Calendrier législatif : Yaël Braun-Pivet demande au gouvernement de la "visibilité" jusqu'au mois de juillet

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Yaël Braun-Pivet LCP 25/01/2024
Yaël Braun-Pivet lors de ses vœux, le 25 janvier (© LCP)
par Raphaël MarchalSoizic BONVARLET, le Jeudi 25 janvier 2024 à 14:15, mis à jour le Jeudi 25 janvier 2024 à 14:25

Lors d'une conférence de presse de début d'année, ce jeudi 25 janvier, la présidente de l'Assemblée nationale a dressé un bilan d'étape de la législature et évoqué les grands sujets des mois à venir. Yaël Braun-Pivet a aussi répondu aux questions soulevées par la polémique concernant l'augmentation de l'avance de frais de mandat des députés. Et elle a demandé au gouvernement plus de "visibilité" sur le calendrier des projets de loi à venir, afin de permettre aux parlementaires de mieux travailler. 

Au lendemain de l'examen dans l'hémicycle du projet de loi constitutionnelle relatif à la "liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse", la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, est revenue sur ce qui devrait constituer l'un des temps forts de l'année parlementaire avec l'éventuelle convocation d'un Congrès pour inscrire l'IVG dans la Constitution. Elle a également évoqué le projet de loi relatif à la fin de vie, qui devrait instaurer une aide active à mourir sous conditions, en écartant l'hypothèse d'une procédure accélérée. "Je souhaiterais que nous puissions commencer les travaux avant l'été, de là à ce qu'il y ait un vote avant la fin de l'année, cela me paraît très difficile", a-t-elle indiqué, estimant que "ce sont des textes qui nécessitent du temps".

IVG dans la Constitution : "Ma réflexion a évolué"

Interrogée sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l’IVG et sa prise de position passée contre la sanctuarisation de l’avortement dans la Loi fondamentale, la présidente de l’Assemblée a fait valoir que "le monde a[vait] changé". En juillet 2018, Yaël Braun-Pivet, alors à la tête de la commission des lois, s’était en effet opposée à un amendement émanant proposant d'inscrire dans la Constitution le droit à l'avortement.

"Ma réflexion a évolué", a-t-elle reconnu, avant de revenir sur les propos de Gérard Larcher selon lesquels la Constitution n'avait pas vocation à devenir "un catalogue de droits sociaux et sociétaux". Tout en vantant la qualité de ses relations avec le président du Sénat, Yaël Braun-Pivet a estimé que ses propos tenus sur le sujet constituaient "une erreur". "Moi, je crois que la Constitution est là pour préserver les libertés et droits fondamentaux, et que le droit de recourir à l'IVG est une liberté fondamentale", a-t-elle poursuivi, avant de conclure : "Oui, la Constitution est le bon endroit, et j'ai même envie de vous dire, le seul endroit où il faut consacrer ce droit aujourd’hui".

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La présidente de l'Assemblée a, par ailleurs, évoqué la loi immigration. Alors que le Conseil constitutionnel doit rendre sa décision sur le texte cet après-midi, Yaël Braun-Pivet a fait part de son inquiétude quant aux "attaques", émanant de certains responsables politiques, contre l'institution au sein de laquelle délibèrent les Sages de la rue Montpensier. "Le jour où la décision ne convient pas, il faut tout changer, ils sont illégitimes, etc. Non !", a-t-elle agacée, alors que certaines mesures du texte, voulues par Les Républicains, pourraient faire l'objet d'une censure. "Nous devrions être les premiers à défendre nos institutions."

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Sans se prévaloir de la décision du Conseil constitutionnel, Yaël Braun-Pivet a estimé que certaines dispositions votées n'avaient "pas de lien direct ou indirect avec le texte d'origine". "Ce n'est pas la première fois que cela pose question, et que nous avons des appréciations différentes entre l'Assemblée nationale et le Sénat", a-t-elle ajouté.

En outre, la présidente de l'Assemblée réitéré sa "gêne" quant au parcours du projet de loi au Palais-Bourbon, à la suite de l'adoption de la motion de rejet préalable dans l'hémicycle. L'absence de délibérations sur le texte en séance publique est d'ailleurs l'une des raisons de sa saisine du Conseil constitutionnel, a-t-elle indiqué.

Frais de mandat : "Ce n'est pas de l'argent qui nous appartient"

Alors que le Bureau de l’Assemblée nationale avait décidé la veille d’augmenter d’un peu plus de 300 euros par mois le plafond de l’avance de frais de mandat (AFM) des députés, Yaël Braun-Pivet a rappelé qu’"il ne s'agit pas d'une hausse de la rémunération" de ces derniers.

Alors que des voix venues de La France Insoumise et du Rassemblement national se sont faites entendre, après coup, pour critiquer cette décision, elle a souligné qu'aucun groupe politique n'avait voté contre lors de la réunion du Bureau. Les représentants de tous les groupes ont, au contraire, voté en faveur de l'augmentation de l'AFM, exception faite des élus de La France insoumise, qui se sont abstenus, et de Valérie Rabault, qui a exprimé les réserves du groupe Socialistes, mais qui n'était pas présente au moment du vote. 

Les députés qui dans le secret de la délibération du bureau votent ‘pour’, et qui le lendemain se fendent d’un communiqué de presse pour regretter leur vote (…) ces donneurs de leçons, je leur dis simplement d’être un peu cohérents, et surtout de ne pas dégrader l’institution que j’ai l’honneur de présider. Yaël Braun-Pivet

"Nous avons augmenté le plafond de l'enveloppe qui nous est allouée pour des frais, ce n'est pas de l'argent qui nous appartient", a-t-elle aussi fait valoir, avant d’évoquer la réforme des frais de mandat des parlementaires votée en 2017 et le contrôle accru de ces dépenses que le texte avait alors instauré. Et d'ajouter que cette enveloppe est un plafond et que les sommes non utilisées étaient restituées à la trésorerie de l'Assemblée"Il y en a aujourd’hui qui s’agitent sur certains plateaux, et eux ne l’ont pas voté ce contrôle des frais de mandat", a-t-elle aussi tenu à faire remarquer.

Vers une évolution de la procédure ?

Effectuant un bilan d'étape de la législature, Yaël Braun-Pivet a indiqué que 70 lois, dont 40 d'origine parlementaire, avaient été définitivement adoptées depuis 2022, à l'issue d'un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat dans 85% des cas. Parmi les points de vigilance, elle a souligné que "l'inflation absolument colossale du nombre d'amendements", un phénomène qui "embolise" l'activité de l'institution. Sans pencher vers une évolution du droit d'amendement, garanti par la Constitution, elle s'est prononcée pour "mieux rationaliser les débats", en évitant notamment les doublons entre la commission et la séance publique.

La présidente de l'Assemblée a d'ailleurs rappelé qu'un travail avait été engagé de façon conjointe avec le président du Sénat, afin d'aboutir à une éventuelle réforme de la procédure parlementaire législative. Parmi les pistes évoquées, celle de faciliter la procédure de législation en commission, qui permettrait de réserver l'examen des articles "les plus politiques" à l'hémicycle, ainsi que la limitation du droit d'amendement du gouvernement, jugeant nécessaire d'interdire les ajouts "substantiels" de l'exécutif à un projet de loi par ce biais.

Je souhaiterais que nous puissions avoir de la visibilité jusqu'à la fin de la session extraordinaire de juillet, afin que le Parlement puisse s'organiser. Yaël Braun-Pivet

Yaël Braun-Pivet a, en outre, évoqué la méthode de travail entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, souhaitant notamment que le Parlement puisse avoir de "la visibilité" sur le calendrier des projets de loi à venir "jusqu'à la fin de la session extraordinaire de juillet", ainsi que des "textes courts avec des réformes clairement identifiées" et une "valorisation des initiatives parlementaires".

Enfin, interrogée sur le sujet, la présidente de l'Assemblée est revenue sur la hausse significative des sanctions prononcées à l'encontre de députés depuis le début de la législature. Un phénomène qu'elle a qualifié de "thermomètre" de l'agitation qui peut parfois régner dans l'hémicycle. "Il n'est pas question que quelques députés empêchent l'Assemblée nationale de fonctionner", a martelé Yaël Braun-Pivet. "J'observe avec amusement que ceux qui se plaignent du trop plein de sanctions n'hésitent pas non plus à me saisir ou saisir le Bureau pour que je prononce des sanctions", a-t-elle ajouté, appelant à de la "cohérence".