote mais espère "un consensus éclairé autour d’un texte équilibré".
Le but ce n'est pas de voter un texte, mais de voter un droit qui soit effectif demain. Olivier Falorni (Les Démocrates)
Investi de longue date sur le sujet, Olivier Falorni (Les Démocrates), qui était rapporteur général du projet de loi l'année dernière et qui est aujourd'hui rapporteur de la proposition de loi sur l'aide à mourir, se félicite de la convergence avec la ministre sur la "phase avancée", mais n'est pas favorable au délai incompressible de 48 heures.
"Nous nous [avec le gouvernement] retrouvons enfin et tant mieux sur la 'phase avancée'. L'année dernière, il y avait un désaccord [avec la ministre] sur le 'moyen terme', que j'avais combattu et que j'avais fait remplacer par 'phase avancée'. L'Assemblée nationale l'avait validé. Depuis, cette notion a été confortée par la position de la Haute Autorité de Santé. La question importante est la qualité du temps qu'il reste à vivre plutôt que la quantité de temps qui reste à vivre", expliquait dimanche le député à LCP. Et de rappeler qu'il était opposé au "moyen terme", "indéfinissable" par les médecins, ce qui aurait selon lui abouti à créer un droit inefficace et à voter une "loi pour rien."
Concernant le délai incompressible de 48 heures, Olivier Falorni n'y est en revanche pas favorable, car "il est prévu, dans le texte, des circonstances exceptionnelles dans lesquelles le médecin peut considérer qu'on peut abréger ce délai s'il y a un accord médecin/malade". Il estime que "si le malade a l'accord du médecin, de la collégialité et que les souffrances réclament d'intervenir vite", il faut pouvoir le faire. "Je considère que ça ne remet pas en cause le principe de la réitération", dit-il à LCP.
Globalement, le rapporteur de la proposition de loi sur l'aide à mourir voit dans la position générale de Catherine Vautrin "une reconnaissance du fait que le texte adopté en commission est équilibré". Et malgré les amendements annoncés par la ministre, il juge que "ce qui est fondamental, les conditions d'accès [à l'aide à mourir], est préservé". "Le but ce n'est pas de voter un texte, mais de voter un droit qui soit effectif demain", conclut Olivier Falorni (Les Démocrates).
Comme en commission, cette proposition de loi, moins unanimement adoptée que celle qui porte sur les soins palliatifs, devrait cependant faire l'objet d'intenses débats. Signe de la particularité du sujet, la liberté de vote sera de mise dans l'ensemble des groupes politiques. Les groupes "La France insoumise", "Socialistes", "Ecologiste et social", "Gauche démocrate et Républicaine" sont en très grande majorité favorables à l'aide mourir, les groupes "Ensemble pour la République", "Les Démocrates" et "Horizons" y sont avec des nuances largement favorables, tandis que les groupes "Droite républicaine", "Rassemblement national" et "Union des droites pour la République" y sont très majoritairement opposés.
Quant à la question de savoir si elle pourrait être définitivement adoptée, ou pas, avant la fin du deuxième quinquennat d'Emmanuel Macron, la ministre la Santé, Catherine Vautrin, se veut "extrêmement prudente", mais estime que "cela serait une bonne chose". L'examen des deux textes à l'Assemblée nationale, à partir de cette semaine, ne sera que la première étape d'un long processus législatif qui se poursuivra ensuite au Sénat.