Au lendemain de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a précisé que sur les retraites, un texte serait soumis au Parlement - même sans "accord général" - si des "marges de progression" étaient identifiées par la conférence sociale. Suffisant pour convaincre le Parti socialiste de ne pas voter la motion de censure qui sera examinée jeudi 16 janvier ? A ce stade, le PS continue d'exiger que les parlementaires puissent débattre de toutes les options, en particulier de l'âge de départ et de la durée de cotisation.
Une troisième voie. C'est l'annonce faite par François Bayrou sur le sujet épineux des retraites, ce mercredi 15 janvier, lors de la séance des Questions au gouvernement à l'Assemblée nationale. Le Premier ministre répondait à une interpellation du premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, réitérant l'exigence que la représentation nationale puisse avoir "le dernier mot" sur les retraites "même dans le cas où syndicats et patronat ne trouveraient pas d'accord".
"La première possibilité, c'est qu'un accord se dégage. Il fera l'objet d'un texte soumis au Parlement, à l'Assemblée nationale et au Sénat", a d'abord réaffirmé François Bayrou, conformément à ce qu'il avait dit la veille, lors de sa déclaration de politique générale, en annonçant sa décision de confier le sujet aux partenaires sociaux. "S'il n'y a aucune sorte d'accord, c'est la réforme précédente qui continuera à s'imposer", a-t-il également répété, avant d'évoquer un troisième scénario en forme de compromis.
Je prends l'engagement devant vous que si nous identifions des changements sur lesquels il est possible de discerner des progrès, nous les présenterons au Parlement dans un projet de loi. François Bayrou
"Il est peut-être probable qu'il se produise une situation dans laquelle des marges de progression, de mouvement, de changement, d'adaptation, auront été identifiées sans qu'il y ait un accord général. Si c'est le cas, nous proposerons un texte qui reprendra ces adaptations et ces progrès, et nous le soumettrons à l'Assemblée", s'est engagé le locataire de Matignon ce mercredi.
Manière de donner un gage aux parlementaires sur la bonne volonté du gouvernement : ils auront l'opportunité de se prononcer sur le sujet des retraites, alors même que les oppositions continuent de dénoncer une réforme imposée par le recours au 49.3 en 2023.
"Désaccord : on en reste au texte actuel. Accord complet : on fait un texte de loi. Accord partiel : on traduit l'accord partiel dans un texte d'amélioration de notre système de retraites. C'est la voie la plus franche, la plus transparente, la plus honnête qu'on pouvait trouver sur ces sujets là", a réexpliqué un peu plus tard François Bayrou lors de sa déclaration de politique générale au Sénat.
"Le compte n'y est pas", lui a rétorqué Patrick Kanner, chef de file des sénateurs PS. "Votre discours ne nous permet pas d'avoir une vision claire de l'équilibre général de votre budget", a ajouté l'élu du Palais du Luxembourg, se disant "inquiet" quant à la perspective de "découvrir les sujets sur lesquels [seraient faites] de nouvelles économies". Et de compléter sur BFMTV à propros des retraites : "Il y a un bougé (...), mais un bougé qui n'est pas suffisant".
Du côté des troupes socialistes au Palais-Bourbon, la position commune n'était pas encore stabilisée avant et même après la porte entrouverte par le Premier ministre. "Il y a eu un bougé, il est imparfait. (...) Il y a un petit pas, qui est insuffisant" expliquait, lui aussi, dans l'après-midi Arthur Delaporte, alors qu'une réunion du groupe présidé par Boris Vallaud était toujours en cours. Le député estimant qu'il y avait "encore un besoin de clarification" sur certains points : les retraites, mais aussi les jours de carence dans la fonction publique, ou encore la suppression de postes d'enseignants.
Justement, en réponse à Patrick Kanner, François Bayrou s'est dit "prêt à renoncer" à la suppressionde 4 000 postes dans l'Education nationale prévue par le gouvernement précédent. "C'est une très bonne chose si cette annonce est avérée", a réagi la députée socialiste Mélanie Thomin croisée à l'Assemblée. Avant d'ajouter : "On a besoin de peser le pour et le contre de toutes ces annonces. C'est très important de prendre le temps." Une nouvelle réunion des députés socialistes aura donc lieu demain jeudi, à 12h, avant l'examen de la motion de censure déposée par La France insoumise avec le soutien des écologistes et des communistes.
Les députés socialistes la voteront-ils eux aussi ? Auront-ils une position commune ? Le débat n'était pas encore tranché, mercredi en fin de journée, entre ceux qui appelaient à faire preuve de responsabilité et ceux qui voudraient marquer le coup face au gouvernement. "On a eu des avancées, les Français veulent un budget", estimait un membre du PS. "Je comprends ceux qui parlent de responsabilité", mais "on n'est pas des paillassons", répondait un élu pro-censure considérant que la voter constituerait "un coup de semonce avant le budget" et une manière de "se faire respecter".
Une autre élue attendait, quant à elle, que François Bayrou "clarifie" davantage "sa position sur le statu quo [éventuel] de la conférence sociale", sinon "ce serait insuffisant". Mais l'un des ses collègues craignait qu'au final la position socialiste "ne soit pas lisible" et ajoutait : "Quand on prend l'habitude de ne pas voter la censure, il est plus difficile de se mettre à la voter ensuite", comprendre sur le budget à venir.