Fin de vie : en commission, les députés précisent les conditions d'accès à l'aide à mourir

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Brigitte Liso et Olivier Falorni, le 28 avril 2025
Brigitte Liso (Ensemble pour la République) et Olivier Falorni (Les Démocrates) lors de l'examen du texte sur la fin de vie en commission, le 28 avril 2025 - LCP
par Soizic BONVARLET, le Mardi 29 avril 2025 à 08:10, mis à jour le Mardi 29 avril 2025 à 12:23

Après la pause législative de ces deux dernières semaines, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a repris, lundi 28 avril, l'examen de la proposition de loi relative à "la fin de vie", qui vise à instaurer une "aide à mourir" strictement encadrée. Les députés ont adopté dans la soirée l'article 4, qui régit les critères d'accès à cette aide à mourir.

Une "aide à mourir" pour quels patients et dans quelles circonstances ? Telle est la question qui a occupé une large partie des discussions en commission des affaires sociales, lundi 28 avril. L'examen de l'article 4 de la proposition de loi relative à "la fin de vie", qui concerne les critères d'accès à l'aide à mourir, avait été à peine amorcé le 11 avril dernier, juste avant l'interruption des travaux parlementaires, et après que les députés ont adopté à l'unanimité l'autre proposition de loi ayant trait aux soins palliatifs.

Un pronostic vital engagé, mais à quelle échéance ?

La proposition de loi portée par Olivier Falorni (Les Démocrates) établit cinq critères d'accès à l'aide à mourir :

  • être âgé d’au moins dix‑huit ans ;
  • être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France ;
  • être atteint "d’une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale" ;
  • présenter "une souffrance physique ou psychologique", qu'elle soit "réfractaire aux traitements" ou "insupportable selon la personne lorsqu’elle a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement" ;
  • être en capacité de "manifester sa volonté de façon libre et éclairée".

La notion de "court ou moyen terme" - présente dans le projet de loi dont l'examen avait été stoppé par la dissolution de l'Assemblée l'année dernière -, ayant disparu du texte, les députés ont longuement débattu de la question de l'échéance à envisager en rapport avec l'engagement du pronostic vital. A noter qu'un avis de la Haute Autorité de Santé est attendu avant l'examen des propositions de loi dans l'hémicycle, à partir du 12 mai, au sujet de la définition du "moyen terme", qui pourrait éventuellement être réintroduit dans le texte, mais aussi sur la notion de "phase avancée", qui pourrait s'y substituer.

Pour l'heure, certains députés ont souhaité restreindre au "court terme" l'engagement du pronostic vital éligible à l'aide à mourir. La notion de "court terme", contrairement à celle de "moyen terme", est assez précisément établie dans le milieu médical, et recouvre une échéance de quelques heures à quelques jours. Ce qui a fait dire au rapporteur général, Olivier Falorni (Les démocrates), que cette proposition portée par Patrick Hetzel (Droite républicaine) reviendrait à rendre le texte "inopérant", voire qu'il s'agissait "d'une forme d'amendement de suppression de la loi".

Sans attendre l'avis de la HAS, le rapporteur a en revanche estimé que la notion de "phase avancée ou terminale" s'avérait "opérationnelle".  Il a notamment fait valoir que les patients atteints de la maladie dite de Charcot pourraient ainsi être inclus dans le dispositif de demande d'aide à mourir, alors que la notion de "moyen terme" revenant, selon lui, à une simple "prédiction", pourrait les pénaliser en raison des caractéristiques de la maladie, qui évolue sur plusieurs années. "La phase avancée n’est pas la phase terminale", a-t-il aussi souligné, rappelant que chaque cas serait soumis à une évaluation médicale de son état clinique.

Donnant l'exemple des patients sous dialyse, Philippe Juvin (Droite républicaine) a, quant à lui, souligné que beaucoup d'entre eux répondaient aux critères de la souffrance réfractaire, d'une phase avancée de leur maladie et du pronostic vital engagé, tout en ayant une espérance de vie de plusieurs années. "On aura des patients qui ne seront pas en fin de vie", a mis en garde le député et professeur de médecine opposé au texte sur l'aide à mourir.

Au Rassemblement national qui souhaitait établir l'échéance de l'engagement du pronostic vital à six mois, Olivier Falorni a répondu qu'introduire un critère temporel précis dans le texte, revenait à "s’assurer qu’il ne sera pas appliqué", au regard de l'impossibilité pour le corps médical de se prononcer sur des échéances certaines. Il s'est également opposé à l'amendement d'Océane Godard (Socialistes), visant tout bonnement à supprimer le critère du pronostic vital engagé. "Nous réaffirmons l’idée que la souffrance doit guider nos réflexions et notre travail sur cette loi", avait plaidé la députée, avant de retirer son amendement après que le rapporteur ait estimé que la suppression de cette condition nuirait à "l'équilibre" du texte.

Une position partagée par La France insoumise, qui a cependant souhaité ajouter "quelle qu'en soit la cause" aux modalités du pronostic vital engagé, afin notamment de ne pas exclure du dispositif les victimes d'accidents graves. L'amendement porté par René Pilato (LFI) a été adopté.

Quel statut pour les souffrances psychiques ?

Concernant la caractérisation de la souffrance, Agnès Firmin Le Bodo (Horizons) a souhaité exclure les souffrances psychologiques de l'accès à l'aide à mourir quand elles ne seraient pas concomitantes à des souffrances physiques. L'ancienne ministre a donc proposé une rédaction privilégiant ces dernières en tant que critère à prendre en compte, bien qu'elles puissent être "accompagnées de souffrances psychologiques". L'amendement, contesté par Olivier Falorni et la rapporteure sur cette partie du texte, Brigitte Liso (Ensemble pour la République), ainsi que les groupes de gauche, a été rejeté. Les opposants à l'amendement avaient rappelé que le critère de la souffrance, qu'elle soit "physique ou psychologique", comme rédigé dans la proposition de loi, serait quoi qu'il en soit apprécié dans une perspective cumulative parmi les quatre autres conditions définies, parmi lesquelles l'affection grave, incurable, et le pronostic vital engagé.

Les souffrances psychiques ne sont pas des sous-souffrances ou des petites souffrances. Sandrine Rousseau (Ecologiste et social)

Thibault Bazin (Droite républicaine) a pour sa part porté un amendement visant à préciser explicitement que "pour être éligible [à une demande d'aide à mourir], la personne ne doit pas souffrir d'une pathologie psychiatrique diagnostiquée par un médecin psychiatre". Le député a ainsi souhaité écarter toute décision prise par manque de discernement, au regard du critère lié à l'expression d'une volonté "libre et éclairée". L'amendement a été rejeté, après qu'Elise Leboucher (La France insoumise) l'ai qualifié de "discriminant", Sébastien Peytavie (Ecologiste et social) dénonçant une logique de "stigmatisation autour de la santé mentale".

Après avoir adopté l'article 4, les députés ont entamé l'examen de l'article 5 relatif à la procédure d'aide à mourir. Les discussions reprendront ce mardi après-midi.