La chute d'un gouvernement et la nomination du suivant pourrait, comme l'année dernière, venir retarder le calendrier budgétaire. Celui-ci est prévu pour permettre l'adoption d'une loi de finances d'ici au 31 décembre, tout en garantissant au Parlement le temps nécessaire pour en débattre. Première échéance : le dépôt du budget de l'Etat à l'Assemblée nationale début octobre.
Alors qu'Emmanuel Macron vient de nommer Sébastien Lecornu à Matignon, la question de l'élaboration du budget 2026 sera le principal défi du futur gouvernement. Car, contrairement à d'autres textes de loi, l'examen du projet de loi de finances (PLF) – comme celui du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) – est très encadré. Avant le vote du 8 septembre et la chute du gouvernement de François Bayrou, la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale avait fixé un calendrier : la première partie du PLF, consacrée aux recettes, devait être examinée dans l'hémicycle à partir du 14 octobre, et donc la semaine précédente, celle du 7 octobre en commission.
Sauf que c'était avant que François Bayrou ne remette la démission de son gouvernement au chef de l'Etat, comme la Constitution l'y oblige quand un Premier ministre échoue à obtenir la confiance des députés. Une nouvelle séquence s'ouvre. Emmanuel Macron a, cette fois, très vite nommé un nouveau locataire à Matignon. Mais tout reste à faire. Dans le communiqué de l'Elysée, le président de la République a d'ailleurs chargé Sébastien Lecornu de "consulter les forces politiques représentées au Parlement en vue d’adopter un budget pour la Nation", avant même de lui présenter un gouvernement.
Dans ces conditions, sera-t-il possible de construire un budget dans le temps imparti ? Déjà, celui de 2025 avait fait l'objet d'une adoption tardive, en début d'année, après l'application temporaire d'une loi spéciale, à la suite de la censure de Michel Barnier sur le PLFSS. Qu'en sera-t-il cette année ? Une course contre la montre va s'engager d'ici au 31 décembre. LCP fait le point sur le calendrier à respecter.
C'est la première date que devra respecter le gouvernement. L'article 39 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) indique que le projet de loi de finances "est déposé au plus tard le premier mardi d'octobre" – qui tombe cette année le 7 octobre – et "est immédiatement renvoyé à l'examen de la commission chargée des finances" de l'Assemblée nationale.
Avant cette échéance, le gouvernement doit aussi avoir saisi pour avis, en septembre donc, le Haut conseil des Finances publiques (HCFP) et le Conseil d'Etat. Le texte doit également être présenté en Conseil des ministres avant d'arriver au Palais-Bourbon.
Selon ce calendrier, le nouveau Premier ministre dispose donc de moins d'un mois avant de déposer le texte devant l'Assemblée nationale. L'année dernière, Michel Barnier avait toutefois dépassé de quelques jours la date du premier mardi d'octobre. Son gouvernement avait en effet présenté son budget en Conseil des ministres le 10 octobre.
Après le dépôt du projet de loi de finances au Parlement, s'ouvrira la période d'examen parlementaire, d'abord par les députés, puis par les sénateurs. Elle dure environ trois mois, d'octobre à décembre. Là encore, les choses sont très encadrées. Le Parlement dispose de 70 jours maximum pour se prononcer sur le projet de loi de finances, selon l'article 40 de la LOLF : 40 jours pour la première lecture à l'Assemblée nationale, 20 jours pour celle au Sénat et dix jours pour la navette parlementaire. Reste quelques jours fin décembre pour que le Conseil constitutionnel puisse, le cas échéant, être saisi sur le budget. La loi de finances doit être promulguée par le président de la République et publiée au Journal officiel, au plus tard le 31 décembre.
L'article 47 de la Constitution précise que "si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de quarante jours après le dépôt d'un projet, le gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours".
Que se passe-t-il lorsque les députés et les sénateurs ne parviennent pas à tenir ce délai de 70 jours ? Le même article 47 de la Constitution prévoit que : "les dispositions [du projet de loi de finances] peuvent être mises en vigueur par ordonnance", dont l'utilisation est régie par l'article 38 de la Constitution.
A l'été 2024, le Secrétariat général du gouvernement (SGG) avait planché sur les différents scénarios possibles pour le budget 2025, alors que Gabriel Attal était à la tête d'un gouvernement démissionnaire. Dans une note rendue publique par le média Contexte quelques mois plus tard, le SGG jugeait alors "difficile (...) pour un gouvernement démissionnaire, de déposer un PLF et a fortiori un PLFSS". Mais il n'écartait pas totalement cette piste dans une situation d'urgence et avançait un risque juridique "très limité". Notamment car le Parlement "ne peut pas s'opposer" à l'examen d'un PLF ou d'un PLFSS au motif qu'il aurait été déposé par un gouvernement démissionnaire.
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En cas de retard trop important, éventuellement en raison d'un blocage politique, le gouvernement disposera d'un joker pour que la France puisse continuer à fonctionner dès le 1er janvier 2026 : l'article 45 de la LOLF lui permet de s'appuyer sur un "projet de loi spéciale l'autorisant à continuer à percevoir les impôts existants", dans l'attente du vote d'un budget en bonne et due forme. C'est ce qui s'est passé l'année dernière. La loi organique indique, en outre, qu'"après avoir reçu l'autorisation de continuer à percevoir les impôts (...), le gouvernement prend des décrets ouvrant les crédits applicables aux seuls services votés".