Les députés ont adopté, ce mercredi 7 mai, la proposition de loi relative à "la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine dans l’enseignement supérieur", portée par Constance Le Grip (Ensemble pour la République) et Pierre Henriet (Horizons). L'examen du texte a été émaillé de fortes tensions entre les différents groupes, certains se renvoyant mutuellement la responsabilité de la montée du racisme et de l'antisémitisme.
Après des tensions particulièrement vives lors du premier jour d'examen dans l'hémicycle, mardi 6 mai, de la proposition de loi relative à "la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine dans l’enseignement supérieur", le texte a finalement été largement adopté (131 voix contre 28), ce mercredi après-midi. Tous les groupes politiques ont voté "pour", à l'exception de ceux de "La France insoumise" et de la "Gauche démocrate et républicaine" qui ont voté "contre".
À l'issue de son examen à l'Assemblée, la proposition de loi prévoit d'intégrer la formation à la lutte contre l'antisémitisme et le racisme aux missions des établissements scolaires et d'enseignement supérieur. Cette formation à ces enjeux serait obligatoire pour les enseignants et personnels d'éducation. Le texte renforce aussi les règles en créant une mission "Egalité et diversité" dans chaque établissement, avec une obligation de signalement des actes antisémites pour les présidents d'établissement et l'ensemble des personnels.
C'est la question de l'instance fondée à prononcer des sanctions qui a particulièrement animé les échanges, ce mercredi, dans l'hémicycle. Les rapporteurs, Constance Le Grip (Ensemble pour la République) et Pierre Henriet (Horizons), ont en effet présenté un amendement de rétablissement de l'article 3, supprimé en commission et relatif aux sanctions disciplinaires. Cet article dispose que "dans chaque région académique, une section disciplinaire commune aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel est créée par le recteur de région académique".
Le ministre chargé de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Philippe Baptiste, a précisé que cette commission ne pourrait être saisie que par le président ou directeur d'établissement quand ce dernier ferait le choix de dépayser la procédure disciplinaire et de ne pas la cantonner à l'établissement même. Et le ministre d'évoquer par là-même une disposition "parfaitement conforme à la liberté et à l'autonomie des établissements". Louis Boyard (La France insoumise) a, quant à lui, critiqué une instance "arbitraire" qui n'aurait "aucun cadrage juridique", dont les modalités pourraient être modifiées par décret et donc, d'après lui, servir de bras armé contre les étudiants politisés. Plus spécifiquement, le député LFI a fait référence aux étudiants protestant contre la situation à Gaza, dont les mobilisations risqueraient, selon ses mots, d'être "réprimées", en même temps que le "droit fondamental" à manifester remis en cause.
Caroline Yadan (Ensemble pour la République) a, au contraire, soutenu le rétablissement de l'article, évitant selon elle que des "citadelles idéologiques" constituées au sein de certaines universités ne "soient juge et partie". L'article 3 a finalement été réintégré au texte par l'adoption de l'amendement des rapporteurs.
À Louis Boyard qui reprochait par ailleurs au texte de n'engager aucun moyen pour financer la lutte contre le racisme et l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, le ministre Philippe Baptiste a répondu que "flécher des moyens spécifiquement sur telle ou telle action" reviendrait à remettre en cause l'autonomie des établissements. "Leur attribuer la mission, c'est absolument essentiel, ils devront y répondre, et pour ça, ils bénéficieront d'une enveloppe globale, et c'est à eux de faire les choix et de porter [leur] stratégie", a aussi expliqué le ministre.
"Il n'est pas possible de déconnecter les sujets que nous avons évoqués collectivement depuis hier de la question des moyens", a estimé Emmanuel Grégoire (Socialistes), qui a cependant voté la proposition de loi. "À droit constant, si les universités disposaient de plus de moyens, elles pourraient infiniment mieux et plus lutter contre l'antisémitisme, le racisme et les discriminations", a-t-il néanmoins insisté.
D'abord présenté et adopté au Sénat, le texte - initialement dédié à "la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur" et dont le champ a donc été élargi à l'Assemblée nationale - va maintenant faire l'objet d'une commission mixte paritaire (CMP) pour tenter d'élaborer une version commune aux deux Chambres du Parlement.