Mayotte : en commission, les députés s'opposent à l'extension de l'aide médicale de l'État au département français de l'océan Indien

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Estelle Youssouffa LCP 07/05/2025
La députée LIOT Estelle Youssouffa, le 7 mai 2025 (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Mercredi 7 mai 2025 à 12:40

Les députés de la commission des affaires sociales ont majoritairement voté contre la proposition visant à "étendre l’aide médicale de l’Etat à Mayotte", ce mercredi 7 mai. "Mayotte est le seul territoire français où l’AME n’est pas appliquée, mais là où elle est le plus nécessaire", a tenté de convaincre la rapporteure, Estelle Youssouffa (LIOT), lors de la discussion du texte qui sera examiné jeudi 15 juin dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. 

La proposition de loi d'Estelle Youssouffa (LIOT) n'a pas franchi les fourches caudines de la commission des affaires sociales. Ce mercredi 7 mai, les députés de la commission ont majoritairement voté contre le texte, qui sera cependant débattu jeudi 15 mai dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, lors de la journée d'initiative parlementaire du groupe "Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires". Ce texte vise à étendre à Mayotte l'aide médicale de l'Etat (AME), qui permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d'un accès aux soins.

Mayotte est tenue à l’écart du droit commun français, non pas en vertu d’un principe d’adaptation aux besoins locaux, mais au contraire en vertu d’un principe d’immobilisme. Estelle Youssouffa, députée LIOT

Devant la commission, Estelle Youssouffa a multiplié, sans succès, les arguments pointant un "paradoxe" : Mayotte est le seul département français où l'AME ne s'applique pas, alors même que ce territoire "se trouve le plus sous la pression migratoire extraordinaire, essentiellement en provenance des Comores". De fait, l'unique centre hospitalier de l'archipel est "dans un état de crise permanent, car il est engorgé par la prise en charge des étrangers en situation irrégulière", a rappelé l'élue mahoraise. Selon l'Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte, 85 567 patients étrangers y ont été soignés en 2022, contre 93 626 Français.

"Les étrangers sont largement pris en charge gratuitement. Et ceux qui le payent, ce sont les assurés sociaux", a poursuivi Estelle Youssouffa, dénonçant un "scandaleux effet d'éviction". Non seulement les contribuables assument les coûts de la prise en charge des étrangers en situation irrégulière, mais en plus l'engorgement des structures de santé fait que les Mahorais ne peuvent être pris en charge de façon satisfaisante, a-t-elle expliqué substance, citant des situations particulièrement indignes ayant abouti à des problèmes de santé graves, voire à des décès. "L’état de santé de nos concitoyens, déjà dégradé avant le passage du cyclone Chido, est dans un état alarmant. C’est pire qu’avant, et c’était déjà l’enfer médical à Mayotte."

Une aide médicale d'urgence

Plusieurs groupes ont été sensibles aux arguments d'Estelle Youssouffa, sans, pour autant, soutenir le texte. "Nous comprenons votre ras-le-bol. Mais étendre l’AME à Mayotte, c’est accepter la submersion migratoire", a estimé Yohann Gillet (Rassemblement national), qui a plaidé pour la suppression de l’AME au profit d’une aide médicale d’urgence sur l’ensemble du territoire. "La réalité, c’est qu’instaurer l’AME à Mayotte, cela ne fera pas apparaître des médecins comme par magie" a, quant à lui, souligné Fabien Di Filippo (Droite républicaine).

Les groupes parlementaires de la coalition présidentielle se sont également opposés au texte. "Généraliser l’AME à Mayotte constituera un vrai appel d’air, mais n’apportera pas la solution", a estimé l'ex-ministre délégué chargé des Outre-mer, Philippe Vigier (Les Démocrates), qui a défendu la pertinence d'une "loi puissante, financée, pluriannuelle" pour l'archipel. "L'extension de l’AME constituerait une promesse politique irréaliste à ce stade", a lui aussi affirmé François Gernigon (Horizons et indépendants). Un argumentaire qui n'a pas convaincu la rapporteure du texte. "L’appel d’air est déjà là. L'extension de l'AME n'y changera rien", a pointé Estelle Youssouffa.

De leur côté, les groupes de gauche ont soutenu la proposition de loi. Tout en... s'opposant au discours de son auteure. "Notre groupe votera la mise en place de l’AME à Mayotte malgré la virulence de vos propos, les inexactitudes et les biais contenus par le projet de rapport", a déclaré Dominique Voynet (Ecologiste et social). Le texte sera examiné le 15 mai dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, lors de la journée d'initiative parlementaire du groupe LIOT, présidé par Laurent Panifous.