Définition pénale du viol : l'introduction de la notion de non-consentement dans la loi à l'ordre du jour de l'Assemblée fin mars

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Marie-Charlotte Garin et Véronique Riotton
Les députées Marie-Charlotte Garin et Véronique Riotton - Illustration
par Soizic BONVARLET, le Mardi 11 mars 2025 à 18:05

La proposition de loi visant à "modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles", déposée à l'Assemblée nationale en janvier, sera examinée dans l'hémicycle la semaine du 31 mars. Ce texte porté par Marie-Charlotte Garin (Ecologiste et Social) et Véronique Riotton (Ensemble pour la République) a été inscrit à l'ordre du jour alors que le Conseil d’Etat a rendu un avis favorable à l'introduction de la notion de consentement dans l'arsenal judiciaire.

Intégrer la notion de "non-consentement" dans la définition pénale du viol. C'est l'objet de la proposition de loi présentée par Marie-Charlotte Garin (Ecologiste et Social) et Véronique Riotton (Ensemble pour la République) qui ont notamment travaillé sur le sujet dans le cadre d'une mission d'information, lancée en janvier 2024, par la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale.

Des travaux qui ont inspiré la proposition de loi visant à "modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles", qui sera examinée en commission des lois le 26 mars, puis dans l'hémicycle du Palais-Bourbon lors de la semaine dite "transpartisane" du 31 mars. Une décision actée par la Conférence des présidents de ce mardi 11 mars, tous les groupes représentés ayant appuyé la mise à l'ordre du jour du texte, à l'exception de la Droite républicaine et de l'Union des droites pour la République qui ont voté contre, et du Rassemblement national qui s'est abstenu.

Un nouvel outil visant à mettre fin au "climat d'impunité"

Face à une "criminalité sexuelle qui ne recule pas" et "un climat d'impunité qui perdure", Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin proposent, à travers cette proposition co-signée par Gabriel Attal et Cyrielle Chatelain, d'"intégrer la notion de non-consentement dans la définition pénale du viol et des agressions sexuelles", considérant que "la nouvelle définition doit préciser que le consentement est spécifique, doit être donné librement et peut être retiré à tout moment". 

Une disposition déjà appliquée dans 19 pays européens, parmi lesquels l'Espagne, avec l'entrée en vigueur de la loi "Sólo sí es sí" ("Seul un oui est un oui"), en octobre 2022. Sans pour autant inscrire la notion de consentement dans son droit, la France a ratifié, en 2011, la Convention du Conseil de l’Europe relative à la prévention et à la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dite Convention d’Istanbul, selon laquelle "le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes".

Les auteures de la proposition de loi partant d'un constat, selon lequel la jurisprudence ne parviendrait toujours pas à combler le silence de la loi sur la notion de consentement, elles souhaitent "changer de paradigme", en mettant la France en conformité avec ses engagements, et en fournissant à la justice un nouvel outil pour appréhender le viol.

Quelques semaines après le verdict du procès dit "de Mazan", qui aura été à bien des égards le procès de la culture du viol, il est temps d’agir et de franchir une nouvelle étape dans la lutte contre les violences sexuelles. Exposé des motifs de la proposition de loi

Selon Marie-Charlotte Garin et Véronique Riotton, l'interprétation des éléments matériels qui définissent le viol en l'état actuel du droit - à savoir la violence, la contrainte, la menace et la surprise -, ne permettrait pas de couvrir un large éventail de cas caractérisés par un état de sidération de la victime, une situation d’emprise ou encore d’abus de vulnérabilité. Aussi, si le juge est en incapacité de démontrer l’usage de la violence, la contrainte, la menace ou la surprise, la condamnation pour viol s'avère légalement impossible. Si elles estiment nécessaires de préserver dans la loi les quatre critères actuellement en vigueur, les députées préconisent donc d'en introduire un cinquième, celui du non-consentement.

Une évolution du droit validée par le Conseil d’Etat

Saisi sur le texte par la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (Ensemble pour la République), qui voulait sécuriser le dispositif proposé, le Conseil d’Etat a rendu un avis le 6 mars ne soulevant pas d'objection majeure à son application. En effet, alors que des réserves ont été exprimées par certains lors des travaux de la mission d'information, la plus haute juridiction administrative française juge que "l’inscription de l’absence de consentement dans la définition des agressions sexuelles n’instaure pas, par elle-même, une présomption de culpabilité qui conduirait à priver la personne mise en cause du droit de se défendre".

"La mention de l’absence de consentement dans la définition des agressions sexuelles
n’instaure pas davantage une présomption de défaut de consentement qui impliquerait une formalisation du recueil du consentement, voire une contractualisation entre les personnes
", poursuit l'institution du Palais-Royal, alors que cette crainte émerge aussi régulièrement dans les débats. "Le Conseil d’Etat considère que la rédaction proposée n’invite nullement à rechercher un consentement explicite et formalisé ; elle indique que c’est chez l’auteur des faits qu’il faut rechercher s’il s’est assuré du consentement de l’autre", souligne aussi la juridiction.

Une analyse qui vient en écho aux propos formulés par Véronique Riotton, lors de la présentation du rapport, le 21 janvier dernier, quant à une éventuelle sur-justification demandée aux victimes, induite par l'introduction de cette notion de non-consentement. La députée y avait alors opposé une réponse claire : "Il n'y aura pas d'inversion de la charge de la preuve (...) On reste dans un système accusatoire". Avant d'indiquer que la modification de la loi permettrait de se concentrer sur un "faisceau d'indices" dirigé vers l'accusé, afin d'évaluer la manière dont il s'est assuré du consentement de la personne qui le met en cause. "Le silence de la loi sur le consentement permet [aujourd'hui] aux agresseurs d'utiliser la notion de consentement comme une arme", avait pour sa part estimé Marie-Charlotte Garin.

Enfin et plus largement, le Conseil d’Etat considère que la proposition de loi "a l’avantage de centrer le débat judiciaire, et donc l’écho qu’il peut avoir dans la société, sur cette réalité que le viol, comme les autres agressions sexuelles, est avant tout, un viol du consentement". Manière d'appuyer l'esprit et la vocation normative du texte tant sur le plan pénal que sociétal.