Les principaux enjeux de la réforme de la justice pénale des mineurs, que les députés s'apprêtent à voter

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Le ministre de la justice en février 2021
Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux ministre de la Justice, lors d'une réunion à Strasbourg en février 2021
Abdesslam Mirdass / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
par Raphaël Marchal, le Lundi 15 février 2021 à 15:04, mis à jour le Lundi 15 février 2021 à 21:38

Le projet de loi portant réforme de la justice pénale des mineurs a fait l'objet d'un accord entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire le 4 février. Le texte doit être adopté ce mardi par l'Assemblée nationale. LCP revient sur les principaux axes de la réforme, qui entrera en vigueur en septembre 2021.

Ce ne devrait être qu'une formalité. Ce mardi 16 février, les députés voteront le projet de loi portant réforme de la procédure pénale des mineurs. Le texte a fait l'objet d'un accord entre députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire le 4 février. Les parlementaires se sont notamment entendus sur un report de l'entrée en vigueur de la réforme, pour la fin septembre 2021. Initialement, cette date avait été fixée au 31 mars 2021.

Cet accord a été salué lundi 15 février dans l'hémicycle par le garde des Sceaux. "Ce consensus montre l'implication de tous et démontre notre capacité à enjamber les clivages lorsque l'essentiel est en jeu : l'avenir de nos enfants", s'est félicité Éric Dupond-Moretti, qui a rappelé la portée "historique" du texte. Le ministre de la Justice s'est en outre engagé à faire "tout ce qui est en [s]on pouvoir" pour faciliter l'application de la réforme.

Le projet de loi ratifie l'ordonnance gouvernementale du 11 septembre 2019 "portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs". L'ambition de l'exécutif était d'acter la refonte de l'ordonnance de 1945 sur la justice pénale des mineurs, texte fondateur devenu illisible au fil de la quarantaine de modifications qu'il a subies.

Le défi était de taille : consacrer les principes fondamentaux de cette ordonnance de 1945 - primauté de l'éducatif sur le répressif, atténuation de la peine, spécialisation des acteurs - tout en permettant le désengorgement des instances. Pour ce faire, le texte généralise le principe d'une "césure pénale". Une première audience portant sur la culpabilité du mineur concerné devra nécessairement avoir lieu dans un délai maximal de trois mois après les faits. Une période de mise à l'épreuve éducative sera ouverte à compter de cette première étape. Une seconde audience prévoyant le prononcé de la sanction devra être organisée dans un délai compris entre six et neuf mois. Une audience unique regroupant ces deux procédures pourra également être mise en œuvre, sous conditions.

Est capable de discernement le mineur qui a compris et voulu son acte et qui est apte à comprendre le sens de la procédure pénale dont il fait l’objet. Article 1er ter A du projet de loi

Le texte instaure par ailleurs un seuil de responsabilité pénale à 13 ans. Pour autant, le juge, s'il l'estime nécessaire, pourra engager des poursuites pénales contre un mineur de moins de 13 ans, en motivant sa décision. Sur proposition du Sénat, les parlementaires ont d'ailleurs introduit la définition de "discernement" directement dans le texte, comme l'a expliqué Jean Terlier (LaREM).

Les députés écartent une motion de rejet préalable du groupe LFI

La réforme a été dénoncée par les députés de l'opposition situés le plus à gauche de l'hémicycle, et notamment par La France insoumise, qui avait déposé une motion de rejet préalable. "Cette réforme vient consacrer une vision technocratique de la justice de gestion des flux", a dénoncé Ugo Bernalicis, qui a défendu la motion. "On est extrêmement loin du compte", s'est désolé l'élu du Nord, qui a regretté l'importance prise par le tribunal de police. Ce dernier sera en effet compétent concernant les contraventions des quatre premières classes commises par les  mineurs.

Après le rejet de cette motion, Danièle Obono (LFI) a rappelé l'opposition d'une partie de la profession à la réforme. "Cette réforme n'est engagée que sur des objectifs comptables. C'est de magistrats et de moyens dont la justice des mineurs manque", a-t-elle ajouté. Une vision partagée par Stéphane Peu (Parti communiste), qui a également fait part de son opposition à un texte qui "rapproche la procédure pénale des mineurs de celle des adultes". Selon lui, les délais prévus dans le cadre de la procédure de césure sont "irréalisables" en l'état, ce qui devrait pousser les parquets à multiplier les audiences uniques.

Les députés Les Républicains comme les élus socialistes ont indiqué leur volonté de voter en faveur du texte, tout en émettant quelques réserves. "Le compte n'y est pas", a ainsi regretté Antoine Savignat (LR), tout en soulignant le caractère "nécessaire" de la réforme. Pour le député, le texte représente un "premier pas", notamment concernant le raccourcissement des procédures.

De son côté, Cécile Untermaier (PS) a dit retrouver les "lignes directrices" de l'ordonnance de 1945, tout en déplorant l'absence d'ambition du projet de loi. Elle a fait part de sa satisfaction sur certains points précis de la procédure, comme sur le maintien du rôle du juge des libertés et de la détention dans la décision de la détention provisoire, ou sur le report de l'entrée en vigueur de la réforme. Là encore, la députée a insisté sur la nécessité de renforcer les moyens humains et matériels de la justice des mineurs afin que la réforme puisse être appliquée.

Valérie Six (Union des démocrates et indépendants) a pour sa part indiqué que son groupe serait particulièrement attentif à la mise en œuvre du texte. Elle a estimé que le rapport évaluant l'application de la réforme, que le gouvernement devra remettre au Parlement en septembre 2023, pourrait être l'occasion d'une "clause de revoyure" afin d'adapter certaines dispositions.