Immigration : face à un "gouvernement obstinément défavorable", les députés LR retirent leur proposition de loi constitutionnelle

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Eric Ciotti, le 7 décembre 2023, à l'Assemblée nationale. LCP
Eric Ciotti, le 7 décembre 2023, à l'Assemblée nationale. LCP
par Maxence KagniLéonard DERMARKARIAN, Soizic BONVARLET, le Jeudi 7 décembre 2023 à 20:57

Après avoir vu supprimées ou modifiées les principales dispositions de leur proposition de loi constitutionnelle, les députés "Les Républicains" ont décidé de la retirer jeudi soir. Le texte proposait notamment de réviser la Constitution pour permettre l'organisation de référendums sur les questions migratoires.

Retirée. La proposition de loi constitutionnelle des "Républicains" "relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l’immigration et à l’asile", défendue durant la journée d'initiative parlementaire des députés LR, n'aura pas été examinée jusqu'à son terme. La décision a été prise peu avant 20 heures par Olivier Marleix, le président du groupe.

"Depuis huit heures, nous avons vu dans cet hémicycle se constituer une majorité", la même, selon lui, qui a "[défait] et [détricoté] savamment, tranquillement le [projet de loi] Immigration voté par le Sénat" a-t-estimé. Olivier Marleix, a critiqué un "gouvernement obstinément défavorable" et un "étrange attelage" de Renaissance et des groupes d'opposition de gauche, hostiles aux mesures préconisées par les députés LR.  

"Intérêts fondamentaux de la nation"

Le texte, défendu par le président des "Républicains" Éric Ciotti, visait selon son auteur à mettre un terme à une "immigration de masse, incontrôlée et dont les flux ne cessent de s'accélérer".

Pour ce faire, il souhaitait permettre l'organisation de référendums sur les questions migratoires (une disposition non prévue par la Constitution à l'heure actuelle), instaurer une politique de quotas migratoires annuels (article 6), supprimer le droit du sol à Mayotte, ou modifier les processus de dépôt de demandes d'asile, en autorisant le dépôt de ces dernières depuis les représentations diplomatiques et consulaires françaises (article 8).

"Les jurisprudences des cours françaises et européennes ont multiplié les hypothèses et permis aux étrangers de bénéficier d'un véritable droit au séjour quasiment constitutionnellement garanti", a défendu en ouverture des débats Eric Ciotti à la tribune de l'Assemblée nationale. Les députés Les Républicains proposaient donc de réviser la Constitution afin de "sauvegarder" les "intérêts fondamentaux de la Nation", en permettant à certaines lois de prévaloir sur le droit européen et les engagements internationaux de la France.

"Double Frexit"

Avant son retrait en début de soirée, le gouvernement, représenté par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, avait longuement critiqué le texte des Républicains. "Vous promettez des résultats que votre proposition est évidemment incapable de rendre possible", avait déclaré Gérald Darmanin, selon qui le texte aurait pour conséquence un "double Frexit", "européen" et "constitutionnel". "Si vous voulez changer l'Europe, il faut gagner les élections européennes", avait ironisé le ministre de l'Intérieur.

Dans le même temps, Gérald Darmanin a enjoint les députés Les Républicains à voter en faveur du projet de loi "pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration", dont l'examen en séance publique démarre lundi dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Mercredi, lors d'une conférence de presse, Eric Ciotti avait affirmé que les députés de son groupe ne voteraient pas en faveur du texte tel qu'il a été adopté en commission des lois.

"Il ne faut pas modifier la Constitution, il faut voter le texte du gouvernement", a répondu Gérald Darmanin, évoquant notamment la fixation d'objectifs chiffrés pluriannuels d'immigrations non contraignants ou encore l'instauration d'un examen de français pour obtenir un titre de séjour. La députée Renaissance Marie Lebec a elle aussi pris la défense d'un "texte de compromis" à l'approche "réaliste, responsable et équilibrée".

Plusieurs députés ont dénoncé la teneur du texte des Républicains : "Pourquoi courez-vous derrière les idées du Rassemblement national ?", a demandé Erwan Balanant (Démocrate). "L'extrême droite implante son vocabulaire et ses cadres de pensée au sein de la droite républicaine", a ajouté l'élue socialiste Cécile Untermaier. La députée RN Edwige Diaz a préféré manier l'ironie : "Le groupe Rassemblement national se réjouit qu'une fois encore Les Républicains rejoignent les idées de Marine Le Pen après les avoir pourtant publiquement méprisées."

Un texte largement remanié, menant à son retrait

L'Assemblée nationale a finalement remanié ou modifié dans les grandes largeurs le texte d'Eric Ciotti. Par plusieurs amendements, les députés ont par exemple réécrit l'article 1er du texte, supprimé le mot "race" de la constitution, interdit toute discrimination entre les femmes et les hommes ou garanti dans la Constitution la "préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique".

Si certains articles ont été remaniés, modifiant la substance du texte, celui-ci a aussi été évidé par la suppression ou le rejet d'articles-phares du texte. L'article 6 a ainsi été supprimé par des amendements identiques portés aussi bien par les députés écologistes que le Rassemblement national, hostiles à la mise en place de quotas migratoires - l'article 8 a subi le même sort. L'article 7, censé permettre l'expulsion de "tout ressortissant étranger qui représente une menace pour la sécurité publique ou qui a été condamné à une peine d’emprisonnement est éloigné du territoire national", n'a quant à lui pas été adopté. L'évidage de l'essentiel du texte défendu a donc mené le président du groupe LR à l'Assemblée nationale au retrait.