Définition pénale du viol : l'ajout de la notion de "non-consentement" validé par les députés en commission

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Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin en commission des lois, le 26 mars 2025
Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin en commission des lois, le 26 mars 2025 - LCP
par Soizic BONVARLET, le Mercredi 26 mars 2025 à 17:07, mis à jour le Mercredi 26 mars 2025 à 17:58

Les députés ont adopté en commission, ce mercredi 26 mars, la proposition de loi visant à "modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles". Ce texte transpartisan, porté par Marie-Charlotte Garin (Ecologiste et social) et Véronique Riotton (Ensemble pour la République), propose au travers de la notion de consentement, un nouvel outil pour mieux caractériser, et donc davantage sanctionner, les actes de viol et d'agressions sexuelles.

"La criminalité sexuelle ne recule pas, un climat d'impunité perdure et la culture du viol demeure une réalité". C'est sur ce triple constat que Véronique Riotton (Ensemble pour la République) a initié, ce mercredi 26 mars, la présentation du texte qu'elle a élaboré avec Marie-Charlotte Garin (Ecologiste et social), afin de "modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles". Une proposition de loi qui sera débattue la semaine prochaine dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, après avoir été adoptée aujourd'hui par les députés de la commission des lois. 

Un critère ajouté aux quatre déjà existants

Selon les co-rapporteures de la proposition de loi, l'interprétation des éléments matériels qui définissent le viol en l'état actuel du droit - à savoir la violence, la contrainte, la menace et la surprise -, ne permet pas de couvrir le large éventail de cas caractérisés par un état de sidération de la victime, une situation d’emprise, ou un abus de vulnérabilité. Or, si le juge est en incapacité de démontrer l’usage de la violence, de la contrainte, de la menace, ou de la surprise, la condamnation pour viol s'avère légalement impossible. Si elles estiment nécessaire de préserver dans la loi les quatre critères actuellement en vigueur, Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin préconisent donc d'en introduire un cinquième, celui du consentement, précisant que la nouvelle définition doit intégrer que celui-ci est "spécifique, donné librement, et peut être retiré à tout moment". 

Un enrichissement qui se résume en un objectif : "dire clairement qu'un rapport non consenti est illégal", a souligné Véronique Riotton. Et la députée de citer l'exemple de la Suède, qui a atteint "plus de 75% de condamnations depuis cette introduction du non-consentement".

Tout en insistant sur l'importance de ne pas rétrograder dans la loi les quatre critères déjà existants, Marie-Charlotte Garin a quant à elle expliqué que l'ajout de la notion de non-consentement répondait à une "lacune législative", et fait valoir que l'avis du Conseil d'Etat rendu le 6 mars constituait en la matière une "confirmation juridique et technique de la pertinence [du] texte".

Passer "de la culture du viol à une culture du consentement"

A la crainte exprimée par plusieurs associations féministes, et relayée notamment par Céline Thiébault-Martinez (Socialistes) selon laquelle, par cette innovation pénale, "les plaignantes deviendraient des accusées et devraient prouver qu'elles n'ont pas consenti", les rapporteures ont opposé plusieurs arguments.

"Evidemment que cette proposition de loi ne dit pas qu'à partir du moment où il y a eu un 'oui', ça veut dire qu'il y a eu un consentement", a tenté de rassurer Marie-Charlotte Garin. "C'est pour ça qu'on spécifie que le consentement doit être éclairé, qu'on parle des circonstances environnantes. On indique au juge que justement, un 'oui' n'est pas un 'oui' dans toutes les situations", a-t-elle insisté, évoquant les cas de sidération, de coercition ou d'emprise. Et Véronique Riotton d'ajouter qu'en l'état actuel du droit, "c'est toujours le comportement de la victime qui est interrogé, et son absence de réaction jugée comme présomption de son consentement. Nous souhaitons faire évoluer les investigations pour qu'elles se concentrent d'abord sur l'agissement de l'auteur au mépris de l'absence de consentement".

Lors de la discussion en commission, Emilie Bonnivard (Droite républicaine) a salué au travers du dispositif proposé  "une révolution" et "un progrès véritable" à même de "couvrir au mieux la totalité des cas de viol". Au contraire, Sophie Blanc (Rassemblement national) a déploré une méthode "dangereuse et juridiquement contestable", critiquant l'introduction d'une "définition trop large" du viol, pouvant conduire à une "inflation contentieuse".

"Nous ne créons aucune présomption de culpabilité", a encore expliqué Marie-Charlotte Garin (Ecologiste et social), avant que Véronique Riotton (Ensemble pour la République) précise que la rédaction proposée "ne crée pas d'obligation positive à s'assurer d'une manière convenue du consentement d'autrui". S'il s'agira pour l'enquête judiciaire d'"apprécier la validité du consentement à l'aune des vulnérabilités éventuelles de la victime (...) la matérialité de la preuve restera bien présente", a-t-elle complété. 

Adopté en commission des lois, le texte - qui ambitionne selon ses auteures de passer "de la culture du viol à une culture du consentement" - sera examiné mardi prochain dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.