La députée communiste Soumya Bourouaha a présenté, ce mercredi 1er octobre, devant le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, son rapport consacré à l'évaluation des aides sur critères sociaux destinées aux étudiants. Dressant un constat d'échec quant à la capacité des différents dispositifs à endiguer la précarité étudiante, la elle propose des pistes pour réformer en profondeur le système actuel.
Une précarité grandissante et particulièrement mise en lumière depuis l'épidémie de Covid-19. Devant le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, Soumya Bourouaha (Gauche démocrate et républicaine), qui a signé un rapport consacré à "l'évaluation des aides sur critères sociaux pour les étudiants", a tenu à rappeler "la réalité à laquelle sont confrontés les étudiants",
"Les étudiants constituent une population particulièrement vulnérable", a souligné la députée communiste, précisant que "cette précarité économique frappe plus durement les étudiants décohabitants", c'est-à-dire ceux ne vivant plus au domicile familial. "40% d'entre eux, soit environ 540 000 étudiants, vivent sous le seuil de pauvreté", a préciséla rapporteure, alors que ce chiffre est de 18% pour les étudiants vivant chez leurs parents.
Un état des lieux qui ne date pas d'hier, et qui avait motivé la constitution de la mission d'information. Ses travaux ayant été menés six mois durant et jusqu'en juillet dernier avec Jean Laussucq (Ensemble pour la République) qui en était le co-rapporteur avant d'être déchu de son mandat de député en raison de l'invalidation de ses comptes de campagne, certaines de ses préconisations apparaissent néanmoins dans le rapport signé par Soumya Bourouaha.
Alors que le rapport martèle que l'accès à l'enseignement supérieur et la réussite des jeunes demeurent fortement liés à leur origine sociale, il met en lumière l'aide non négligeable que constituent les bourses pour les étudiants modestes. Si les bourses sur critères sociaux - qui se fondent sur le calcul des ressources des parents auquel s'ajoute des critères liés à la situation de chaque étudiant -, ouvrent droit à des montants allant de 1454 euros à 6335 euros par an versés sur dix mois, "le niveau des aides demeure très limité", a estimé Soumya Bourouaha. "Au maximum un étudiant à l'échelon 7 perçoit 633,50 euros par mois sur 10 mois et seuls 55 000 étudiants sont concernés. A l'inverse, près d'un tiers des boursiers relève de l'échelon O bis, échelon le plus bas, avec une aide de seulement de 145,40 mensuels", a-t-elle détaillé.
La députée a cependant rappelé que "les étudiants boursiers poursuivent davantage leurs études et obtiennent de meilleurs résultats que les non-boursiers, même si leurs performances restent en-deçà de celles des plus favorisés". Qualifiant la réforme des bourses sur critères sociaux mise en place à la rentrée 2023 par l'ex-ministre Sylvie Retailleau de "progrès", Soumya Bourouaha a plaidé pour aller plus loin.
Mesure phare de son rapport, elle invite à revoir et à simplifier les critères d'attribution des bourses sur critères sociaux, dans le but d'instaurer un système plus progressif et plus redistributif. Egalement préconisé, le versement de ces bourses toute l'année, y compris durant les deux mois de pause universitaire, soit en juillet et en août. "Les effets de seuils doivent disparaître grâce à la linéarisation des barèmes, l'indexation annuelle sur l'inflation doit devenir la règle pour préserver le pouvoir d'achat", a-t-elle considéré.
Le rapport se saisit également du levier fiscal afin de "mieux cibler les aides publiques", selon les termes de Soumya Bourouaha, et de les orienter vers les étudiants les plus modestes. La députée prône ainsi de supprimer la réduction d’impôt au titre des frais
de scolarité dans l’enseignement supérieur, ainsi que la déduction de la pension alimentaire du revenu imposable des parents d’un étudiant qualifiées de "niches fiscales".
Autre problématique de taille sur laquelle s'est penchée la mission, celle du logement étudiant. Alors que le Crous dispose d'un parc de 175 000 logements, "l'offre reste très insuffisante au regard des 700 000 étudiants boursiers", a regretté Soumya Bourouaha. "L'une des réponses immédiates consiste à faciliter l'accès des étudiants au marché locatif privé", a-t-elle indiqué proposant notamment la suppression du mois de carence dans le versement des aides au logement et l'extension à toutes les grandes métropoles de l'encadrement des loyers.
Le soutien à la jeunesse n'est pas un coût, mais un investissement stratégique pour l'avenir. Soumya Bourouaha (GDR)
Autre "besoin vital" pour une population de plus en plus précaire, l'accès à une alimentation équilibrée et abordable. Dressant le constat de la saturation des restaurants universitaires et des effets d'éviction pour certains étudiants qui auraient besoin d'un tarif social, Soumya Bourouaha souhaite généraliser le repas à un euro pour tous les étudiants, et non le réserver aux seuls boursiers. Un point de désaccord avec Jean Laussucq, qui souhaitait au contraire resserrer le dispositif, considérant qu'il s'agissait du seul moyen d'en assurer la pérennité.
Plus largement, Soumya Bourouaha a considéré que son rapport constituait un plaidoyer pour "la mise en place d'une politique nationale de la vie étudiante", jugeant les acteurs beaucoup trop dispersés. "Les politiques publiques en faveur des étudiants doivent changer d'échelle", a déclaré la députée, qui a plaidé pour la mise en place, à terme, d'une allocation universelle d'autonomie jusqu'à 25 ans, dont elle a chiffré le coût pour l’Etat à environ 10 milliards d'euros par an.