Erwan Balanant (Les Démocrates) et Sandrine Rousseau (Les Ecologistes), respectivement rapporteur et présidente de la commission d'enquête relative aux "violences commises dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité", ont tenu une conférence de presse, ce mercredi 9 avril, à l'Assemblée nationale. Ils ont détaillé leurs préconisations, devant plusieurs actrices, dont Judith Godrèche.
Elle entre dans la salle Colbert de l'Assemblée nationale presque sur la pointe des pieds. Ce mercredi matin, l'actrice Judith Godrèche vient écouter les recommandations de la commission d'enquête relative "aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité". La présidente de la commission, Sandrine Rousseau (Ecologiste et Social), et son rapporteur, Erwan Balanant (Les Démocrates), organisent une conférence de presse afin de présenter, devant un parterre d'acteurs du monde de la culture, les conclusions de six mois de travail.
L'actrice, vite réconfortée par la députée écologiste, cache mal son émotion face à ce moment qu'elle a contribué à initier en témoignant en mars 2024 devant la délégation aux droits des enfants de l'Assemblée nationale. "Permettez qu'avec un peu de solennité et d'émotion mes premiers mots aillent à Judith Godrèche, elle qui par sa parole a inspiré la mise en place de cette commission", explique d'ailleurs Sandrine Rousseau, au début de son intervention. La députée écologiste rend également hommage à "toutes les personnes qui sont venues témoigner", en particulier les victimes, dont les "paroles ont été importantes".
A l'issue de 85 auditions et tables rondes, Sandrine Rousseau dénonce les "violences persistantes, endémiques et donc systémiques" qui touchent le monde de la culture. Elle critique un "culte absolu de l'auteur, de la création, qui autorise toutes les dérives" et étrille "l'incurie des employeurs" d'un secteur où "la création passe avant tout, y compris avant le droit du travail, l'argent passe avant tout, y compris avant le droit pénal".
Le rapporteur Erwan Balanant, qui souligne qu'une "prise de conscience est en cours", pointe, lui aussi, une "machine à broyer des talents". Le député MoDem dénonce la "structuration" du monde de la culture, "qui ne fait qu'amplifier la culture sexiste et patriarcale de notre société" et met par ailleurs en cause "l'exception de génie", "l'excuse du génie à qui on pardonne tout". Sandrine Rousseau profite d'ailleurs de l'occasion pour interpeller les dirigeants du Festival de Cannes, qui devrait être "le lieu de ce renversement des mentalités".
Erwan Balanant, dont plusieurs propositions ont été applaudies par l'assistance, souhaite particulièrement protéger les enfants, en interdisant par exemple "la représentation sexualisée des mineurs à l'écran et dans les photographies de mode". L'élu veut aussi développer le recours aux référents VHSS (violences et harcèlement sexistes et sexuels), mieux encadrer les scènes d'intimité ou réglementer davantage la profession d'agent et les castings. Ce dernier point est d'ailleurs jugé "urgent" par Sandrine Rousseau, qui aimerait "interdire les castings sauvages immédiatement".
Défendant un "plan global", Erwan Balanant demande aux acteurs de la "filière du monde de la culture" de s'approprier les 87 recommandations de son rapport. "C'est à eux de prendre leurs responsabilités", déclare le député, qui affirme toutefois qu'il travaillera, avec d'autres, à une proposition de loi.
"J'avais investi de beaucoup d'espoirs cette commission", réagit Judith Godrèche à l'issue de la conférence de presse. "Je ne suis pas étonnée et presque soulagée de voir qu'il est écrit noir sur blanc des choses que nous savions déjà", ajoute l'actrice. Et de déclarer : "Plus personne ne peut dire 'je ne savais pas'". Sans cacher pour autant une certaine inquiétude : "Je crains qu'il se passe comme ce qu'il s'est passé pour les 80 préconisations de la Ciivise, que ces recommandations ne soient pas appliquées, ne se transforment pas en législation."
Répondant aux questions des journalistes, l'actrice salue particulièrement la mesure qui consiste à rendre obligatoire pour les employeurs le fait de signaler au procureur les violences et harcèlement sexistes et sexuels portés à leur connaissance. "Une mesure qu'il faut que l'on expertise et que l'on travaille", indique Erwan Balanant. Avec le sourire, comme une mise en garde adressée à l'ensemble des députés Judith Godrèche conclut : "Attention, il ne faut pas se défiler."