Équilibre des relations commerciales : les députés prolongent d'un an l'application du seuil de revente à perte majoré de 10%

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Stéphane Travert dans l'hémicycle, le 17 mars 2025
Stéphane Travert (apparenté EPR) dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, le 17 mars 2025 - LCP
par Soizic BONVARLET, le Lundi 17 mars 2025 à 21:51, mis à jour le Lundi 17 mars 2025 à 22:43

Les députés ont adopté, ce lundi 17 mars, la proposition de loi visant à "renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire". Porté par Stéphane Travert (apparenté Ensemble pour la République), le texte prolonge jusqu'en avril 2026 l'expérimentation du seuil de revente à perte majoré de 10% pour les produits alimentaires, dit "SRP+10", afin d'encourager une répartition plus juste de la valeur. Il autorise, par ailleurs, le retour des super-promotions sur les produits de droguerie, de parfumerie et d'hygiène à compter de la même date. La proposition de loi doit maintenant être examinée au Sénat. 

Lutter contre la "guerre des prix" que les distributeurs se sont livrés de nombreuses années durant au détriment des agriculteurs, tel est l'objectif de la proposition de loi visant à "renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire". Au coeur de ce texte, la reconduction d'un dispositif, le seuil de revente à perte majoré de 10 %, dit "SRP+10", qui impose aux distributeurs de vendre certains produits alimentaires au minimum de leur prix d’achat majoré de 10 %.

"Défendre la valeur de nos productions agricoles"

L'ambition du dispositif introduit par la loi Egalim I de 2018 est de rééquilibrer les relations commerciales entre producteurs, transformateurs et distributeurs en générant une meilleure répartition de la valeur entre eux. Alors que le dispositif est censé s'éteindre le 15 avril de cette année, Stéphane Travert (apparenté Ensemble pour la République) souhaitait prolonger le SRP+10 jusqu’au 15 avril 2028.

Le rapporteur de la proposition de loi co-signée par Julien Dive (Droite républicaine) a aussi dit sa volonté de "défendre la valeur de nos productions agricoles et alimentaires, et in fine, l'amélioration des revenus de nos agriculteurs". "La guerre des prix entre distributeurs ne doit pas venir annihiler le travail de construction du prix en marche avant", a fait valoir l'ancien ministre de l'Agriculture.

"Le SRP+10 est-il couronné de succès ? Probablement pas. Faut-il le retirer  maintenant ? Assurément non", a pour sa part estimé la ministre déléguée chargée du Commerce, Véronique Louwagie. Faute de reconduction du dispositif, elle a considéré qu'"une nouvelle guerre des prix, très intense, se déclencherait du jour au lendemain".

Il n'y a pas de patron de la grande distribution qui met fin à ses jours parce qu'il n'a pas assez d'argent. Alors qu'au moment où l'on se parle, des agriculteurs sont en train de se poser la question. Richard Ramos (Les Démocrates)

S'il a qualifié le dispositif de "pas terrible", Richard Ramos (Les Démocrates) a affirmé que son extinction aurait pour effet immédiat d'empirer la situation du monde agricole, déjà très critique. "On ne sait pas si ça a vraiment ruisselé, mais le seuil de revente à perte nous protège et protège légèrement les paysans", a-t-il estimé.

Manon Meunier (La France insoumise) a, en revanche, dénoncé un "dispositif technocrate" qui aurait profité aux "géants agro-industriels", quand Mélanie Thomin (Socialistes) a jugé que si le SRP+10 avait "permis de verrouiller la guerre des prix au sein de la grande distribution", il avait "surtout bénéficié à la grande distribution et aux grands acteurs agro-industriels".

"Le SRP+10 a gonflé le chiffre d'affaires des distributeurs", a abondé Hélène Laporte (Rassemblement national) avant d'évoquer le "préjudice" sur les consommateurs au détriment de leur pouvoir d'achat. Son collègue de groupe Jean-Philippe Tanguy (RN) a fustigé "la [seule] mesure des macronistes sur le monde agricole depuis sept ans, votre seul élément de doctrine, à savoir le ruissellement. Mais vous avez renversé les lois de la physique, inventé les ruissellement vers le haut. Ce sont les classes populaires et moyennes qui paient les marges de la grande distribution", a-t-il lancé, qualifiant la mesure d'"absurde".

Une évaluation renforcée du dispositif

La présidente de la commission des affaires économiques, Aurélie Trouvé (La France insoumise), a critiqué dès le début des débats "une loi votée sans les moyens de l'évaluer correctement" à propos du SRP+10. Stéphane Travert avait un peu plus tôt détaillé les mesures destinées à renforcer l'évaluation de ce dispositif prévues par son texte, dont la sanction financière en cas de non-transmission des données par les distributeurs.

Les députés ont par la suite musclé ces sanctions, par l'adoption de deux amendemement défendus par La France insoumise. Le premier, présenté par Manon Meunier, exige que les taux de marge apparaissent dans les documents transmis au gouvernement, tandis que le second, défendu par Mathilde Hignet, modifie l’amende pour "non-respect de la communication des éléments d'appréciation de la pertinence des mesures en cause" en la rendant progressive et adossée au chiffre d'affaires. Cette disposition a été adoptée contre l'avis de la ministre et du rapporteur.

Autre amendement majeur adopté, celui porté par Mélanie Thomin afin de ramener l'échéance de prorogation du SRP+10 du 15 avril 2028 au 15 avril 2026, et de "mesurer s'il est ou non utile aux revenus agricoles" dans l'intervalle.

Les députés ont, par ailleurs, aligné la fin de l’encadrement des promotions concernant les produits de droguerie, parfumerie et hygiène (DPH) sur la date de prorogation de l'expérimentation du SRP+10, à savoir le 15 avril 2026. Stéphane Travert avait estimé que l'élargissement de l'encadrement des promotions à ce secteur avait "éloigné le dispositif de son objet initial, à savoir préserver la valeur de la production agricole", et induit une baisse de la consommation préjudiciable à un secteur qui représente 85 000 emplois directs. L'ensemble de la proposition de loi a été largement adoptée, par 137 voix contre 4. Le texte va maintenant poursuivre son parcours législatif au Sénat