La partie "recettes" du projet de loi de finances pour 2025 ayant été rejetée par l'Assemblée nationale, l'ensemble du texte va être transmis au Sénat, sans que la partie "dépenses" soit examinée au Palais-Bourbon. Une déception pour les députés d'Outre-mer qui s'inquiètent de "coupes budgétaires" concernant leurs territoires déjà confrontés à de nombreuses difficultés. Pour apaiser les craintes, le gouvernement promet une "hausse substantielle" des crédits par rapport au budget initialement présenté, afin de "se rapprocher le plus possible" de ce qui avait été voté pour 2024.
Les députés ultramarins craignent d'importantes "coupes budgétaires" dans la mission Outre-mer du projet de loi de finances pour 2025. Concrètement, le texte initialement présenté par le gouvernement prévoit une baisse sensible des crédits spécifiquement dédiés aux terriroires d'Outre-mer, qui passeraient de 2,8 milliards d'euros en 2024 à 2,55 milliards d'euros en 2025. Une "logique comptable" dénoncée par les élus ultramarins auxquels le gouvernement promet cependant une "hausse substantielle" par rapport à ce qui était prévu avant le coup d'envoi des discussions budgétaires.
En attendant, l'inquiétude des députés d'Outre-mer est d'autant plus vive que le rejet par de la partie "recettes" du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale, mardi 12 novembre, signifie que c'est la version initiale du texte, enrichie des seuls amendements acceptés par le gouvernement, qui sera examinée par le Sénat. Ce vote "fait tomber automatiquement toutes les avancées que nous avions pu obtenir par rapport à nos réalités et on ne sait pas quels amendements le gouvernement gardera pour le transfert du texte au Sénat", a regretté le député de Guyane Davy Rimane (Gauche démocrate et républicaine), mercredi, au micro de LCP.
"De facto, il n'y aura pas de débats sur le budget Outre-mer, ce qui est un gros problème dans la mesure où il y a une grosse coupe budgétaire", déplore encore Davy Rimane. "On avait à cœur de débattre et d'amener un certain nombre d'arguments pour essayer de faire comprendre qu'on ne peut pas faire une telle chose", explique le président de la délégation aux Outre-mer de l'Assemblée.
A ce stade, le projet de budget du gouvernement prévoit une diminution de 13 % en autorisations d'engagement (-398 millions d’euros) et une baisse de 9 % en crédits de paiement (-250 millions d'euros) pour la mission Outre-mer.
Des chiffres qui ont fait bondir le député de la Réunion Philippe Naillet (Socialistes), qui est rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission Outre-mer : "Ces économies témoignent d’une vision à court terme", a dénoncé l'élu lors d'une réunion de la commission le 30 octobre. Les conséquences sociales, économiques et humaines nous coûteront bien plus cher que les maigres économies envisagées."
"Les Outre-mer sont un volcan social", a-t-il alerté, évoquant "la situation en Nouvelle-Calédonie", mais aussi "la crise du logement et la cherté de la vie" qui "constituent des bombes à retardement" dans plusieurs collectivités ultramarines. La Martinique est ainsi actuellement traversée par un important mouvement de protestation contre la vie chère, tandis que plusieurs milliers de personnes ont manifesté à Paris, dimanche 10 novembre, là aussi contre la vie chère dans les territoires éloignés de la métropole.
Mardi, lors de la séance de Questions au gouvernement, le rapporteur spécial du budget des Outre-mer et député de Guadeloupe, Christian Baptiste (apparenté Socialistes), a directement interpellé le Premier ministre, Michel Barnier : "[Les chiffres de ce budget] sont en réalité des armes silencieuses qui frappent nos enfants, nos malades, nos familles, nos plus vulnérables", a-t-il déploré, critiquant un projet de loi de finances qui constitue, selon lui, "une rupture avec l'idée même de solidarité, avec la promesse républicaine de protection et de justice pour tous"
Christian Baptiste avait déjà fait part de son "incrédulité" face à des "réductions de crédits brutales", lors de l'examen des crédits Outre-mer en commission des finances, le 4 novembre dernier. Et le député de fustiger une "logique comptable, déshumanisée [qui] s’apparente à un musée des horreurs". Tout en pointant que "ce projet de budget a été construit par le seul ministère des Finances du précédent gouvernement".
Mardi, c'est le ministre chargé du Budget et des Comptes publics de l'actuel gouvernement, Laurent Saint-Martin, qui a répondu à Christian Baptiste, évoquant dans un premier temps l'enveloppe de 1,4 milliard d'euros de "soutien exceptionnel à la Nouvelle-Calédonie", ainsi que "l'exonération de TVA pour les produits de première nécessité concernant la Martinique".
Afin de renforcer la "continuité territoriale", le gouvernement entend, en outre, "rehausser" les crédits de l'Agence de l'Outre-mer pour la mobilité. "Les collectivités territoriales sont largement contribuables de l'effort de redressement des finances publiques, ce ne sera pas le cas pour les territoires ultramarins", a ensuite affirmé Laurent Saint-Martin. Le ministre a également promis que la mission Outre-mer connaîtra une "hausse substantielle" de ses crédits pour "se rapprocher le plus possible de ceux de l'année 2024".
"Je pense que les ministres ont bien compris la situation dramatique qu'il pourrait y avoir si ces réductions sont maintenues", a réagi Christian Baptiste (apparenté Socialistes) interrogé par LCP. "Nous attendons que les actes puissent joindre les promesses", a conclu le député.