"Il y a urgence à passer à cette phase sur la mise en œuvre de nos dispositifs sur l'entrisme", plaide Laurent Nuñez à l'Assemblée

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Laurent Nunez LCP 18/11/2025
Le ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez, à l'Assemblée nationale, le 18 novembre 2025 (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Mercredi 19 novembre 2025 à 05:30

Auditionné par la commission d'enquête "sur les liens existants entre les représentants de mouvements politiques et des réseaux propageant l’idéologie islamiste", mardi 18 novembre, le ministre de l'Intérieur a jugé qu'il y avait "urgence" à "aller plus loin" dans la mise en place de mesures destinées à lutter contre l'entrisme. Tout en reconnaissant que cette phase serait "extrêmement compliquée", aussi bien sur le plan juridique que pédagogique.

"On a traité le terrorisme, on a traité le séparatisme, maintenant on s'attaque à l'entrisme." Auditionné mardi 18 novembre par les députés de la commission d'enquête "sur les liens existants entre les représentants de mouvements politiques et des organisations et réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste", le ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez, a jugé "indispensable" de trouver une voie pour limiter les effets de l'entrisme, "quelque chose de plus pernicieux, de sournois" que le séparatisme. Ce qui rend les dispositifs juridiques mis en place au cours des deux premières phases "très difficiles à appliquer", selon le locataire de la place Beauvau. Or, "il est important d'apporter une réponse claire nette et précise sur ceux qui peuvent laisser entendre que la charia puisse s'appliquer en France", a-t-il martelé.

L'entrisme vise à endosser les habits de la République, respecter les codes, les valeurs, mais au bout du bout, à imposer une loi religieuse. Laurent Nuñez, ministre de l'Intérieur

Selon l'ancien directeur général de la sécurité intérieure, le gouvernement est encore en "réflexion" sur les moyens de limiter les effets de l'entrisme dans la société, et envisage une "initiative législative supplémentaire". Mais au lendemain de la publication d'un sondage Ifop pour la revue Ecran de veille largement cité par les députés lors de l'audition, selon lequel 38 % des Français musulmans "approuvent tout ou partie des positions islamistes", Laurent Nuñez a redit la nécessité de s'attaquer à l'entrisme, en jouant sur trois piliers : donner davantage d'agilité aux services de renseignement, disposer de possibilités d'incrimination pénale et avoir la possibilité de dissoudre des structures.

 

Selon le ministre de l'Intérieur, un travail de réflexion est notamment en cours pour déterminer la possibilité d'avoir une lecture extensive d'une des finalités pouvant légalement justifier le recours à des techniques de renseignement. Dans cas contraire, un texte de loi permettrait de créer une finalité dédiée à l'entrisme, a-t-il indiqué, conscient du caractère sensible d'une telle évolution.

Parmi les autres mesures qui manquent à l'arsenal législatif, Laurent Nuñez a également pointé "un motif qui nous permette de dissoudre [des structures] au motif de l'entrisme". "Il nous manque aussi une mesure de gel des avoirs pour des agissements liés à ces motifs de dissolution. au même titre que la possibilité de dissoudre des fonds de dotation pour des motifs liés à l'entrisme." Par ailleurs, l'ex-préfet de police de Paris a soumis l'idée de confier un avis conforme au préfet sur les permis de construire de lieux de culte qui "pourraient poser problème".

Faire primer les "valeurs de la République"

Tout au long de son audition, Laurent Nuñez a insisté sur la nécessité de maintenir la "cohésion nationale" en faisant preuve de "pédagogie". "La phase dans laquelle on s'engage va être extrêmement compliquée pour essayer de faire comprendre que ce qu'on veut faire primer, c'est le respect des valeurs de la République et le vivre-ensemble. Et ce que l'entrisme attaque, c'est ça", a-t-il développé, appelant à ne pas "braquer tous nos compatriotes musulmans". "On ne réussira pas notre combat sur l'entrisme si on relit ça à la violence. (...) Il faut faire attention aux mots qu'on emploie", a-t-il soutenu.

"Il reste des choses à faire. C'est compliqué juridiquement et dans les explications qu'il faut apporter. Mais je suis convaincu qu'il y a un chemin, et c'est indispensable", a souligné le ministre de l'Intérieur. "On ne grandit pas en bafouant les règles de la République qui doivent s'imposer en toutes circonstances."