Dans l'attente de la fin des consultations menées par Sébastien Lecornu, Premier ministre démissionnaire, et d'une éventuelle prise de parole d'Emmanuel Macron, chacun affirme sa préférence concernant le scénario à privilégier pour sortir de l'impasse actuelle. Avec des différences, voire des divergences, au sein même des trois blocs politiques.
Alors que le Premier ministre démissionnaire, Sébastien Lecornu, a été chargé par Emmanuel Macron de mener "d'ultimes négociations" jusqu'à demain soir, mercredi soir 8 octobre, les déclarations politiques – et les scénarios – se multiplient quant aux moyens de sortir de la crise actuelle. En attendant une prise de parole du chef de l'Etat, qui, seul, peut décider de la suite.
C'est la déclaration inattendue du jour. Sur RTL, ce mardi 7 octobre, Edouard Philippe, ancien Premier ministre et chef de file d'Horizons, a appelé Emmanuel Macron à programmer sa démission pour début 2026, afin d'organiser "une élection présidentielle anticipée", après l'adoption d'un budget. "Ce serait de nature à donner un peu de visibilité à tout le monde" et rendrait plus facile la nomination d'un Premier ministre "avec pour fonction de construire et faire adopter un budget", a estimé celui qui a d'ores et déjà annoncé sa candidature à l'Elysée.
"Il s'agit de créer un électrochoc qui permettrait aux Français de créer une stabilité politique, celle qu'ils veulent pour le pays", a expliqué, lors d'un point presse à l'Assemblée nationale, la députée Anne Le Hénanff (Horizons). Cela "permettrait de clarifier la situation", a renchéri le président du groupe émanant de la formation parti d'Edouard Philippe, Paul Christophe.
S'il dit ne "plus comprendre les décisions du président de la République" et déplore "une forme d'acharnement à vouloir garder la main", le secrétaire général de Renaissance, Gabriel Attal, ne partage pas l'avis de l'un de ses prédécesseurs à Matignon. Sur TF1 lundi soir, l'ex-Premier ministre a appelé Emmanuel Macron à "un changement de méthode" et à arrêter de "mettre le qui avant le quoi".
"Nous ne mêlerons jamais nos voix à ceux qui appellent matin, midi et soir à la démission du Président de la République et à une présidentielle anticipée", a déclaré Gabriel Attal mardi matin face aux députés du groupe Ensemble pour la République, qu'il préside, selon des participants. "Ce qu’il faut aujourd’hui, ce n’est pas une ajouter une crise à la crise. C’est régler la crise", a-t-il ajouté. Sa méthode ? "Une négociation menée par une ou des personnalités extérieures au quotidien de la vie politique, qui seraient capables de rassembler les partis autour d'une table pour trouver un accord d'intérêt général sur un budget."
Pas question non plus de dissolution ou de démission du côté du Modem. "La problématique n'est pas le président de la République", mais "le fait qu'à l'Assemblée nationale, les députés ne soient pas capables de se parler", a déclaré ce mardi la députée Perrine Goulet (Les Démocrates). "On réaffirme notre volonté de trouver une solution à l'Assemblée et d'avoir un gouvernement plus ouvert, (...) d'union nationale", a-t-elle expliqué. A ses côtés, son collègue Erwan Balanant est allé dans le même sens : "Il va falloir qu'on trouve des moyens de dialoguer ensemble" pour "éviter des périls encore plus grands pour notre pays".
Le patron des Républicains, Bruno Retailleau, a affirmé mardi sur Europe 1 qu'il ne fermait pas la porte à un retour de son parti dans le gouvernement, à condition "que ce soit un gouvernement que j'appellerai de cohabitation" avec Emmanuel Macron et l'ex-majorité présidentielle, sans préciser si son parti revendiquait le poste de Premier ministre. "Michel Barnier avait acté cette formule du 'socle commun', en y incluant LR. Aujourd'hui, je dis qu'il y a deux choses différentes : un bloc central et LR", a-t-il poursuivi, affirmant qu'il était "exclu que LR se dissolve dans une majorité macroniste".
"Soit la démission, soit la dissolution", telles sont les "deux voies possibles" formulées par Marine Le Pen lundi soir, à la suite de l'annonce de la démission de l'éphémère Premier ministre Sébastien Lecornu. "Si le président de la République avait un éclair de lucidité et démissionnait, ce serait forcément la meilleure solution pour la France", a estimé le député Laurent Jacobelli (RN) dans les couloirs de l'Assemblée mardi, tout en admettant que le scénario de la dissolution était "le plus plausible" des deux scénarios envisagés par sa formation politique. C'est d'ailleurs sur cette option que la double finaliste de l'élection présidentielle, ainsi que le chef de file de son parti Jordan Bardella, ont choisi d'appuyer, martelant la nécessité que les Français retournent aux urnes.
Dans un communiqué publié à la mi-journée, le Rassemblement national a fait savoir qu'il déclinait l’invitation de Sébastien Lecornu à Matignon, considérant que ces ultimes concertations n'avaient pas pour objectif de "préserver l’intérêt des Français, mais celui du président de la République lui-même".
Si face à une situation qui tourne à la crise politique, les ténors de gauche appellent à l'union, des initiatives excluant l'une ou l'autre des composantes du Nouveau Front populaire ont montré ce mardi la difficulté de la réaliser dans les faits. "Face à la droite qui est en train de se rallier à l'extrême droite, le devoir est de faire un bloc de gauche et écologiste", a déclaré Cyrielle Chatelain à l'issue d'une réunion à laquelle ont notamment participé des membres de La France insoumise. Et la présidente du groupe Ecologiste de faire référence à "Bruno Retailleau quand il annonce qu'il ne fera pas barrage au Rassemblement national".
A l'issue de cette réunion à laquelle participaient également des membres de Générations et de L’Après, ainsi qu'un représentant de la Gauche démocrate et républicaine, Mathilde Panot et Marine Tondelier ont publié un communiqué commun s'adressant à "toutes celles et ceux qui ont fait la NUPES et le NFP". "L’heure est grave", ont estimé la présidente du groupe LFI à l'Assemblée et la patronne des Ecologistes, "notre responsabilité commune est d’agir ensemble pour porter ce programme de rupture au pouvoir, en finir avec le macronisme et battre l’extrême droite". Le communiqué précise que les participants à la réunion se sont retrouvés sur le principe d'une censure envers "tout gouvernement qui s’inscrirait dans la continuité de la politique macroniste".
Dans la matinée, le député Arthur Delaporte (Socialistes) avait expliqué l'absence d'une délégation socialiste lors de cette réunion en raison d'une "différence stratégique" avec les députés LFI, ces derniers appelant à "une dissolution dès maintenant, avec une élection présidentielle anticipée". Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, avait appelé dès la veille au soir à la constitution d'"un gouvernement de gauche" et indiqué que sa formation politique répondrait "positivement" si elle était sollicitée pour Matignon. Une autre réunion a eu lieu en visioconférence dans la foulée de la première, cette fois à l'initiative du Parti socialiste, rassemblant les mêmes participants, à l'exception de La France insoumise, mais avec la direction du Parti communiste. Une déclaration commune est également sortie de cette rencontre, appelant "à nommer un Premier ministre qui composera un gouvernement de gauche et écologiste".
"Il ne suffit pas d'aller à la radio, et de demander au président de la République d'être nommé, il faut appeler les leaders du bloc central et examiner quelles sont les possibilités pour qu'un accord puisse être trouvé", a estimé mardi le député Harold Huwart (Libertés, indépendants, Outre-Mer et Territoires), s'adressant ouvertement aux socialistes, et implicitement à Olivier Faure. Le président du groupe LIOT, Laurent Panifous, a indiqué lors d'un point presse à l'Assemblée nationale qu'il avait adressé à "tous les présidents de groupe de l'arc républicain", un courrier les appelant à se réunir au plus vite afin de provoquer "un sursaut". Estimant que "la solution" ne pourrait provenir que du Parlement, il a aussi estimé qu'en cas de succès et de compromis trouvé, celui-ci "s'imposera[it] au président de la République".