Coronavirus : Didier Houssin juge "particulièrement grave" la défaillance sur les masques FFP2

Actualité
Image
L'ancien directeur général de la Santé (2005-2011) est aujourd'hui président du Comité d’urgence de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) - PIERRE ALBOUY / AFP
par Vincent Kranen, le Mercredi 24 juin 2020 à 19:20, mis à jour le Mercredi 24 juin 2020 à 20:45

Auditionné mercredi par la commission d'enquête parlementaire de l'Assemblée, sur la gestion de l'épidémie de coronavirus Covid-19, le professeur Didier Houssin, ancien directeur général de la Santé (2005-2011), a émis des réserves sur la gestion de la crise. Il a surtout regretté un relâchement de la vigilance pandémique dans la foulée des critiques de 2010 sur la gestion de la grippe A (H1N1).

La crise de la grippe A (H1N1) de 2009 a préparé la défaillance de 2020 face au Covid-19. C'est la conviction du professeur Didier Houssin, ancien patron de la direction générale de la Santé, entre 2005 et 2011, et actuel président du comité d'urgence de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

C'est la deuxième fois que Didier Houssin est auditionné par une commission d'enquête. Il rappelle que la fois précédente, il a notamment répondu aux questions de la députée PS Marisol Touraine "qui m'a posé des questions difficiles". "10 ans ont passé. La violente critique en 2010 de cette préparation [à la grippe A] a selon moi joué un rôle majeur dans l'affaiblissement en France de la préparation au risque pandémique", juge-t-il.

Une "violente critique", selon lui infondée, et créatrice d'un frein psychologique à l'anticipation du risque pandémique en France.

Un "défaut de préparation"

Des masques FFP2 démonétisés

Le professeur est revenu longuement sur l'intérêt de disposer d'un stock de un milliard de masques chirurgicaux et de 700 millions de masques FFP2. Calculé pour faire face à une consommation quotidienne lors d'une pandémie de trois mois, ces masques FFP2 et chirurgicaux devaient servir aux professions exposées au public, comme les professionnels de santé. "On a petit à petit dévalorisé, démonétisé, l'intérêt du masque FFP2. (...) Il me semble qu'il y a une responsabilité de l'Etat à acquérir des stocks de masques à l'intention des professionnels", l'ancien chef de la direction générale de la Santé en faveur d'un retour à la doctrine initiale de stockage par l'Etat des FFP2.

"Si notre stock de masques ne s'était pas évaporé, on aurait peut-être pu organiser autrement le confinement, dans le sens d'une meilleure préservation de la continuité d'activité", soulève Didier Houssin. Il juge "particulièrement grave" que les soignants, quel que soit leur secteur d'activité, n'aient pas eu à disposition suffisamment de masques FFP2 lors de la phase aiguë de l'épidémie.

Confusion dans la réponse de l'Etat

Le professeur a détaillé aux députés son plan de bataille, enclenché en 2005, pour préparer la France au risque pandémique. Une petite équipe autour de lui, des compétences interministérielles, et une gestion de crise centralisée avec un acteur unique.

"De façon inattendue, un paysage complexe a été créé, avec l'invention de deux conseils scientifiques, alors que notre pays disposait d'instances expérimentées composées avec soin et compétentes !", Didier Houssin ancien patron de la direction générale de le Santé.

Il a notamment regretté qu'il ait fallu attendre le "début du mois de juin" pour voir la création d'un centre de gestion de crise unique. L'ancien délégué interministériel défend la mise en avant des préfets, du fait de l'organisation de l'Etat en France, et la mise en avant du ministère de l'Intérieur, dans l'objectif de gagner en efficacité dans la gestion de crise.

En 2005 Chirac dit "no limit" pour la préparation du risque pandémique

Enfin, l'ancien directeur général de la Santé a rappelé la nécessité d'une forte volonté politique pour le succès d'une stratégie d'anticipation au risque pandémique.

"Si on a pu se préparer en 2005-2006-2007-2008, c'est pour une raison très simple. Au détour de l'exercice pandémie grippale du Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale, Chirac a dit : 'dépenses pour la préparation d'une pandémie grippale, no limit', assure Didier Houssin. Cela a créé un boost. Moi je n'ai fait qu'accompagner une décision politique au plus haut niveau."

Les Chinois coopératifs avec l'OMS ?

De par sa double casquette le professeur Didier Houssin, ancien patron de la DGS et directeur actuel du comité d'urgence de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a complété son témoignage par des précisions sur la gestion de crise de l'OMS et les accusations contre sa lenteur supposée du fait de pressions de la Chine.

Didier Houssin a, en particulier, balayé les accusations du Président des Etats-Unis sur la volonté de transparence de la Chine dans la foulée de la découverte du nouveau coronavirus SRAS-CoV-2. "Monsieur Xi Jinping ne m'a pas appelé, je peux vous le garantir, je n'ai pas eu d'appel ou de SMS sur mon téléphone", s'est défendu le professeur.

Le président du comité d'urgence reconnaît néanmoins que l'OMS "a peut-être perdu une semaine" pour déclarer une urgence de santé publique internationale sur l'épidémie de coronavirus. Il la justifie par la difficulté à trouver un consensus. "Ce n'est pas facile d'être entre la précipitation et l'attentisme", conclut-il.