L'homme d'affaires Vincent Bolloré a été auditionné ce mercredi 13 mars par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'attribution et le contrôle des fréquences de la TNT. Le groupe qui porte son nom détient notamment Canal+, CNews et C8. Au cours de son audition, il a notamment récusé tout "projet idéologique".
C'est une parole rare qui a été entendue, ce mercredi 13 mars, à l'Assemblée nationale. Alors qu'il ne "répond plus aux journalistes depuis 10 ans", Vincent Bolloré, homme d'affaires, milliardaire et patron de médias, a été auditionné la commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des fréquences de la TNT. L'ancien président des conseils de surveillance de Vivendi et du groupe Canal+, "honoré" de répondre aux questions de la représentation nationale, s'est montré très serein tout au long de l'audition, bien que plus offensif au moment de défendre CNews ou de tordre le cou aux idées qui courent à son sujet.
Vincent Bolloré, qui a expliqué avoir "eu la chance de naître dans une famille catholique, bretonne, riche et célèbre", a tout d'abord profité de son audition pour revenir sur son parcours. Officiellement retraité depuis le 17 février 2022, l'industriel breton a "laissé sa place opérationnelle (...) tout en restant conseil". Et de se présenter désormais comme un "philanthrope".
Interpellé par le rapporteur de la commission d'enquête, Aurélien Saintoul (La France insoumise), Vincent Bolloré a nié avoir utilisé la "terreur" comme mode de management pendant ses années à la tête de Vivendi : "Honnêtement je n'inspire la peur à personne, que je [connaisse], j'inspire la terreur à des gens qui ne m'ont jamais vu", a-t-il indiqué, avant de mettre en cause le rôle des "journaux" dans sa "réputation". "Je suis le paratonnerre et le bouc émissaire", a affirmé l'homme d'affaires, déclarant à plusieurs reprises qu'il n'était pas "Attila".
Il a, en revanche, revendiqué les changements opérés à la tête du groupe Canal+ quand il en a pris le contrôle, en 2015. Il indique avoir constaté le train de vie de "seigneurs" des responsables du groupe, entre Monaco, Cannes et Wimbledon, champagne "coulant à flots". "C'était la fête au village." Jugeant un départ du "dessus du panier" inévitable, puisque ces derniers, comme Rodolphe Belmer - ex-directeur général de Canal+ -, n'auraient pas supporté la cure d'austérité imposée par Vincent Bolloré. "On a fait 400 millions d'euros d'économies." Précédemment auditionné par la commission d'enquête, Rodolphe Belmer avait pour sa part justifié son départ du groupe par le "micro-management", selon lui insistant, de l'actionnaire majoritaire. Au passage, Vincent Bolloré a indiqué que Rodolphe Belmer avait en fait été "révoqué".
Interrogé sur l'éventualité que la chaîne CNews puisse perdre sa fréquence sur la TNT, comme l'a notamment évoqué Sophie Taillé-Polian (Ecologiste), il a estimé que le non-renouvellement d'une des chaînes du groupe Canal+ serait perçu comme une "marque de défiance" et comme une "gifle" par "le premier groupe français et européen". "Le sentiment extérieur est que le succès des chaînes de Canal et la liberté de ton de Canal gênent", a déclaré Vincent Bolloré, avant de demander aux députés de "choyer [leur] champion national". Il a, en outre, rappelé que l'Arcom comme le Conseil d'Etat considérait bien CNews comme une chaîne d'information, et non d'opinion.
Qui veut noyer son chien prétend qu'il a la rage. Vincent Bolloré
Vincent Bolloré a d'ailleurs rappelé l'importance de son groupe pour la création française, notamment via ses investissements dans le cinéma, ainsi que pour le sport, secteur dans lequel il a confirmé que le groupe continuera d'investir.
A propos de la raison de son engagement dans les médias, Vincent Bolloré n'a pas éludé les questions qui lui ont été posées. Selon l'industriel, "l'attrait du gain" est directement rentré en ligne de compte. "Contrairement à ce que les gens imaginent, le secteur des médias est le deuxième le plus rentable dans le monde, après le luxe", a-t-il confié. Bien qu'une autre raison, touchant à "l'intime", ait également compté : il s'agissait de rapatrier son fils Yannick Bolloré, qui n'était pas intéressé par les autres activités du groupe et qui était parti dans le cinéma. "J'ai pensé que commencer dans les médias avec Philippe Labro pouvait le faire venir."
La chaîne d'information gratuite du groupe Canal +, CNews, jusqu'à maintenant déficitaire, devrait d'ailleurs prochainement trouver son équilibre, a confié Vincent Bolloré. Selon lui, la chaîne a dépassé sa concurrente BFM TV durant le mois de mars. "BFM vaut beaucoup et gagne beaucoup d'argent, dit-on. Donc CNews va se mettre à gagner beaucoup d'argent", a-t-il lancé.
Sans surprise, Vincent Bolloré a été interrogé à propos de son interventionnisme, réel ou supposé, sur les programmes des chaînes détenues par le groupe qui porte son nom, déjà évoqué lors de l'audition de Maxime Saada. "Je ne suis jamais intervenu dans les contenus, en aucune façon", a-t-il indiqué, évoquant une "tarte à la crème" venant d'anciens collaborateurs déchus. Certains de ses propos, tenus suite à une question de Ségolène Amiot (La France insoumise) ont cependant fait l'objet d'une exégèse dans les minutes qui ont suivi.
Assumant sa foi catholique et se présentant comme une "démocrate-chrétien", et niant tout "projet idéologique", l'industriel a fini par dire : "Si je ne crois pas à quelque chose, je ne vais pas essayer de le mettre sur mes antennes." "J'entends du coup que si vous croyez en quelque chose, vous le mettez dans vos antennes", a immédiatement réagi la députée. "Non seulement je ne mets rien, mais en plus je suis démocrate-chrétien, donc ce serait compliqué de mettre des choses auxquelles je ne crois pas", a précisé Vincent Bolloré en référence à "une idéologie" d'extrême droite que certains l'accusent de vouloir promouvoir.
Je n'ai aucun projet idéologique, je suis tout doux et débonnaire, pas du tout un Attila." Vincent Bolloré
Questionné par Aurélien Saintoul (LFI), après une intense polémique au sujet de l'IVG provoquée par une émission catholique de CNews, l'homme d'affaires a évoqué l'avortement d'une femme ayant partagé sa vie et considéré qu'il s'agissait de "quelque chose de terrible" où "deux libertés" se "heurtent". "La liberté des gens à disposer d'eux-mêmes" et celle "des enfants à vivre".
Demain, jeudi 14 mars, la commission d'enquête présidée par Quentin Bataillon (Renaissance) poursuivra ses travaux avec une auditionnant Cyril Hanouna, présentateur de "Touche pas à mon poste !", émission phare de C8. Une personnalité controversée, mais adoubée par Vincent Bolloré au cours de son audition : "Tout le monde a envie de le garder."