Finances publiques : les ministres Lombard et Montchalin veulent "rétablir la confiance dans la parole budgétaire de l'Etat"

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Eric Lombard et Amélie de Montchalin auditionnés par la commission des finances
Eric Lombard et Amélie de Montchalin auditionnés par la commission des finances.
par Anne-Charlotte Dusseaulx, le Mardi 15 avril 2025 à 19:50

Leur audition par la commission des finances de l'Assemblée nationale, ce mardi 15 avril, a duré deux heures. Les ministres Eric Lombard (Economie) et Amélie de Montchalin (Comptes publics) sont revenus sur leur "plan d’action" visant à améliorer le pilotage des finances publiques, alors que le rapport de la commission d'enquête sur les raisons des dérapages budgétaires en 2023 et 2024 vient tout juste d'être publié.

Le ministre de l’Economie, Eric Lombard, a déclaré mardi 15 avril vouloir "rétablir la confiance dans la parole budgétaire de l'Etat", en renforçant la "transparence" des prévisions macroéconomiques du gouvernement, après les dérapages budgétaires en 2023 et 2024. Il s'exprimait, avec sa collègue Amélie de Montchalin (Comptes publics) devant la commission des Finances de l'Assemblée nationale, qui s'était dotée des prérogatives d'une commission d'enquête sur les raisons de ces dérapages et dont le rapport publié le même jour formule des recommandations pour éviter qu'ils ne se répètent : améliorer la qualité des prévisions, renforcer le pilotage des finances publiques et l'information des parlementaires. 

On ne se limite pas à une réforme technique. Nous proposons réellement un nouveau paradigme dans le pilotage des finances publiques. Le ministre Eric Lombard

"Nous partageons, avec la ministre [des Comptes publics] de nombreux éléments de diagnostic" et "la plupart de vos recommandations", a déclaré Eric Lombard, auditionné par cette commission présidée par Eric Coquerel (La France insoumise). "Ce que je souhaite, c'est rétablir la confiance [...] dans la parole budgétaire de l'Etat, mais aussi la confiance dans un dialogue étroit et fécond avec le Parlement", a-t-il assuré, alors qu'il était interrogé sur le plan d'action dévoilé début mars par le gouvernement pour améliorer le suivi et la transparence des prévisions de finances publiques. 

Parmi les mesures de ce plan d'action : la création d'un "cercle des prévisionnistes" qui examinera la pertinence des hypothèses de prévisions et la mise en place d'un "comité d'alerte" associant le Parlement, qui s'est réuni pour la première fois ce mardi matin, avant la prise de parole du Premier ministre, François Bayrou. "On ne se limite pas à une réforme technique. Nous proposons réellement un nouveau paradigme dans le pilotage des finances publiques et nous avons déjà commencé sa mise en œuvre", a souligné Eric Lombard, qui est revenu sur les trois piliers du plan.

Lors de l'audition, plusieurs questions ont été posées aux ministres sur le rôle à venir et la future composition de ce "cercle des prévisionnistes". "L'idée, c'est d'avoir une forme d'intelligence collective qui allie la recherche académique, le secteur privé ou parapublic d'instituts de recherche comme l'OFCE", a expliqué Amélie de Montchalin. "L'enjeu, c'est d'améliorer la capacité des prévisionnistes, notamment de nos ministères, d'avoir des prévisions les plus fiables et les plus enrichies possible de l'expertise de leurs collègues", a-t-elle ajouté. Une première réunion se tiendra le 20 mai à Bercy pour examiner les écarts constatés en 2024 et une seconde en juillet pour cette fois anticiper "l'année à venir" et "bien calibrer les modèles". 

La ministre a également rappelé que les administrations se réunissaient désormais tous les mois sur ce sujet : "Il n'est pas question de déficit caché, pas d'avoir un débat uniquement sur les écarts de prévisions, mais bien de nous rappeler que nous sommes ici car nous devons aux Français un pilotage des finances publiques qui soit à la hauteur de leurs engagements, des impôts qu'ils paient", a-t-elle insisté.

Une responsabilité technique ou politique ?

Le rapport de la commission d'enquête sur les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 et 2024, publié ce mardi 15 avril, mentionne le "dérèglement des modèles" de prévisions de Bercy dans un contexte de crise inflationniste, qui s'est traduit par des recettes plus faibles qu'escompté de plus de 60 milliards d'euros en 2023 et 2024. Il souligne aussi des "biais" dans l'élaboration de certaines "prévisions de moyen terme" et, "dans une moindre mesure, des raisons tenant aux comportements des administrations chargées de la prévision".

Mais la question d'une responsabilité politique dans ces écarts de prévisions ne fait pas l'unanimité. Les avis divergent, que ce soit entre les deux co-rapporteurs Eric Ciotti (UDR) et Mathieu Lefevre (Ensemble pour la République), le président de la commission Eric Coquerel (LFI) ou encore le rapporteur général du budget Charles de Courson (Liot). 

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"Si c'est des erreurs techniques, quelles sanctions disciplinaires vont être prises contre les responsables de ces erreurs ?", a pour sa part lancé le député Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement national), dénonçant un "maquillage de comptes de grande ampleur". La socialiste Christine Pirès-Beaune a, elle, estimé que "s'arrêter sur une analyse des problèmes techniques des modèles, c'est juste l'arbre qui cache la forêt", car "le vrai problème, c'est l'analyse des politiques économiques".

Pour Amélie de Montchalin, "il y a surtout une question de méthode". Selon elle, "la technique doit être plus regardée et le politique réagir de manière plus régulière". "Si on allie ces deux composantes, on se donne les moyens collectivement de faire face à d'autres périodes très volatiles où les modèles n'ont pas forcément de biais mais où la pratique de décisions n'est pas adaptée à un monde qui change aussi vite", a estimé la ministre. 

Le "rêve" du ministre Eric Lombard

Cette dernière est d'ailleurs revenue sur les récentes modifications annoncées sur le budget 2025 : "Ces cinq milliards de mesures de refroidissement, c'est trois milliards d'annulation et deux milliards de gel supplémentaires", a-t-elle indiqué, assurant que le gouvernement était "dans les stricts étiages permis par la LOLF [la loi organique relative aux lois de finances]"

"Je suis assez rétif sur ce procédé à coups de gels et surgels qui permet de ne pas faire de PLFR" et d'arriver à un "budget exécuté" qui "n'a plus aucun rapport avec le budget voté" par le Parlement. Et ce, "sans que l'Assemblée a pu en débattre et en discuter, y compris éventuellement sur de nouvelles recettes", a réagi Eric Coquerel (LFI), qui propose qu'un budget ne puisse plus passer par un 49.3. "Le vote de la loi est une prérogative" du Parlement, a également tenu à insister Christine Arrighi (Ecologiste et Social).

L'audition des ministres a duré deux heures. En vue du budget 2026, "nous allons travailler dans le dialogue", a assuré le ministre Eric Lombard, qui a parlé de "totale transparence" envers le Parlement. "C'est notre engagement et notre devoir", a-t-il précisé. Avant de faire un "rêve [...] assez ambitieux", à savoir "une loi de finances [2026] votée par une majorité, car nous aurons trouvé le bon point d'équilibre répondant aux nécessités de notre pays".