Loi narcotrafic : le Conseil constitutionnel valide le régime carcéral d'isolement, mais censure quelques articles

Parquet national anti-criminalité organisée, régime carcéral d'isolement prévu pour les narcotrafiquants les plus dangereux, fermeture administrative de locaux commerciaux liés au narcotrafic... Le Conseil constitutionnel a validé, dans une décision rendue ce jeudi 12 juin, l'essentiel des mesures contenues dans la loi visant à "sortir la France du piège du narcotrafic", qui avait été définitivement adoptée fin avril. Le tandem Gérald Darmanin-Bruno Retailleau, respectivement ministre de la Justice et ministre de l'Intérieur, avaient fait de ce texte une priorité destinée à lutter contre le fléau du narcotrafic.

Au total, six articles ont toutefois été partiellement ou totalement censurés par les Sages de la rue de Montpensier. La principale d'entre elles concerne la généralisation du recours à la visioconférence pour la comparution des personnes placées en quartier de lutte contre la criminalité organisée. Le texte de loi prévoyait en effet, pour des raisons de sécurité, que la comparution d'un détenu devant le juge d’instruction, ainsi que les audiences relatives à son placement en détention provisoire, à la prolongation de cette mesure et au contentieux de la détention provisoire, s’effectuent par visioconférence, notamment pour limiter les risques induits par les extractions judiciaires.

"L'intéressé pourrait se voir privé, pendant toute la durée de sa détention provisoire, de la possibilité de comparaître physiquement devant le juge chargé de l’information ou appelé à statuer sur sa détention", pointe le Conseil constitutionnel, qui juge que cette mesure porte une "atteinte excessive aux droits de la défense".

D'autres mesures ont été rabotées par le Conseil. Les Sages ont ainsi validé le principe du "dossier-coffre", ce procès verbal distinct destiné à protéger des éléments de l'enquête en les soustrayant aux avocat, à condition qu'ils ne servent qu'à orienter l’enquête, et non à fonder une condamnation. En revanche, il se sont opposés à ce qu'une condamnation, à titre exceptionnel, puisse être prononcée sur le fondement de tels éléments, en raison du respect du contradictoire.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel s'est opposé à l'extension d'une technique utilisée par certains services de renseignement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Depuis 2015, les services peuvent ainsi recourir à la technique du renseignement algorithmique, qui permet d'aspirer des données de connexion en masse sur l’ensemble de la population. En 2021, cette technique avait été étendue aux adresses URL des sites visités sur le web, sans que cette extension n'ait été jusqu'à maintenant examinée par le Conseil constitutionnel. Ce dernier a non seulement censuré l'utilisation globale de cette technique dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée, mais il a également censuré l'extension aux URL dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, faute d'encadrement suffisant. C'est donc coup double pour les opposants à cette technique.

Enfin, parmi les autres mesures censurées ce jeudi, figure l'accès direct aux services de renseignement aux bases de données fiscales, jugé trop large, ou encore l'aggravation des peines en cas de port d'arme lors de la commission de certains crimes et délits, jugée disproportionnée.

Réagissant sur X à la décision du Conseil constitutionnel, le ministre de la Justice, Gérald Darmanin a écrit : "Grande avancée pour la sécurité des Français ! Le Conseil constitutionnel valide en grande partie les dispositions relatives à la justice de la loi narcotrafic".