Emmanuel Macron aux parlementaires : "Les censures de fin d'année décalent le budget des armées"

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Emmanuel Macron lors de son discours aux Armées, le 13 juillet 2025.
Emmanuel Macron lors de son discours aux Armées, le 13 juillet 2025.
par Anne-Charlotte Dusseaulx, le Dimanche 13 juillet 2025 à 21:30, mis à jour le Dimanche 13 juillet 2025 à 21:50

Lors de sa traditionnelle allocution aux Armées, à la veille de la fête nationale du 14-Juillet, le président de la République a annoncé vouloir renforcer l'effort financier prévu pour la Défense, en ajoutant 3,5 milliards d'euros en 2026, puis 3 milliards de plus en 2027. Dans une période d'accumulation des menaces, Emmanuel Macron a mis en garde contre le retard que ferait prendre à la mise en œuvre de cet effort une éventuelle censure lors de la séquence budgétaire de l'automne à l'Assemblée nationale, 

Parce que "nous vivons un moment de bascules", selon les mots d'Emmanuel Macron, la traditionnelle allocution du président de la République aux Armées à l'hôtel de Brienne à Paris, a pris une tournure particulière, ce dimanche 13 juillet, à la veille de la fête nationale. Parlant d'un "monde dangereux et incertain", le chef de l'Etat a débuté par un hommage aux soldats, "le bras armé de la France", avant de revenir sur "le vaste arc de crises" auquel le pays, le continent européen et le monde sont confrontés. "Jamais depuis 1945 notre liberté n'avait été si menacée", a déclaré le Président, évoquant notamment "la permanence d'une menace russe, préparée, organisée, durable".

Nous avons une avance, mais demain, en restant au même rythme, nous serions dépassés. Emmanuel Macron

"Tout peut advenir", a poursuivi Emmanuel Macron, entouré du Premier ministre, François Bayrou, du ministres des Armées, Sébastien Lecornu, et de la ministre chargée de la Mémoire et des Anciens combattants, Patricia Mirallès. "Il n'y a plus d'arrière et plus de front, les conflits sont multiformes, multi-champs", a ajouté le chef de l'Etat, pour qui les risques du présent et "l'impensable" vécu ces dernières années "supposent de durcir nos capacités, nos forces, notre pays". 

Des "efforts supplémentaires" dans la loi de programmation militaire en cours

Pour cela, et pour "partout être préparés", Emmanuel Macron a fait plusieurs annonces. Notamment sur le plan budgétaire. "A l'heure des prédateurs, nul ne peut demeurer immobile. Nous avons une avance, mais demain, en restant au même rythme, nous serions dépassés", a affirmé le Président, à propos des précédentes lois de programmation militaire. Des "efforts supplémentaires" viendront donc compléter celle en cours (2024-2030). "S'ajouteront à la loi de programmation actuelle, 3,5 milliards en 2026 et 3 milliards en 2027", pour atteindre 64 milliards d'euros en 2027. "C'est le double du budget dont les armées disposaient en 2017", a indiqué Emmanuel Macron. Un objectif qui était initialement fixé à horizon 2030.

Pour être libre dans ce monde, il faut être craint. Pour être craint, il faut être puissant. Emmanuel Macron

Quant à la manière de financer cet effort, il a renvoyé aux annonces que fera son Premier ministre, François Bayrou, mardi 15 juillet, dans une intervention qui sera consacrée aux orientations budgétaires pour l'année prochaine. "Nous refusons que ce réarmement passe par de l'endettement", il doit être "financé par plus d'activités et plus de production", a cependant indiqué le chef de l'Etat, en ajoutant qu'"une actualisation de la loi de programmation militaire" pour 2024-2030 "sera présentée à l'automne" au Parlement. Emmanuel Macron a aussi appelé les députés à la "responsabilité" lors de l'examen des budgets pour 2026 : "Les censures de fin d'année ont une conséquence simple, elles décalent le budget des Armées." 

"C'est maintenant qu'il nous faut consentir à cet effort, précisément calibré. (...) Si notre liberté a un prix, le voici", a-t-il renchéri. A plusieurs reprises lors de ce discours, qui a duré une trentaine de minutes, Emmanuel Macron a insisté sur cette idée de liberté. "Nous entendons demeurer libres dans le siècle qui vient", a-t-il notamment lancé, quelques minutes après avoir déclaré : "Pour être libre dans ce monde, il faut être craint. Pour être craint, il faut être puissant." 

"Donner à la jeunesse un nouveau cadre pour servir"

Au cours de son allocution aux Armées, qui s'adressait aussi au Français, le Président a par ailleurs renvoyé à l'automne toute décision sur le Service national universel (SNU). "Nous devons accélérer les efforts sur notre réserve" et "donner à la jeunesse un nouveau cadre pour servir", a dit Emmanuel Macron, qui prendra des décisions à ce sujet dans quelques mois "sur la base des travaux demandés" en début d'année sur une éventuelle révision du SNU. Mi-mars, dans une interview accordée à plusieurs journaux régionaux, il avait annoncé "une refonte du Service national universel, pour qu'il corresponde aux besoins de la nation et aux priorités que nous avons identifiées". 

Avant cette prise de parole du chef de l'Etat, plusieurs interventions avaient préparé les esprits aux annonces élyséennes. Vendredi 11 juillet, le chef d'Etat-major des armées, le général, Thierry Burkhard, avait brossé un sombre tableau des menaces dans une rare conférence de presse, quelques jours après une autre intervention inédite à la télévision du patron de la DGSE, le service de renseignement extérieur, Nicolas Lerner. Le plus haut gradé français avait évoqué la menace "durable" de la Russie contre les pays européens, le désengagement américain, l'Ukraine où "se joue (...) aussi la place des pays européens dans le monde de demain", la désinformation et les attaques hybrides ou encore la lutte contre le terrorisme. "Il faut qu'on intègre qu'on est bien face à un changement de référentiel stratégique", avait-il insisté. 

Et ce dimanche, peu avant l'allocution du chef de l'Etat, c'est le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, qui avait pris la parole dans La Tribune dimanche. "Nous ne sommes pas là pour agiter les peurs ou les inquiétudes, nous sommes là pour les documenter et y apporter des réponses", avait-t-il expliqué, appelant à s'appuyer sur un modèle de défense autonome : "Si on ne veut dépendre de personne, cela passe forcément par un effort nouveau, pas seulement budgétaire, mais aussi intellectuel, moral et industriel."