La loi visant à "lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur", dite "Duplomb", divise l'Assemblée nationale, notamment sur la réintroduction à titre dérogatoire d'insecticides néonicotinoïdes. En réponse aux nombreux amendements déposés par les écologistes et insoumis, les groupes du socle gouvernemental ont déposé une motion de rejet tactique. Une Conférence des présidents a été convoquée à 15h, ce lundi 26 mai, pour faire le point et tenter de trouver un accord qui permette un véritable débat sur le texte.
L'examen de la proposition de loi dite "Duplomb", visant à "lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, doit débuter en fin d'après-midi, ce lundi 26 mai, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.
Mais des discussions étaient encore en cours à la mi-journée. La raison ? Face aux plus de 3 500 amendements déposés (dont 1 500 par les députés écologistes et 800 par les députés insoumis), les partisans du texte, dénonçant l'obstruction, semblaient avoir trouvé une parade. Faire voter une motion de rejet préalable, défendue par le rapporteur du texte au Palais-Bourbon, Julien Dive (apparenté Droite républicaine), et l'ensemble des présidents de groupe du "socle commun". Et ainsi renvoyer la proposition de loi directement en commission mixte paritaire - le texte, examiné en procédure accélérée, ayant déjà été voté au Sénat.
Sauf que les choses ne se sont pas arrêtées là. Selon nos informations, des échanges dominicaux ont eu lieu entre plusieurs groupes parlementaires, "Ecologiste et social" ainsi que "La France insoumise" notamment, et la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, pour que le débat puisse avoir lieu. D'autant plus que "constitutionnellement, la motion de rejet pourrait poser une difficulté", note-t-on du côté de l'Hôtel de Lassay, puisqu'elle pourrait être considérée comme une manière de court-circuiter le débat parlementaire, si des amendements étaient finalement retirés au cours de l'examen. Yaël Braun-Pivet a également eu le Premier ministre, François Bayrou, au téléphone pour évoquer le dossier.
Les discussions en cours portent sur un retrait d'amendements et l'utilisation du temps législatif programmé - d'une durée de 15 heures - contre un retrait de la motion de rejet. Aboutiront-elles ? Une Conférence des présidents a été convoquée à 15 heures pour faire le point.
Quand on est pour le texte et qu'on trouve à faire 1 000 amendements, ce n'est pas étonnant que quand on est contre, on arrive à en faire 1 500. Ce texte est mauvais. Cyrielle Chatelain (présidente du groupe ecologiste et social)
Le temps programmé "est une procédure qui vise à contraindre" les débats parlementaires, "mais on y est prêt", explique à LCP la présidente du groupe "Ecologiste et social", Cyrielle Chatelain, pour qui "un débat est mieux que pas de débat". Elle avance une seconde option : "On discute d'un retrait d'amendements au sein de chacun des groupes. Chacun fait un effort. C'est nous qui en retirerons le plus." Et de pointer du doigt les quelque 1 000 amendements déposés par les partisans du texte : "Quand on est pour le texte et qu'on trouve à en faire autant, ce n'est pas étonnant que quand on est contre, on arrive à en faire 1 500. Ce texte est mauvais". Pour Cyrielle Chatelain, le sujet n'est pas le nombre d'amendements, mais "les sujets abordés" : "Le gouvernement préférerait que la discussion n'ait pas lieu, parce qu'ils sont mal à l'aise avec certains débats."
"On en est à essayer de contrer une manœuvre et un coup de force anti-démocratique utilisé par le bloc présidentiel", qui "veut revenir à la version de la droite dure, sans même un seul débat en hémicycle" déplore, quant à elle, la présidente de la commission des affaires économiques, Aurélie Trouvé (La France insoumise), spécialiste des sujets agricoles, jugeant qu'un temps programmé de 15 heures n'est pas suffisant sur un tel texte.
Qu'en pense-t-on de l'autre côté de l'échiquier politique ? "Un parlementaire devrait préférer le débat", estime pour sa part le président du groupe Horizons, Paul Christophe. "Le nombre exagéré d'amendements déposés constitue une manœuvre d'obstruction à l'examen du texte que nous essayons de surmonter. Cela passe soit par une motion de rejet et un renvoi en CMP, soit par un temps législatif programmé", complète-t-il. Son homologue du groupe Les Démocrates, Marc Fesneau, se dit également favorable à la proposition de Yaël Braun-Pivet de mettre en place un temps législatif programmé. Mais à une condition. "Je suis prêt à accepter tout compromis qui assure que le texte ira bien au bout. Ça veut dire retrait de milliers d'amendements et acceptation d'un temps législatif programmé de 15 heures", souligne l'ancien ministre de l'Agriculture.
Autre écueil : retirer des amendements en plus d'accepter un temps législatif programmé n'apparaît pas satisfaisant pour les groupes insoumis et écologistes. "Ça n'a pas de sens !", rétorque Aurélie Trouvé (LFI) : "A partir du moment où le temps est contraint, on sera obligé de nous-mêmes de ne pas défendre la plupart de nos amendements." Un avis partagé par Cyrielle Chatelain (Ecologiste et social) : "Les retraits en amont ne font aucun sens. Le temps programmé nécessite de s'auto-contraindre, donc il y aura forcément des amendements qui ne seront pas défendus."
Egalement sollicité par LCP sur ces derniers échanges, le rapporteur du texte, qui a déposé la motion de rejet, Julien Dive (apparenté Droite républicaine) parle, lui, de "combine". Est-il favorable à la tentative d'accord actuellement en négociations ? "Pas vraiment." Alors, le débat tournera-t-il court, ou aura-t-il vraiment lieu, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale ? Réponse vers 15h, à l'issue de Conférence des présidents.