Budget 2026 : la taxe Zucman sur les ultrariches au centre de l'équation politique

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Sébastien Lecornu
Sébastien Lecornu
par Anne-Charlotte DusseaulxElsa Mondin-Gava, le Jeudi 11 septembre 2025 à 19:20

En amont de l'élaboration du budget 2026, le nouveau Premier ministre, Sébastien Lecornu, reçoit les forces politiques représentées au Parlement. Dans cette séquence, certains posent leurs exigences, tandis que d'autres s'interrogent sur les concessions qu'ils seraient prêts à faire... Objectif : parvenir à un compromis pour permettre l'adoption d'un projet de loi de finances. Au coeur des discussions : la taxe Zucman.

"Il n'y a pas de chemin impossible", a lancé Sébastien Lecornu sur le perron de Matignon, mercredi, lors de la passation de pouvoirs avec François Bayrou. Dans le même élan, il a promis des "ruptures, aussi sur le fond" et appelé à être "plus sérieux dans la manière de travailler avec [les] oppositions". Du travail, le nouveau Premier ministre qui a débuté des discussions à Matignon et a prévu de recevoir l'ensemble des forces politiques  va en avoir : il doit s'atteler à la construction d'un budget, pour l'année 2026, susceptible d'être adopté, ou en tout cas de ne pas provoquer la chute du futur gouvernement. Et donc trouver des compromis, afin d'élargir l'assise de ceux qui, au Parlement, valideraient ou laisseraient passer son projet de loi de finances. 

Forcément, les regards se tournent vers les socialistes, qui avaient accepté de ne pas censurer François Bayrou en début d'année, estimant avoir obtenu assez de gages politiques. Mais, face à la déception qui a suivie, la marche sera, cette fois, plus haute. "Un accord avec nous sera super cher. Nous ferons payer 1 000 balles les billets de 10 balles", prévenait récemment le député Philippe Brun

Parmi les exigences du PS : s'engager à ne pas utiliser l'article 49.3 sur le budget ; revoir à la baisse les 43,8 milliards d'euros de réduction du déficit voulus par François Bayrou (quand les socialistes proposent de réduire le déficit de 21,7 milliards l'année prochaine) ; un bougé sur la réforme des retraites, ou encore l'imposition des plus riches, notamment avec la taxe imaginée par l'économiste Gabriel Zucman qui vise à faire payer un impôt annuel minimum de 2% de leur patrimoine à ceux qui ont au moins 100 millions d'euros de fortune, pour un gain espéré de 15 à 25 milliards d'euros. Un chiffrage cependant contesté par d'autres économistes.

La taxe Zucman "est fondamentale", "ce n'est pas une lubie de socialistes", a lancé ce jeudi matin sur TF1 le président du groupe "Socialistes" à l'Assemblée nationale, Boris Vallaud. "La taxe Zucman fait partie des réponses : elle ne concerne que 1 800 personnes dont le patrimoine dépasse 100 millions d’euros", expliquait, quant à lui, le patron du PS, Olivier Faure, la veille sur Franceinfo. 

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L'idée progresse au sein du "socle commun"

L'idée de la taxation des plus riches fait son chemin. "Zucman a gagné le combat idéologique", reconnaît auprès de LCP un député du groupe Ensemble pour la République, pour qui il n'y a "aucun chemin avec le PS sans taxation des hauts patrimoines". "On peut discuter de ce sujet, mais il va falloir qu'on entre dans la technique, qu'on soit précis et que chacun aille l'un vers l'autre", a déclaré le député Charles Sitzenstuhl (EPR) mercredi soir sur le plateau de LCP.

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Dans Le Figaro en début de semaine, son collègue Sylvain Maillard, ancien chef de file des députés du parti présidentiel, indiquait lui aussi que, tout en étant opposé sur le fond à cette mesure, il "fallait offrir à la gauche une victoire symbolique sur l’imposition des plus fortunés". "Il va bien falloir lâcher. Même notre électorat le demande", ajoutait-il alors. 

Même à droite, au sein des Républicains, certains envisagent d'avancer en ce sens. "L'idée de la taxe Zucman est à étudier", reconnaît ce jeudi un député du groupe Droite républicaine, qui préférerait "une taxe Zucman édulcorée qui ne s'attaque pas au patrimoine productif". Egalement sollicité par LCP, l'un de ses collègues résume ce qui sera, à ses yeux, la position de la droite : "On gueulera, mais oui, il y a une ouverture". Ce que confirme aussi le député Ian Boucard dans Le Figaro : "On a acté que si on voulait de la stabilité, il fallait faire des concessions. Une taxation sur les 2 % les plus riches, globalement, le groupe y est prêt ."

Tous ne l'entendent toutefois pas de cette oreille. Et notamment, Gérard Larcher. La taxe Zucman, "c'est une illusion, une mesure d'abord anti-constitutionnelle" et qui "conduira à l'exil fiscal", a vivement critiqué le président du Sénat ce jeudi sur BFMTV. 

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Adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale en février, une proposition de loi "instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultra riches" avait été rejetée par le Sénat en juin. 

Vers une taxe Zucman "édulcorée" ?

Mais si une avancée est actée en ce sens dans les prochaines semaines, sur quelle taxe Zucman les uns et les autres tomberont-ils d'accord ? "On peut discuter des modalités, on peut discuter de l'assiette, on peut discuter du montant", a avancé l'eurodéputé Raphaël Glucksmann (Place publique), jeudi sur RTL. "Ce dont on ne peut pas discuter et ce qui est la condition de possibilité de tout accord, c'est le fait qu'à la fin un dispositif permette de taxer (...) ceux qui ont multiplié par deux leur fortune sur les huit dernières années", a-t-il poursuivi. 

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De son côté, Gabriel Zucman multiplie les interventions médiatiques pour expliquer sa mesure. "L'essentiel est de se mettre d'accord sur le principe : les milliardaires doivent payer un impôt minimum annuel, assis sur leur patrimoine. Ensuite, on peut discuter du taux. Mais ces 2 % n’ont pas été choisis au hasard", indique-t-il dans Le Monde, tout en se disant "optimiste", car "la taxe est plébiscitée dans tous les électorats".