Auditionnées par la commission d'enquête sur les défaillances de fonctionnement au sein des instances du monde sportif, vendredi 27 octobre, l'ancienne présidente de la Fédération française des sports de glace, Nathalie Péchalat, et sa successeure, Gwenaëlle Noury, ont réglé leurs comptes devant les députés. L'ombre de Didier Gailhaguet, l'ex-président de FFSG, a plané sur l'audition.
Une ambiance... glaciale. Pendant près de deux heures, ce vendredi 27 octobre, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale relative à "l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif" a auditionné Nathalie Péchalat, ancienne danseuse sur glace et ancienne présidente de la Fédération française des sports de glace (FFSG) entre mars 2020 et juin 2022, et sa successeure à la tête de l'instance, Gwenaëlle Noury, qui occupe toujours la fonction.
Le tout sur fond de conflit interne, alors que la fédération reste marquée par la gestion de l'ancien patron Didier Gailhaguet, contraint à la démission en février 2020 après les révélations sur les abus sexuels dans le patinage, notamment par le témoignage de Sarah Abitbol. Diligentée par la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (Igesr) a rendu en juin dernier un rapport accablant, pointant notamment les errements de l'ancien dirigeant.
Nathalie Péchalat, qui avait repris le flambeau à la suite de la démission de Didier Gailhaguet, n'a effectué qu'un demi-mandat. Devant la commission d'enquête, elle a raconté avoir "découvert l'envers du décor", et avoir été confrontée au "clanisme" et aux "petits arrangements entre amis". Surtout, à l'issue de cette période où elle décide de se représenter, l'ancienne championne se retrouve face à "l'ancien monde". "Didier Gailhaguet a trouvé son cheval de Troie en la personne de Gwenaëlle Noury", a-t-elle cinglé ce vendredi, à quelques décimètres de cette dernière.
"Il a fait sa campagne, il a écrit sa profession de foi, il a mené des tractations", a-t-elle détaillé, évoquant le rôle de "pion" joué par sa successeure. Cette emprise a été confirmée par le rapport de l'Igesr. "Je pense que Didier Gailhaguet n'a pas supporté l'idée que la Fédération française des sports de glace puisse fonctionner sans lui, après 20 ans de gouvernance", a indiqué l'ex-sportive. Elle rapporte, par ailleurs, avoir aperçu Didier Gailhaguet lors d'un grand prix à Turin en décembre 2022, accrédité officiellement par la Fédération, et ce malgré sa déchéance.
"J'ai cru à son rôle de conseiller, mais les choses ont très vite changé", a reconnu Gwenaëlle Noury, qui affirme avoir coupé tous les ponts avec l'ancien président. Elle a confirmé qu'il n'avait occupé aucune fonction officielle au sein de la Fédération depuis qu'elle la dirige, reconnaissant son "tort" d'avoir pu imaginer un quelconque retour. La dirigeante a souligné avoir procédé à la révocation de plusieurs membres du bureau de la FFSG, censément proches de Didier Gailhaguet, afin de tenter de tourner définitivement la page de cette période. "Je m'étonne simplement de voir encore Stéphanie Daval, secrétaire générale, et Gwenaëlle Noury, encore dans la Fédération. [...] Moi j'appelle ça le bal des faux-culs", a commenté Nathalie Péchalat.
Sur plusieurs sujets, comme sur la formation continue, le rôle du directeur technique national, ou encore la communication, les deux dirigeantes ont semblé vouloir se disputer la meilleure gouvernance. C'est évidemment autour du sujet des violences sexuelles et sexistes (VSS) que cette lutte s'est cristallisée. "L'omerta institutionnalisée est terminée. Nous avons apporté toute la sérénité attendue après toute cette période de turbulences", a notamment affirmé Gwenaëlle Noury.
En parallèle, Nathalie Péchalat a mis en avant son expérience professionnelle, au cours de laquelle elle a "vécu des violences sexuelles, morales, physiques, de la corruption et du dopage". Une expérience qui l'a conduite a se concentrer sur le "sujet de l'éthique" lors de sa prise de fonction. "On est devenu une Fédération exemplaire sur la question des violences sexuelles et sexistes", a-t-elle revendiqué, évoquant notamment la mise en place d'un partenariat avec l'association "Colosses aux pieds d'argile", à compter de juin 2020.
Nathalie Péchalat a, en revanche, paru troublée, si ce n'est embarrassée, au moment d'évoquer l'affaire Morgan Ciprès, dont elle a hérité au moment de prendre ses fonctions. Ce patineur français, qui a pris sa retraite sportive depuis, accusé d'avoir envoyé des photos intimes à une patineuse de 13 ans en 2017, sur le sol américain. Visiblement émue, l'ancienne sportive de haut niveau a dû justifier l'absence de sanctions par la commission disciplinaire, qui aurait manqué d'éléments probants.
Tout comme l'absence de réaction, pendant plusieurs mois, après l'envoi d'un mail à la Fédération de la très sérieuse United States Center for SafeSport, instance américaine qui lutte contre les abus sexuels. La référente intégrité, "proche de Didier Gailhaguet", ne lui a pas communiqué en temps et en heure, a-t-elle déploré, précisant que la Fédération était menacée de payer "5 millions d'euros" de dommages et intérêts aux plaignants.
Un chiffrage balayé du revers de main par Gwenaëlle Noury, qui évoque un "risque financier énorme" pouvant aller jusqu'à 20 millions d'euros, qui aurait de menacé l'existence même de la FFSG. Elle a critiqué l'inaction de sa prédécesseure en la matière, évoquant une enveloppe de 250 000 euros en frais de défense, sans qu'il y ait de contact régulier avec l'avocat américain. In fine, la fédération a finalement gagné le procès en plaidant l'incompétence de territoire, et le délai d'appel de 30 jours est "bientôt terminé". Les deux dirigeantes ont également divergé concernant la communication de ce dossier au ministère des Sports, Gwenaëlle Noury affirmant avoir appris son existence à l'exécutif, une version démentie par sa prédécesseure.
Une nouvelle affaire de VSS a, en outre, rattrapé la FFSG cet été, L'Obs ayant révélé que Brian Joubert, ex-star du patinage artistique reconverti en entraîneur à Poitiers, était visé par plusieurs enquêtes pour des "faits de violence", après des signalements qu'auraient réalisés des parents de jeunes adhérents du club. Soumise aux questions incisives de la rapporteure de la commission d'enquête, Sabrina Sebaihi (Ecologiste), Gwenaëlle Noury a finalement évoqué un signalement effectué à la cellule du ministère des Sports, "Signal sports", ainsi qu'un signalement à la justice via un "article 40". Quelques mois après le rapport accablant de l'inspection, le navire de la Fédération française des sports de glace continue de tanguer.