Gabriel Zucman, invité d'une table-ronde ce mercredi 1er octobre à l'Assemblée nationale, aux côtés du prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz et de l'économiste Jayati Ghosh, a défendu les bienfaits de sa taxe sur les très hauts patrimoines, estimant qu'une exonération des biens professionnels serait "inacceptable".
"Accepter que les milliardaires ne paient pas d'impôts est un abandon de souveraineté." Ce mercredi 1er octobre à l'Assemblée nationale, Gabriel Zucman a une nouvelle fois défendu sa vision de la fiscalité sur les utra-riches. L'économiste français était l'invité, d'une table ronde sur la "taxation du patrimoine des super-riches" organisée par le président de la commission des finances, Eric Coquerel (La France insoumise). Il a défendu, aux côtés du prix Nobel Joseph Stiglitz et de l'économiste Jayati Ghosh, son projet de taxe plancher de 2% sur les plus hauts patrimoines.
"Dire que soumettre les milliardaires à un taux minimum d'imposition serait mettre en danger la souveraineté de la France me semble véritablement absurde", a martelé Gabriel Zucman. Son plaidoyer a été appuyé par Joseph Stiglitz, qui appelle à "chercher l'argent là où il est", c'est-à-dire "dans les hautes sphères", afin de "réduire les inégalités et de pouvoir financer l'économie".
La taxe Zucman, si elle était appliquée, toucherait les 0,01% des contribuables les plus fortunés, ceux qui ont un patrimoine supérieur à 100 millions d'euros, soit environ 1800 contribuables. En février dernier, une majorité de députés avaient adopté en première lecture une proposition de loi écologiste instaurant le dispositif, qui a ensuite été rejetée au Sénat.
Un impôt plancher de 2% sur des millions et des millions de dollars ce n'est vraiment pas grand chose. Joseph Stiglitz
En ouverture des débats, le président de la commission des finances Eric Coquerel (La France insoumise) lui aussi pris la défense de la taxe Zucman, dénonçant les "réactions virulentes" de ses opposants : "Cette taxe met le doigt sur la manière dont a été contourné l'impôt par quelques milliers de personnes dans le pays."
Le rapporteur général du budget, le député Charles de Courson (LIOT), participant lui aussi à la table ronde a dénoncé les défauts d'une taxe a priori "séduisante" mais qui n'est "pas une bonne idée". L'élu a jugé que le dispositif risquait d'être "confiscatoire" : par exemple, le patrimoine foncier "rapporte à peu près 1%" alors que la taxe Zucman serait fixée à 2%... Et de mettre en garde contre les "risques d'expatriation" et les effets pervers d'une taxation du patrimoine des entreprises.
Citant différentes études, Gabriel Zucman a pour sa part affirmé que l'expatriation serait "limitée". L'économiste propose cependant plusieurs pistes pour en limiter les effets, comme une taxation "au moment du départ", qui pourrait être payée pendant plusieurs années.
La beauté de cette proposition, c'est qu'il n'y a pas d'exception possible. Jayati Ghosh
Gabriel Zucman a aussi présenté des solutions pour les entreprises qui ont des rendements faibles, comme certaines start-up. "Je propose aux personnes concernées de payer l'impôt plancher en nature avec des actions de l'entreprise quand il y a de vrais problèmes de liquidités", a-t-il expliqué. Les actions ainsi acquises par l’Etat pourrait abonder un fonds souverain français ou être revendues aux salariés, voire à des investisseurs français.
Au cours de la table ronde, l'économiste a exhorté les députés à ne pas accepter d'exonération des "biens professionnels", une notion construite en France "en 1981, quand l'impôt sur les grandes fortunes a été introduit". "Cela a été une erreur considérable qui a miné l'impôt sur la fortune et qui a eu pour conséquence que cet impôt ne taxait pas les plus grandes fortunes du pays", a-t-il indiqué.
"On peut faire cette erreur une fois il y a 40-45 ans, mais alors la refaire une deuxième fois serait inacceptable", a déclaré l'économiste. Selon lui, "exonérer les biens professionnels voudrait simplement dire exonérer les milliardaires de l'impôt plancher sur les milliardaires, cela n'aurait pas grand sens".