Alors que la commission mixte paritaire sur le budget doit se réunir demain, jeudi 30 janvier, les négociations entre le gouvernement et les socialistes n'ont, à ce stade, toujours pas repris ce mercredi. Au préalable, le Parti socialiste demande à François Bayrou de retirer ses propos sur la "submersion" migratoire, tandis que le gouvernement exhorte le PS à ne pas prendre le budget en "otage".
A moins de 24 heures du début de la commission mixte paritaire sur le budget, les socialistes n'avaient pas levé, ce mercredi 29 janvier à la mi-journée, la suspension de leur participation aux négociations avec le gouvernement, décidée la veille. Pas tant que François Bayrou ne sera pas revenu sur ses propos de la veille - et de lundi sur LCI - sur la "sentiment de submersion" migratoire.
Ce pourrait être cet après-midi, non pas à l'Assemblée nationale, mais au Sénat. Selon nos informations, lors des Questions au gouvernement, qui débute à 15h au Palais du Luxembourg, le président du groupe socialiste, Patrick Kanner, s'adressera au Premier ministre à ce sujet. Premier ministre qui ne sera pas présent dans l'hémicycle, car il se rend aux obsèques de Jean-François Kahn dans l'Aube. C'est Patrick Mignola, chargé des Relations avec le Parlement, qui devrait répondre... en lisant une réponse de François Bayrou (cf. en bas de page l'échange qui a eu lieu au Sénat).
Quand on a banalisé des théories racistes, on s'excuse de l'avoir fait. aRTHUR dELAPORTE (député PS)
"On lui offre encore une possibilité", réagissait ce matin, dans la salle des Quatre Colonnes de l'Assemblée, Laurent Baumel (Socialistes), pour qui "le mal est quand même fait". "Il a beaucoup de mal à être linéaire dans une réponse", poursuivait-il, se remémorant la séquence sur la concertation au sujet des retraites, close par une première lettre adressée par le Premier ministre aux socialistes. Ce qu'un autre élu PS, croisé au Palais-Bourbon, résumait ainsi : "Mardi papy déconne, mercredi papy balbutie, jeudi papy fait une lettre."
Pour Arthur Delaporte, l'un des porte-parole du groupe socialiste à l'Assemblée, François Bayrou doit faire son "mea culpa". "On a un Premier ministre qui a fait la courte échelle au Rassemblement national. (...) Quand on a banalisé des théories racistes, on s'excuse de l'avoir fait", développait-il ce mercredi matin au micro de LCP. A l'inverse, s'il n'y a pas d'excuses, "ça va être très compliqué pour nous", complète Arthur Delaporte, qui n'oublie pas la nécessité, aux yeux des socialistes, d'obtenir un "budget plus juste".
Certains considèrent cependant déjà que la prise de parole de cet après-midi, par ministre interposé, pourrait ne pas suffire. "Ça ne vaut rien ! On n'est pas des paillassons. Si Bayrou veut s'adresser à nous, il y a plein d'autres moyens de le faire", s'offusquait un député du PS, quand à quelques mètres là, l'un de ses camarades lançait, sans y croire : "Il va falloir qu'il se dédise bien !"
Nous souhaitons qu'il n'y ait aucune prise d'otage de quelque nature que ce soit sur le budget. Sophie Primas (porte-parole du gouvernement)
Lors du compte-rendu du Conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, a indiqué que le chef du gouvernement n'avait "pas prévu (...) de s'exprimer sur ce qui lui est reproché". "Nous souhaitons qu'il n'y ait aucune prise d'otage de quelque nature que ce soit sur le budget", a-t-elle ajouté, estimant que "les Français ne comprennent pas cette bataille de mots".
Est-ce que le mot "submersion" pourrait pousser les socialistes à voter la motion de censure à venir ? "Je ne sais vraiment pas où on va" confiait, ce mercredi 29 janvier, un cadre du groupe présidé par Boris Vallaud. Mais tous, même ceux qui n'étaient pas favorables au vote de la censure, sont "profondément déstabilisés". Et un député PS d'exposer le dilemme qui se pose à lui et ses collègues : choisir entre "la responsabilité d'avoir un budget pour la France" et le refus de laisser passer la "fracture morale" de François Bayrou sur l'immigration.
La réponse de François Bayrou lue au Sénat
Peu avant 15h30 ce mercredi 29 janvier, le socialiste Patrick Kanner a pris la parole dans l'hémicycle du Sénat, affirmant ne pouvoir "se résoudre à ce qu'un Premier ministre qui doit tout au front républicain se laisse submerger par le vocabulaire de l'extrême droite". "Nous attendons [de lui] qu'il soit clair sur l'aide médicale et qu'il abandonne toute référence à la submersion migratoire", a poursuivi le président du groupe PS.
"Le Premier ministre m'a demandé d'apporter en son nom cette réponse", a enchaîné le ministre Patrick Mignola, une lettre entre les mains. "Est-ce qu'il y a un sentiment de submersion ? Dans les sondages, les deux tiers des Français expriment ce sentiment, mais on ne retient dans cette expression que le mot de submersion et non celui de sentiment. Nous ne pouvons écarter ce que nos concitoyens éprouvent et expriment", a-t-il notamment déclaré, évoquant, par la suite, "la panne de l'intégration".
Interrogé par Public Sénat, dans la foulée des QAG, Patrick Kanner s'est dit "déçu" par la réponse écrite de François Bayrou, qui était certes "polie, nuancée et arrondie". "Quand on met le feu comme ça a été fait, je pense qu'il aurait pu aller plus loin", a jugé le sénateur PS. Et d'ajouter, demandant "encore des efforts" au chef du gouvernement : "Je ne sais pas si cette réponse justifierait qu'on retourne à la table des négociations."