La proposition de loi visant à "lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur" est inscrite à l'ordre du jour de l'hémicycle de l'Assemblée nationale à partir de ce lundi 26 mai. Le texte prévoit notamment la réintroduction à titre dérogatoire d'un insecticide de la famille des néonicotinoïdes. Face à l'opposition annoncée des écologistes et des insoumis, qui ont déposé de nombreux amendements, les partisans du texte ont décidé de présenter une motion de rejet afin d'envoyer directement le texte en CMP.
Sur fond de mobilisation des agriculteurs, la proposition de loi visant à "lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur" est inscrite, à partir de ce lundi 26 mai, à l'ordre du jour de l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Les débats pourraient cependant tourner court, les partisans du texte ayant déposé une motion de rejet préalable destinée à éviter la bataille d'amendements dans laquelle les députés des groupes "Ecologiste et social" et "La France insoumise" avaient décidé de se lancer. Samedi, le rapporteur de la proposition de loi, Julien Dive (apparenté Droite républicaine) a dénoncé un "mur d'obstruction".
Si la motion de rejet est votée en début de discussion, les débats cesseront immédiatement et le texte sera considéré comme rejeté, ce qui aura pour effet... d'accélérer le processus législatif. Déjà été adopté au Sénat, il sera directement renvoyé à une commission mixte paritaire (CMP) au sein de laquelle sept députés et sept sénateurs tenteront de trouver un accord entre les deux Chambres du Parlement.
D'initiative sénatoriale, la proposition de loi a été adopté en janvier dernier au Palais du Luxembourg. Elle avait été présentée par Laurent Duplomb (Les Républicains) et Franck Menonville (Union centriste). Elle est depuis couramment appelée "loi Duplomb", sénateur et ancien président FNSEA de la chambre d’agriculture de Haute-Loire.
Une mesure est particulièrement controversée, au point d'avoir quelque peu invisibilisé le reste du texte sur le plan médiatique : la réintroduction, à titre dérogatoire, de l'acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes. Du fait des risques de toxicité pour les pollinisateurs, cet insecticide est interdit en France depuis 2018, mais encore autorisé ailleurs en Europe, ce qui entraîne une concurrence déloyale au sein même de l'espace communautaire, expliquent les défenseurs de la disposition.
Ils avancent les difficultés majeures rencontrées par certaines filières, en l'absence de produits de substitution, notamment concernant la production de noisettes, de betteraves ou de kiwis, pour justifier de cette réintroduction, à laquelle le gouvernement est favorable. La proposition de loi "Duplomb" permet également, à ce stade, l'utilisation dérogatoire de deux autres produits apparentés aux néonicotinoïdes, le sulfoxaflore et le flupyradifurone.
Ces produits pourront être autorisées par décret pour une durée de trois ans, sous conditions strictes, a martelé le rapporteur du texte à l'Assemblée, Julien Dive (apparenté DR). "Si l'acétamipride reste autorisé au niveau européen jusqu'en 2033, c'est pour des raisons identifiées par les scientifiques, qui la jugent moins risquée", a expliqué le député de l'Aisne. La mesure a été validée lors de l'examen du texte en commission des affaires économiques.
Une vision battue en brèche par les opposants à cette réintroduction : majoritairement les groupes de gauche, mais également une minorité d'élus de la coalition présidentielle, qui ne se montreront pas tous dans les débats. "Il y a un 'syndrome glyphosate' 2018 chez les députés Ensemble pour la République. Après l'interdiction, beaucoup ont subi une vindicte assez forte", confiait en fin de semaine dernière un élu EPR.
Autre axe majeur du texte : l'utilisation des ouvrages d'eau. La commission saisie au fond (celle du développement durable) sur ce volet de la proposition de loi a résolument transformé le texte en la matière, supprimant la présomption d'intérêt général majeur pour les captages d'eau à vocation agricole, et instaurant un moratoire de 10 ans sur les "méga-bassines". Une "trahison" ont déploré certains syndicats agricoles, FNSEA en tête.
En séance, le rapport de force entre partisans et opposants à cette mesure serait cependant vraisemblablement favorable à un rétablissement de la mesure. Sauf que de nombreux amendements ont été déposés sur l'ensemble de la proposition de loi : environ 3 500 amendements, dont près des deux tiers ont été déposés par les groupes "Ecologiste et social" et "La France insoumise". Avec un risque d'enlisement du texte. D'où le dépôt d'une motion de rejet préalable par les partisans du texte pour court-circuiter ces amendements et tenter ainsi d'accélérer processus législatif.