Déserts médicaux : la mesure limitant la liberté d'installation des médecins supprimée en commission

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Guillaume Garot, le 26 mars 2025.
Guillaume Garot veut limiter la liberté d'installation des médecins. LCP
par Maxence Kagni, le Mercredi 26 mars 2025 à 14:40, mis à jour le Mercredi 26 mars 2025 à 15:45

La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a voté, ce mercredi 26 mars, la proposition de loi d'initiative transpartisane visant à "lutter contre les déserts médicaux". Mais sans la mesure phare du texte porté par Guillaume Garot (Socialistes), qui consistait à restreindre la liberté d'installation des médecins en faisant "un premier pas" vers la  "régulation". 

"Que notre santé ne dépende plus de notre code postal". C'est le souhait de Guillaume Garot (Socialistes), qui a défendu en commission, ce mercredi 26 mars, la proposition de loi visant à "lutter contre les déserts médicaux, d’initiative transpartisane". Cosigné par 256 députés, ce texte a été adopté, mais sans sa mesure phare : à l'issue d'une bataille d'amendements et d'un scrutin public qui s'est joué à quelques voix près, l'article qui prévoyait de limiter la liberté d'installation des médecins n'a pas été validé. 

Le texte doit maintenant être examiné la semaine prochaine dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Dès hier, mardi 25 mars, Guillaume Garot a cependant exprimé son inquiétude en raison d'un agenda "très serré", qui risque de limiter trop drastiquement le temps de débat prévu pour cette proposition de loi. "Nous nous battons pour qu'on puisse nous donner le temps nécessaire à cet examen serein", a déclaré lors d'une conférence de presse le député de la Mayenne.

"La situation n'est plus supportable"

"Il y a aujourd'hui trois fois plus de médecins généralistes par habitant dans les Hautes-Alpes, que dans l'Eure-et-Loir", a expliqué ce mercredi Guillaume Garot, en amont de la présentation de sa proposition de loi. L'élu a dénoncé une "inégalité majeure" entre les territoires : "Pour huit millions de Françaises et de Français, la situation n'est plus supportable", a-t-il martelé.

Convaincu que "les politiques d'incitation ne suffisent plus", Guillaume Garot et les députés cosignataires du texte proposaient de réguler l'installation des médecins généralistes et spécialistes. La proposition de loi créait une autorisation d'installation, délivrée par les Agences régionales de santé (ARS). En zone sous-dotée, l'autorisation aurait été automatiquement délivrée, tandis que dans les zones où l'offre de soins est suffisante, l'installation aurait été soumise à la cessation d'activité d'un praticien "pratiquant la même spécialité sur ce territoire".

Anticipant les critiques, Guillaume Garot avait expliqué que le principe de la liberté d'installation des médecins "n'était pas remis en cause", mais "simplement aménagé, encadré, au nom de l'intérêt général", ajoutant que ce dispositif serait "tout simplement le dispositif jumeau qui est mis en œuvre depuis le 1er janvier pour les chirurgiens dentistes". 

La mesure a été soutenue par Hadrien Clouet (La France insoumise), Joël Aviragnet (Socialistes), Philippe Vigier (Les Démocrates), Yannick Favennec-Bécot (LIOT), Yannick Monnet (Gauche démocrate et républicaine) ou encore Jean-Claude Raux (Ecologiste et Social). Ce dernier a déploré le "chantage à peine voilé" de certains médecins, qui menacent de se déconventionner, ou de partir à l'étranger, en cas de vote de ce dispositif. "Ce serait dommage qu'on manque cette occasion pour une nouvelle fois repousser aux calendes grecques", a estimé Xavier Breton (Droite républicaine), lui aussi favorable au texte. 

Une "fausse bonne idée" selon le Rassemblement national

D'autres députés ont, au contraire, dénoncé le principe de cette régulation qui transcende les clivages partisans : "Je maintiens que c'est une forme de coercition que vous proposez, c'est une fausse bonne idée" qui "nuirait à l'attractivité de la profession de médecin", a dénoncé Christophe Bentz (Rassemblement national). L'élu a particulièrement mis en cause le rôle des ARS dans le dispositif imaginé par Guillaume Garot, "le pire échelon", "l'échelon de la déconnexion par excellence".

"Cette proposition de loi apporte à mon sens des mesures qui, en l'état, pourraient davantage aggraver le problème qu'elle prétend traiter plutôt que d'y remédier", a quant à lui considéré Thibault Bazin (Droite républicaine), qui estime que le dispositif risque de pousser les internes à "préférer le salariat" dans des hôpitaux ou des centres de soins. "Je pense que passer de l'incitation à la contrainte ne résoudra pas le coeur du problème", a renchéri Nathalie Colin-Oesterlé (apparentée Horizons).

Un médecin, c'est avant tout un étudiant qui a fait un gros investissement personnel. Olivier Fayssat (Union des droites pour la République)

"Notre groupe considère qu'il n'existe pas assez de médecins dans notre pays, qu'il faut en former beaucoup plus", a pour sa part indiqué Stéphanie Rist (Ensemble pour la République), jugeant que la mesure défendue par les partisans du texte "fera qu'il y aura moins de temps médical au service des Français".

Bataille d'amendements et rejet de l'article modifié

A l'issue d'un long débat, les tenants de la régulation ont cru remporter la bataille lorsque les amendements de suppression de l'article prévoyant ce dispositif ont été repoussés à une voix près lors d'un scrutin public. Dans la foulée, un amendement de Guillaume Garot (Socialistes) précisant que les médecins salariés des centres de santé seraient concernés par la disposition a même été adopté. 

Mais quelques minutes plus tard, la commission des affaires sociales a adopté des amendements de Jean-François Rousset et Stéphanie Rist (Ensemble pour la République) supprimant l'alinéa qui prévoyant l'interdiction pour un médecin de s'installer dans une zone surdotée (32 pour, 28 contre), ce qui a rendu le dispositif inopérant. Finalement, l'article dans son ensemble a été rejeté (32 contre, 29 pour). Un nouvel échec pour la mesure qui avait déjà été défendue, sans succès, par Guillaume Garot en 2023. 

Les autres mesures du texte, comme la suppression de la majoration des tarifs à l'encontre des patients non pourvus d'un médecin traitant, la création d'une "formation a minima de première année en études de médecine dans chaque département", ou encore le rétablissement de l'obligation de permanence des soins, ont en revanche été adoptées.