Pollution au chlordécone : l'Assemblée nationale reconnaît pour la première fois la "responsabilité de l'Etat"

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Une bananeraie. © Observatoire des aliments
Une bananeraie. © Observatoire des aliments
par Léonard DERMARKARIAN, le Vendredi 1 mars 2024 à 17:35, mis à jour le Lundi 4 mars 2024 à 14:02

Les députés ont voté, en première lecture, une proposition de loi visant à "reconnaître la responsabilité de l’État" dans la pollution au chlordécone en Martinique et en Guadeloupe. Le texte - adopté jeudi 29 février dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe Socialistes - prévoit des objectifs de dépollution des sols, ainsi que d'indemnisation des victimes et des territoires.

C'est un premier pas et un symbole fort. Jeudi 29 février, l'Assemblée nationale a voté, en première lecture, un texte reconnaissant la "responsabilité de l’État" dans la pollution au chlordécone. Peu après le vote (100 voix "pour", 1 voix "contre"), le rapporteur de la proposition de loi, le député de la Guadeloupe Elie Califer (Socialistes) s'est félicité d'une "victoire de la représentation nationale".

Si elle a été pointée dans le rapport d'une commission d'enquête de l'Assemblée nationale en 2019, c'est la première fois qu'un texte de loi reconnaît la responsabilité de l’État dans les "préjudices [...] subis par les territoires de Guadeloupe et de Martinique" en raison de l'utilisation du chlordécone, un insecticide toxique employé dans les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique entre 1972 et 1993

Dépollution et indemnisation

La proposition de loi ne se contente pas d'attribuer la responsabilité de la pollution au chlordécone à l’État : elle lui assigne également un objectif de dépollution des sols, contaminés pour plusieurs décennies, et un objectif d'indemnisation des victimes et des territoires. Des objectifs de réparation nécessaires pour Elie Califer, face à une pollution représentant une "véritable bombe sanitaire".

Enrichi par plus de quatorze amendements lors de son examen dans l'hémicycle, provenant principalement des groupes d'opposition de gauche, mais aussi des groupes Renaissance et de LIOT, le texte adopté en première lecture a vu l'ajout de plusieurs objectifs et dispositions relatives aux conséquences de la pollution au chlordécone.

Un amendement du groupe LIOT consacre ainsi un renforcement du dépistage du cancer de la prostate après 45 ans, ce dernier devenant "systématique". Le groupe Renaissance a obtenu la création d'une "instance indépendante" chargée d'évaluer le Plan Chlordécone mise en place par le gouvernement, ainsi que le Fonds d'indemnisation des victimes du chlordécone, créé en 2020. Un autre amendement, du groupe La France insoumise, prévoit quant à lui l'indemnisation "de toutes les victimes de cette contamination, qu’elle ait eu lieu ou non dans le cadre d’une activité professionnelle".

Abstention de la majorité et de la droite

Le texte a été soutenu par l'ensemble des groupes d'opposition de gauche, le Rassemblement national et le groupe LIOT. Les discussions en séance ont permis au rapporteur d'obtenir l'abstention des groupes de la majorité (Renaissance, Horizons, Démocrate). A l'abstention des groupes de la majorité, s'est ajoutée celle du groupe Les Républicains. La proposition de loi a été adoptée par 100 voix "pour" et 1 voix "contre" (détail du scrutin ici).

Les groupes de la majorité, Renaissance en tête, ont notamment déploré l'attribution totale de la responsabilité de la pollution à l’État, et défendu, à l'image de la déclaration du président de la République, Emmanuel Macron ayant imputé en 2019 une "part de responsabilité" à la puissance publique, partagée avec d'autres acteurs - ce qui est aussi le point de vue des députés LR, Philippe Juvin estimant que l’État "n'est pas le seul acteur en cause dans cette affaire".

Passé le vote, Elie Califer s'est félicité de l'adoption d'un texte consacrant "une victoire de la représentation nationale, une victoire de la République : la République de l'égalité et de la fraternité". La proposition de loi doit désormais poursuivre son parcours au Sénat. "J'ai confiance en la navette parlementaire qui nous permettra, je l'espère, d'aboutir dans l'intérêt des Antilles", a déclaré la ministre déléguée chargée des Outre-mer, Marie Guévenoux, au terme des débats.