Narcotrafic : les députés valident la création d'un parquet national spécialisé

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Gérald Darmanin, le 18 mars 2025.
Gérald Darmanin, le 18 mars 2025. LCP
par Maxence Kagni, le Mercredi 19 mars 2025 à 06:00

L'Assemblée nationale a approuvé, dans la nuit de mardi à mercredi 19 mars, l'article 2 de la proposition de loi visant à "sortir la France du piège du narcotrafic", qui crée un parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco). Celui-ci sera, selon Gérald Darmanin, la "clé de voûte" du dispositif mis en place par l'Etat pour renforcer la lutte contre le trafic de stupéfiants. L'examen de la proposition de loi se poursuivra à partir de ce mercredi après-midi. 

Les députés se prononcent en faveur de la création d'un parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco) : l'Assemblée nationale a voté, dans la nuit de mardi à mercredi 19 mars, en faveur de l'article 2 de la proposition de loi visant à "sortir la France du piège du narcotrafic" (234 pour, 39 contre, 1 abstention). 

Ce Pnaco, basé sur le modèle du parquet national anti-terroriste, s'occupera des "affaires du haut du spectre" en matière de narcotrafic, c'est-à-dire des affaires qui concernent les personnes les plus dangereuses. Ce parquet, qualifié de "clé de voûte" par le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, aura un "pouvoir d'évocation", c'est-à-dire qu'il pourra choisir lui-même les affaires qu'il traitera. Mardi soir, le ministre de la Justice a précisé qu'il espérait la création effective du Pnaco au début de l'année 2026.

Ce parquet aura aussi pour rôle de "centraliser l'information", a précisé le garde des Sceaux, ainsi qu'une "fonction d'incarnation". "Vous voulez quelqu'un qui fait de belles conférences de presse à la télévision", a raillé Ugo Bernalicis (La France insoumise), dénonçant une "justice spectacle".

Nous avons besoin d'une incarnation de ce procureur ne serait-ce que pour faire de la coopération judiciaire. Gérald Darmanin

"Les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) ne seront pas supprimées", a par ailleurs indiqué Gérald Darmanin, qui a expliqué que celles-ci verraient leur nombre de magistrats renforcé. Créée en 2019, la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (JUNALCO) sera "la première pierre" du Pnaco, a affirmé le ministre de la Justice, qui a ajouté que "le parquet général de Paris sera le parquet d'appel".

Critiqué par LFI

Ce nouveau parquet a été soutenu par l'ensemble des groupes politiques, à l'exception de La France insoumise. Ainsi, Eddy Casterman (apparenté Rassemblement national) a jugé que "face à la menace de mexicanisation de la France", "la riposte de l’Etat nécessite une incarnation et une volonté". Emeline K/Bidi (Gauche démocrate et républicaine) a toutefois mis en garde contre un parquet qui sera "totalement impuissant" s'il n'est pas doté de "moyens suffisants".

Le député La France insoumise Ugo Bernalicis (LFI) a, quant à lui, exprimé l'opposition de son groupe à la création du Pnaco : "La juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée existe déjà et fonctionne", a-t-il déclaré, considérant que l'arrestation récente de Mohamed Amra était due au travail de la Junalco. Ugo Bernalicis, qui s'inquiète de l'enchevêtrement des compétences, estime que le Pnaco pose "plus de questions qu'il n'en résout".

"Portes d'entrées"

Les députés ont adopté plusieurs amendements élargissant les compétences du Pnaco, qui pourra, par exemple, se saisir d'affaires de blanchiment simple, d'escroquerie simple ou d'abus de confiance : ces affaires sont parfois des "portes d'entrées" vers des dossiers de criminalité organisée, a expliqué le rapporteur Vincent Caure (Ensemble pour la République). Par ailleurs, les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) et le parquet national anti-criminalité organisée pourront être co-saisis d'une affaire.

Sous l'impulsion des élus de gauche, l'Assemblée nationale a, en outre, adopté un amendement de Pouria Amirshahi (Ecologiste et social) qui prévoit que le procureur de la République anti-criminalité organisée devra, s'agissant de personnes mineurs, "confier l'exercice des poursuites à un substitut" qui sera "spécialement chargé" de ce type d'affaires.

Nouveau régime de détention

En fin de soirée, les députés ont entamé l'examen des dispositions relatives à la création d'un nouveau régime de détention, réservé aux 700 à 800 personnes les plus dangereuses. Ce régime, "difficile" selon les mots de Gérald Darmanin, entraînera notamment une limitation de l'usage du téléphone, un recours accru à la visioconférence et la mise en œuvre de parloirs par hygiaphone. "Ce régime de détention a fait ses preuves et a eu des résultats positifs dans les pays qui ont pris à bras-le-corps le problème du narcotrafic", a salué Philippe Schreck (Rassemblement national).

Le dispositif a, en revanche, été qualifié de "ligne rouge" par la député communiste Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine), qui a dénoncé une "fabrique à fous", tandis qu'Elisa Martin (La France insoumise) a estimé que ce dispositif allait "créer des fauves". "Que se passera-t-il à leur sortie ?", a-t-elle interrogée. 

"Il s'agit d'un régime d'étanchéité avec l'extérieur, pas d'un régime d'isolement", a répondu Gérald Darmanin, qui a rappelé que le Conseil d'Etat "a considéré qu'il était conforme à la Constitution et aux conventions européennes". Le garde des Sceaux s'est, en outre, dit favorable à quelques modifications pour se conformer à l'avis du Conseil. Ainsi, il soutiendra un amendement visant à ce que la durée de placement dans ce régime de détention soit fixée à deux ans renouvelables lors des débats dans l'hémicycle (contre quatre ans dans la version de la commission des lois).