Le Premier ministre s'est rendu à la réunion hebdomadaire des députés Ensemble pour la République, ce mardi 8 octobre au matin. Une façon de montrer sa volonté de dialogue avec le principal groupe du "socle commun" sur lequel il devra s'appuyer pour gouverner. A l'issue de la réunion, plusieurs participants ont fait état d'une ambiance "tendue", voire "délétère". Matignon relativise, assumant des échanges "francs" et "directs".
C'est une opération séduction qui ressemble à un rendez-vous manqué, illustrant bien la relation complexe qui s'est nouée depuis sa nomination à Matignon entre Michel Barnier, issu des Républicains, et les députés du parti présidentiel, dont le chef de file n'est autre que l'ex-Premier ministre, Gabriel Attal.
Tout avait bien commencé, lors de la réunion du groupe Ensemble pour la République, ce mardi 8 octobre. Gabriel Attal et Michel Barnier convenant tous les deux que cette rencontre était un moment "important", alors que plusieurs crispations ont eu lieu ces dernières semaines. "Il faut qu’on apprenne à se connaître" a déclaré le chef du gouvernement, selon des participants à la réunion, ajoutant souhaiter une relation faite de "fluidité" et de "proximité" avec les élus du groupe EPR.
Le Premier ministre s'est d'ailleurs dit "très fier" de compter une dizaine de députés venus des rangs du parti présidentiel dans son équipe, saluant notamment le travail d'Antoine Armand (Economie) et de Laurent Saint-Martin (Comptes publics) sur le budget. De son côté, accueillant son successeur à Matignon, Gabriel Attal a souhaité, indique un élu, "stabilité et réussite à la France et donc au gouvernement".
Très vite, au fil des interventions et des questions de députés qui ont suivi cette introduction, un certain nombre de demandes de précisions et de critiques de fond, ont cependant laissé entrevoir ce qui sépare Michel Barnier du principal groupe du "socle commun", sur lequel celui-ci devra s'appuyer pour gouverner. Une ambiance pourtant relativement apaisée, jusqu'à une question d'Eléonore Caroit, se félicitant au passage que Michel Barnier vienne "enfin" échanger avec les députés d'Ensemble pour la République.
Répliquant en substance qu'il avait toujours dit qu'il viendrait devant le groupe présidé par Gabriel Attal le moment venu, après sa déclaration de politique générale le Premier ministre a répondu d'une manière qualifiée de "très sèche", et même de "véhémente", par des membres du groupe. "Ça commençait bien et ça finit mal", a commenté un élu auprès de LCP, alors que la réunion s'achevait. D'autres évoquant, au-delà de la réponse faite à Eléonore Caroit, un "refus de la critique" de la part de Michel Barnier que certains ont trouvé "sur la défensive" après les divergences de ces derniers jours, notamment à propos de la question des impôts.
Sur la défensive, ou... à l'offensive, le chef du gouvernement a en particulier adressé quelques piques à Gérald Darmanin qui, la semaine dernière, avait jugé "inacceptable" le projet de budget et qui, lors de la réunion, a estimé que le Premier ministre ne devait pas négocier qu'avec la droite. "J’ai été minoritaire dans mon parti, mais moins que Gérald Darmanin", a-t-il notamment lancé, alors que tous deux se sont côtoyés à l'UMP, puis chez LR. Une ambiance finalement rendue "tendue", voire "délétère", selon les mots de plusieurs participants, déplorant les "scuds" envoyé par l'ancien négociateurs de l'Union européenne sur le Brexit.
Je prends le risque d’être impopulaire, mais pas le risque d’être irresponsable. Michel Barnier
Relativisant les tensions, l'entourage du Premier ministre a préféré parler, après la réunion, d'échanges "francs et directs", qui correspondent au style que Michel Barnier a déjà imprimé plusieurs fois depuis sa nomination à Matignon. Avant que l'ambiance ne se tende, le locataire de Matignon avait évoqué le budget "difficile" qui sera présenté en Conseil des ministres jeudi et affirmé sa volonté de montrer de la "responsabilité". Et d'ajouter : "Je prends le risque d’être impopulaire, mais pas le risque d’être irresponsable". Il a, en outre, dit être ouvert au "dialogue sur ce que le Parlement pourra proposer". "L'intérêt du pays, c'est qu'on réussisse", a rappelé Michel Barnier.
Conséquence de la tournure prise par la réunion du matin, et manque d'entrain à soutenir le Premier ministre, ou simple désintérêt pour une motion de censure vouée à l'échec ? Les bancs d'Ensemble pour la République sont en tout cas apparus particulièrement clairsemés, lors du débat qui a eu lieu ce mardi après-midi dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Une motion de censure qui, comme prévu, n'a été votée que par les députés du Nouveau Front populaire et n'a donc pas été adoptée.