La proposition de loi "visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste" adoptée jeudi 15 avril interdit les relations sexuelles entre les majeurs et les mineurs de moins de 15 ans. Celles-ci seront qualifiées de viol, sauf si l'écart d'âge entre les deux personnes est inférieur à cinq ans.
L'Assemblée nationale a adopté jeudi à l'unanimité, en deuxième lecture, la proposition de loi "visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste". Les députés ont voté à l'identique le texte issu du Sénat, ce qui vaut adoption définitive. "Cette loi est historique pour nos enfants, mais aussi pour notre société", s'est félicité le Garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti.
Ce texte, rédigé par la sénatrice Annick Billon, a été repris et modifié par la majorité La République en marche à l'Assemblée nationale en première lecture : il fixe un "seuil de non-consentement" à 15 ans. Cela signifie que "constitue un viol tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco‑génital commis par un majeur" sur la personne d'un mineur de moins de 15 ans.
"Plus aucun adulte agresseur ne pourra se prévaloir du consentement d'un mineur en dessous de quinze ans", a résumé Eric Dupond-Moretti. Un tel crime sera puni de 20 ans de réclusion.
Par ailleurs, toute "atteinte sexuelle autre qu'un viol" commise par un majeur sur un mineur de moins de 15 ans constituera une agression sexuelle punie de 10 ans d'emprisonnement et de 150.000 euros d'amende.
Pour éviter de sanctionner les "amours adolescentes", le texte prévoit une "clause Roméo et Juliette" : le seuil de non-consentement ne s'appliquera pas s'il s'agit de relations sexuelles entre deux personnes consentantes dont la différence d'âge est inférieure à cinq ans. "Il ne s'agit pas de nous ériger aujourd'hui en censeur de la sexualité de nos adolescents", a expliqué Eric Dupond-Moretti. Le ministre de la Justice estime que cette disposition est "indispensable pour que le texte ne soit pas sanctionné par le Conseil constitutionnel".
"Nous avons une solution d'équilibre, si nous voulons avoir un texte viable, il faut s'y tenir", a ajouté la rapporteure du texte Alexandra Louis (La République en marche).
N'en déplaise à certains, la pénalisation automatique ne peut, en droit français, s'appliquer qu'avec proportionnalité. Eric Dupond-Moretti.
Cette "clause Roméo et Juliette" est cependant critiquée par certains députés, qui regrettent le fait qu'en l'appliquant, un adulte de 18 ans pourra avoir des relations sexuelles consenties avec un enfant âgé de 13 ans. Parmi ces députés, Antoine Savignat (Les Républicains) ou encore Isabelle Santiago (Socialistes). "Les mineurs de 13 et 14 ans sont des jeunes fragiles", a expliqué l'élue, qui a tenté, en vain, de réduire l'écart d'âge à trois ans.
Le texte crée par ailleurs une nouvelle catégorie : les viols et agressions sexuelles incestueux. L'inceste est actuellement une simple circonstance aggravante de ces actes : cela ne sera plus le cas une fois que la loi votée jeudi entrera en vigueur. Le seuil de non-consentement retenu est en l'espèce de 18 ans.
Le viol incestueux est une qualification qui pourra être retenue contre un ascendant, contre un frère, une sœur, un oncle, une tante, un grand‑oncle, une grand‑tante, un neveu ou une nièce. Elle pourra également être retenue contre le conjoint des personnes précédemment citées mais aussi leur concubin ou leur partenaire de Pacs. Cette qualification spécifique s'appliquera si l'auteur a "autorité de droit ou de fait" sur la victime. Ce crime sera puni de 20 ans de réclusion.
Par ailleurs, constituera une agression sexuelle incestueuse, toute "atteinte sexuelle autre qu'un viol" commise par un majeur sur un mineur, lorsque le majeur est un ascendant, un autre membre de la famille ou un conjoint, concubin, partenaire de Pacs "ayant sur le mineur une autorité de droit ou de fait". Ces faits seront punis de 150.000 euros d'amende et de 10 ans de prison.
Le texte instaure aussi un mécanisme de "prescription prolongée" : si avant l'expiration du délai de droit commun, l'auteur d'un viol sur mineur commet un nouveau viol sur un autre mineur, le délai de prescription du premier crime sera prolongé jusqu'à la date de prescription du nouveau crime. Ce dispositif s'appliquera aussi aux agressions et abus sexuels.
La proposition de loi sanctionne par ailleurs de 7 ans d'emprisonnement et 100.000 euros d'amende le fait pour un majeur de solliciter auprès d'un mineur des photos ou vidéos à caractère pornographique mettant en scène le mineur en question. La peine passe à 10 ans et 150.000 euros d'amende si le mineur a moins de 15 ans.
Enfin, une personne majeure ayant une relation sexuelle avec un mineur prostitué de moins de quinze ans commettra un viol puni de 20 ans de réclusion. Le proxénète encourra la même peine. Une disposition qu'a salué la rapporteure Alexandra Louis.