"Submersion" migratoire : les socialistes suspendent les négociations sur le budget avec le gouvernement

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Boris Vallaud lors des QAG le 28 janvier.
Boris Vallaud lors des QAG le 28 janvier.
par Anne-Charlotte Dusseaulx, le Mardi 28 janvier 2025 à 20:20, mis à jour le Mercredi 29 janvier 2025 à 11:45

Après la déclaration de François Bayrou sur le "sentiment de submersion" migratoire, lundi 28 janvier sur LCI, assumée ce mardi lors des Questions au gouvernement, les socialistes ont suspendu les négociations sur le budget avec le gouvernement. Ils accusent le Premier ministre de reprendre les mots du Rassemblement national.

En pleine semaine décisive sur le budget, la polémique créée par l'emploi du mot "submersion" par François Bayrou vient compliquer une équation politique déjà presque impossible à résoudre. 

Après un échange tendu entre le président du groupe Socialistes, Boris Vallaud, et le Premier ministre, François Bayrou, lors des Questions au gouvernement, ce mardi 28 janvier, les socialistes ont décidé de suspendre les négociations en cours sur le projet de loi de finances et de ne pas se rendre à une réunion prévue à 16 heures. Et ce, alors même qu'une commission mixte paritaire (CMP) est convoquée jeudi pour tenter de parvenir à un compromis sur le texte entre les deux Chambres du Parlement.

L'objet de la discorde ? Le "sentiment de submersion" migratoire évoqué par le Premier ministre la veille lors d'une longue interview sur LCI. "Choisissez-vous vos mots par hasard ou les avez-vous sciemment empruntés à l'extrême droite dont vous prétendez ne plus jamais vouloir dépendre", l'a interrogé Boris Vallaud à l'Assemblée nationale, en demandant à François Bayrou s'il maintenait ses propos.

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La réponse est oui. "Quiconque s'est confronté à la situation à Mayotte, et ce n'est pas le seul endroit de France, mesure que le mot de submersion est celui qui est le plus adapté", a répondu le chef du gouvernement assurant, dans un premier temps, que ses propos ne concernaient que Mayotte, qui est confronté à une immigration illégale importante en provenance des Comores.

Toute une communauté de départements français est confrontée à des vagues d'immigration illégale. François Bayrou

François Bayrou a ensuite poursuivi, sous les applaudissements des uns et les huées des autres : "Parce que tout un pays, (...) toute une communauté de départements français est confrontée à des vagues d'immigration illégale telles qu'elles atteignent 25% de la population. C'est un désespoir. Qui parmi nous peut dire que ce n'est pas vrai ?"

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Une réponse face à laquelle Boris Vallaud s'est dit "submergé par la consternation". Et de lancer : "Si vous gouvernez avec les préjugés de l'extrême droite, nous finirons gouvernés par l'extrême droite, et vous en aurez été le complice""Je n'ai aucune leçon de civisme et aucune leçon de fraternité à recevoir", a également répondu le Premier ministre à la présidente du groupe Ecologiste et social, Cyrielle Chatelain, qui l'a elle aussi interpellé sur le sujet.

"Bayrou a foutu le bazar", résumait un socialiste après les QAG. "Ce soir, ça suspend nos négociations. C'est certain que le groupe PS, le Parti socialiste, ses instances, vont devoir réfléchir à leur position", a indiqué au micro de LCP le député Laurent Baumel, estimant que "ça ne va pas dans le sens de la non-censure". Et ajoutant : "On a un Premier ministre qui joue un peu deux fers au feu". D'un côté, François Bayrou est dans "une négociation budgétaire avec les partis du front républicain", de l'autre "il s'adresse au RN qu'on a combattu ensemble en juillet", déplorait-il. Dans le même temps, Laurent Baumel reconnaissait cependant que "la décision de ne pas censurer est aussi liée à d'autres facteurs", comme "la volonté de donner un budget à la France"

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Suspension ou interruption définitive ?

Après la suspension décidée par le PS, les négociations reprendront-elles ? Et quand ? Le temps presse. Avant cette séquence, les socialistes espéraient conclure un accord avec le gouvernement d'ici à la CMP de jeudi. "On veut que ça aille vite, que le deal soit acté avant mercredi soir et que ce ne soit qu'une CMP d'avalisation", indiquait lundi 27 janvier à LCP l'un d'entre eux. "On se donne l'objectif que le gros soit terminé mercredi soir, voire jeudi midi", confirmait un ministre ce mardi.

Dans l'intervalle, chacun avait l'intention de continuer à pousser ses pions. Outre les concessions accordées par Francois Bayrou, actées dans une lettre adressée aux socialistes, après un premier round de négociations, ces derniers réclamaient davantage. "Cette lettre justifiait qu'on ne censure pas pour continuer la discussion qui venait de démarrer, mais ce n'était pas un aboutissement, ni un accord de non-censure. C'était le début d'une discussion", expliquait Philippe Brun (Socialistes), membre de la fameuse CMP, dimanche sur France Info.

Que demandent-ils de plus ? "On a besoin de mesures pour le pouvoir d'achat", avançait Philippe Brun dimanche, citant "soit l'augmentation du Smic, soit l'augmentation de la prime d'activité". "La question salariale est importante pour nous et fait partie de la négociation", complétait-il alors. De son côté, Olivier Faure s'interrogeait, le même jour sur BFMTV, sur la taxe anti-optimisation pour les hauts patrimoines, vue comme une "mini taxe Zucman" : "Pour l'instant, elle a un peu disparu des écrans radars, on ne sait pas quand elle verra le jour. Je souhaite qu'il y ait une loi qui vienne au lendemain du PLF et PLFSS." 

Mais ça c'était avant. Et déjà les demandes supplémentaires des socialistes étaient comme balayées par un membre du gouvernement pour qui "l'essentiel est là". Insistant sur l'importance de ne pas dépasser un déficit public prévu à 5,4 % du PIB en 2025, ce même ministre confiait à LCP : "Après, si le PS veut lâcher quelque chose déjà négocié pour autre chose, il peut...". Tout en ajoutant, avec une formule teintée d'ironie : "C'est la négo. C'est le jeu ma pauvre Lucette !"

Si la commission mixte paritaire trouve un accord sur le budget de l'Etat, ses conclusions seront examinées lundi à l'Assemblée nationale, avant le début de l'examen du budget de la Sécurité sociale, actuellement discuté en commission. François Bayrou pourrait à cette occasion déclencher pour la première fois l'article 49.3 de la Constitution, afin de faire adopter le texte sans vote, s'exposant ainsi à une nouvelle motion de censure. Tout l'enjeu des négociations qui étaient en cours avec les socialistes étant que ceux-ci ne votent pas cette censure...