La proposition de loi portant "fin du maintien à vie dans le logement social", déposée à l'Assemblée nationale par l'ex-ministre du logement Guillaume Kasbarian (Ensemble pour la République) a été rejetée en commission, après avoir été vidée de sa susbstance par une addition des voix de la gauche, du Rassemblement national, et du groupe LIOT. Le rapporteur du texte, Stéphane Vojetta (apparenté EPR), a déploré cette issue alors que le texte était selon lui destiné à "promouvoir une certaine idée de la justice sociale".
Rejetée, sur demande de son rapporteur lui-même. En commission des affaires économiques, l'examen de la proposition de loi portant "fin du maintien à vie dans le logement social" a été expédié plus vite que prévu, suite à l'adoption d'amendements de suppression de ses principaux articles. Stéphane Vojetta (apparenté Ensemble pour la République), qui défendait le texte, a lui-même appelé à le rejeter, estimant qu'il s'était converti en un dispositif "vide et inopérant".
Le député espérait pourtant, par la défense de ce texte déposé par l'ex-ministre du Logement redevenu député Guillaume Kasbarian (Ensemble pour la République), "promouvoir une certaine idée de la justice sociale". Alors que près de 2,8 millions de personnes sont actuellement en attente d'un logement social, Stéphane Vojetta a expliqué que le coeur du texte résidait dans la volonté de favoriser "une plus grande rotation" au sein du parc HLM.
La proposition de loi prévoit ainsi de renforcer "les critères qui déterminent la fin du droit au maintien dans les lieux", en étendant le périmètre d’application de l’obligation d’examen périodique de la situation des locataires et en abaissant le seuil de libération du logement pour cause de dépassement des plafonds de ressources. Actuellement, si pendant deux années consécutives, les revenus de l'occupant excèdent 1,5 fois le revenu maximum pour obtenir un logement social, il voit son bail résilié. Le texte propose d’abaisser ce plafond à 1,2 fois le revenu maximum de référence.
En outre, si un bailleur social découvre qu’un de ses locataires est propriétaire d’un logement "adapté à ses besoins, ou susceptible de lui procurer des revenus suffisants pour accéder à un logement du parc privé", le texte prévoit qu'il pourra mettre fin à son bail au terme d’un délai de six mois à compter du 1er janvier de l’année suivant la prise de connaissance de cette situation.
Par ailleurs, une autre mesure de la proposition de loi consiste à renforcer le "mécanisme de supplément de loyer de solidarité (SLS), également appelé complément de loyer" auquel sont assujettis certains locataires. Aujourd’hui, ce surloyer est dû par un ménage lorsque le total des revenus des personnes habitant le logement social dépasse d'au moins 20 % le plafond de ressources conditionnant l'attribution de celui-ci. Le texte revoit à la baisse cette obligation, en disposant que le locataire devra s'exonérer d'un surloyer dès le premier euro de dépassement de ce plafond.
"Ce que vous propose ce texte n'est ni de gauche, ni de droite, car il propose que la solidarité de la nation incarnée dans ce parc HLM bénéficie à ceux qui en ont le plus besoin", a aussi fait valoir Stéphane Vojetta, donnant notamment l'exemple d'"un salarié vivant à Saint-Denis", qui selon les critères établis par la proposition de loi, "devrait quitter son logement social à partir d'un salaire net de 3800 euros nets par mois, pour un célibataire". "On parle de personnes qui ont réussi (...) et qui peuvent donc se loger par leurs propres moyens", a aussi estimé le rapporteur, se défendant de la volonté de "punir, stigmatiser, ou culpabiliser quiconque".
"Encore une fois, plutôt que de régler les problèmes structurels, vous choisissez de stigmatiser les locataires, en instaurant une suspicion de fraude et en présentant ces gens comme des privilégiés", a dénoncé Thomas Portes (La France insoumise) lors de la discussion en commission. "Selon la Fédération des offices publics de l'habitat (FOPH), environ 15 000 familles risqueront l'éviction, soit un chiffre dérisoire au regard de l'ampleur de la demande", a fait valoir le député à l'unisson de son collègue Iñaki Echaniz (Socialistes), ce dernier fustigeant un texte "stigmatisant et culpalbilisant" et revêtant, selon lui, le caractère de "l'arbre qui cache la forêt".
Cessez de stigmatiser les habitants des logements sociaux, et construisez des logements sociaux. Thomas Portes (La France insoumise)
Et François Ruffin (Ecologiste et social) de surenchérir en qualifiant le texte de "cache-misère" et en critiquant "l'absence de politique sur le logement social". Constat partagé par sa présidente de son groupe, Cyrielle Chatelain (Ecologiste et social), qui a pointé "la chute historique de la construction" dans l'habitat social, tandis que Stéphane Peu (Gauche démocrate et républicaine) a reproché aux promoteurs du texte "d'opposer les gens modestes à ceux qui sont un peu plus pauvres".
Si le groupe du parti présidentiel a pu compter sur le soutien de la Droite républicaine, Thibault Bazin (DR) ayant estimé que les mesures proposées répondaient à "une question de justice sociale", l'opposition du Rassemblement national a fini d'enterrer le texte, du moins en commission. Frédéric Falcon (RN) a ainsi fustigé "une proposition de loi qui menace lourdement les classes moyennes". "En macronie on préfère expulser les gens qui travaillent, qui ont le tort de tenter d'améliorer leurs revenus, sans inquiéter la racaille", a poursuivi le député, évoquant les "fauteurs de troubles, délinquants, trafiquants de drogue qui pourrissent la vie des habitants des quartiers".
Outre l'opposition de la gauche et du Rassemblement national, de sérieuses réserves ont été formulées par d'autres groupes. Mickaël Cosson (Les Démocrates) et Harold Huwart (LIOT) considérant que la proposition de loi risquait de mettre à mal la mixité sociale. Un manque de soutien qui a eu raison de la proposition de loi par l'adoption des amendements de suppression proposés par la gauche à l'issue de scrutins serrés. L'amendement de suppression de l'article 1er ayant été adopté par 14 voix "pour" et 14 voix "contre", tandis que celui concernant l'article 2 l'a été par 13 voix "pour" et 13 voix "contre".
Malgré cette issue défavorable en commission, le texte devrait être examiné la semaine prochaine dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, puisqu'il est inscrit à l'ordre du jour. En attendant, ce mardi soir, il a donné lieu à une passe d'armes sur X entre son auteur, Guillaume Kasbarian, et la ministre déléguée à la Ville, Juliette Méadel. Celle-ci a salué, sur le réseau social, le rejet du texte : "Les habitants des quartiers demeurent défavorisés socialement et s'ils vivent un peu mieux tant mieux pour le quartier ! Nous voulons de la mixité sociale, pas des ghettos !" Et le député de rétorquer : "Une ministre qui défend le maintien de ménages aisés dans le logement social au détriment de ceux qui en ont besoin. Une ministre qui se réjouit du rejet d’une proposition du socle commun soutenue par Matignon. Assistez aux réunions interministérielles ou démissionnez".