Dénonçant des "actes inqualifiables" dans les récentes affaires de violences policières, Gérald Darmanin a immédiatement souligné que "des individualités ne sont pas un tout". Auditionné par la commission des lois de l'Assemblée, le ministre de l'Intérieur a donc défendu l'action des forces de l'ordre. Il a aussi ouvert la porte à quelques évolutions, sur la formation, le matériel et l'encadrement.
Le ministre de l'Intérieur a débuté son intervention en rendant hommage aux "quatre policiers décédés lors de l'exercice de leurs fonctions" depuis sa nomination place Beauvau, le 6 juillet 2020. Puis, réagissant aux violences policières récentes, il a dénoncé des "actes inqualifiables" tout en précisant aussitôt que "des individualités ne sont pas un tout".
La police et la gendarmerie sont profondément républicaines. Gérald Darmanin, le 30 novembre 2020
Et de rappeler deux chiffres censés démontrer que les policiers ne font pas l'objet d'une impunité particulière : ils constituent "7% de l'ensemble de la fonction publique" mais "font l'objet de 55% des sanctions de tous les fonctionnaires", a-t-il souligné.
Revenant sur l'évacuation controversée d'un camp de migrants installé place de la République, Gérald Darmanin a confirmé avoir réclamé une "sanction" au "titre de l'exemplarité" contre "le commissaire de police qui a effectué un croche-patte" sur une personne. "Juste avant, sa collègue était agressée", a-t-il néanmoins précisé. Il a également estimé qu'une telle opération pouvait s'apparenter à de la "provocation" à l'égard des forces de l'ordre.
Le ministre a conforté le préfet de Paris Didier Lallement dans ses fonctions, "un fonctionneur travailleur", alors que plusieurs députés de gauche réclamaient sa démission.
Gérald Darmanin a listé tous les points à améliorer, à commencer par la formation initiale des jeunes policiers, rétrécie pour "[les envoyer] plus rapidement sur la voie publique". Une "erreur" selon le premier flic de France, qu'il a proposé lundi au président de la République de rectifier :
"Raccourcir la formation initiale des policiers n'était pas une bonne idée", déclare @GDarmanin, qui a proposé au président de la République de revenir sur cette évolution. Il déplore également le manque d'encadrement intermédiaire.
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La formation continue des forces de l'ordre laisserait également à désirer. Alors qu'ils bénéficient de 12 heures par an pour se mettre à jour, les policiers ne seraient que "20%" à les avoir effectuées dans leur totalité en 2019.
Il a pointé en parallèle un problème dans l'encadrement des agents : "L'une des difficultés, notamment dans l'affaire du 17e arrondissement de Paris, c'est qu'il n'y a pas assez de chefs, de sous-officiers, présents dans la rue." Il faut "recréer un corps intermédiaire sur le terrain", a-t-il promis.
Enfin, le manque de moyens serait encore trop criant, le ministère ayant "trop longtemps privilégié la masse salariale" aux questions de "matériels, de voiture, de logements, d'armes".
Pour @GDarmanin, l'investissement en matériels est trop souvent passé derrière les dépenses de personnels. Il se félicite en outre de la future généralisation des caméras-piétons, qui permettra une "meilleure surveillance" de la police.
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Sans afficher d'empressement particulier sur la question, le ministre de l'Intérieur s'est montré ouvert à différentes évolutions de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), comme par exemple nommer un directeur qui ne soit "pas de la 'maison' du ministère de l'Intérieur". En revanche, il s'est dit opposé à en faire une "autorité administrative indépendante", comme le plaident les ministres de l'aile gauche du gouvernement.
"S'il y a une réforme à faire, (...) c'est l'application des sanctions demandées par l'IGPN, a-t-il surtout insisté. Les sanctions administratives ne sont pas toujours appliquées." Un manquement régulièrement pointé du doigt par le Défenseur des droits :
"Le pouvoir exécutif n'est pas lié aux propositions de l'IGPN", regrette @GDarmanin. "Il faut contraindre le ministre de l'Intérieur à prendre les sanctions que demande l'Inspection générale de la Police nationale", assure-t-il.
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Disposition la plus polémique du texte sur la sécurité globale, l'article 24 prévoit de punir la diffusion d'image "dans le but manifeste" de nuire aux policiers. Laurence Vichnievsky (MoDem), qui fait partie de la frange de la majorité opposée aux textes, a demandé son retrait.
Mais Gérald Darmanin, tout comme le patron des députés La République en marche Christophe Castaner quelques heures plus tôt, a campé sur une "réécriture" de l'article :
Article 24 : "Les forces de l'ordre ne sont pas assez protégées, je n'ai pas changé de conviction", répond @GDarmanin. La majorité a annoncé la réécriture de cet article controversé.
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Le ministre a aussi dit qu'il n'était pas "un fétichiste des chiffres", laissant entendre que l'avenir de l'article 24 pouvait être de se fondre dans l'article 25 du futur projet de loi sur les principes républicains, dont la rédaction vise une protection de la vie privée de tous les fonctionnaires.
Y a-t-il un "problème de doctrine sur le maintien de l'ordre", comme l'a souligné Éric Coquerel (LFI) ? "Le drame, c'est que le ministère de l'Intérieur a envoyé des personnes faire du maintien de l'ordre sans que ce soit leur métier", a reconnu Gérald Darmanin, souhaitant l'application d'un "maintien de l'ordre modéré".
Pour faire un pas vers plus de transparence, le ministre a proposé que "les caméras-piétons des policiers soient déclenchées automatiquement" lorsque les agents sortent leur arme de service ou utilisent d'un taser ou un lanceur de balles de défense (LBD). La généralisation des caméras-piétons a été fixée au 1er juillet 2021.
Plusieurs députés ont mis en avant un désamour entre la police et la population, un constat que Gérald Darmanin a tenu à minimiser :
"69 % des Français apprécient leur police", rappelle @GDarmanin. "69 % aiment-ils la classe politique, les parlementaires ? C'est un chiffre important", fait valoir le ministre.
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L'évolution qui l'inquiète le plus est à chercher plutôt du côté de "l'augmentation constante des refus d'obtempérer et des policiers blessés, et je ne parle même pas des insultes", a-t-il regretté. Pour Olivier Marleix (LR), le "malaise" policier est d'abord à chercher du côté de "la répression de crises à répétition, dont celle de l'article 24 n'est qu'une énième illustration".