Principes de la République : Coup d'envoi des débats dans l'hémicycle

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Gérald Darmanin à l'Assemblée nationale
Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, à l'Assemblée nationale, en janvier 2021
Arthur Nicholas Orchard / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
par Jason WielsRaphaël Marchal, Maxence Kagni, le Lundi 1 février 2021 à 18:45, mis à jour le Mardi 2 février 2021 à 21:20

Les députés ont entamé lundi un marathon de deux semaines avec l'examen en première lecture du projet de loi "confortant le respect des principes de la République". La France insoumise a proposé de rejeter le texte, sans succès.

Quatre ministres à la tribune, environ 2500 amendements déposés, 40 heures de débat étalés sur deux semaines... Après un long passage en commission spéciale, le texte qui vise à lutter contre le "séparatisme islamiste", selon les mots du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a fait son entrée dans l'hémicycle en première lecture.

À l'école, dans les associations, les services publics ou les lieux de culte, le projet de loi est destiné, comme son nom l'indique, à renforcer le "respect des principes de la République". Un texte "fidèle à la tradition républicaine de la laïcité", assure le ministre, qui est aussi en charge des cultes dans le cadre de son portefeuille. 

Les ministres font front commun

Cette future loi sera l'"une des plus importantes du quinquennat", a assuré Jean-Michel Blanquer. Le ministre de l'Éducation est venu à la tribune défendre l'une des dispositions les plus débattues, qui restreint l'accès à l'instruction en famille. 

Alors qu'elle ne concerne qu'un tout petit nombre d'enfants et d'adolescents (environ 50.000, contre 10 millions d'écoliers et collégiens inscrits dans un établissement scolaire), le ministre a insisté sur l'instrumentalisation qui peut être faite de l'école à la maison dans certains cas. Laquelle cacherait, en réalité, le suivi d'un cursus dans des écoles clandestines :

Fermement opposé à ce dispositif, Charles de Courson (Libertés et Territoires) a dénoncé lundi soir un texte qui "en grande partie rate sa cible" : "Ce texte va surtout rendre la vie plus compliquée à un nombre considérable de parents, d'associations, de croyants, qui sont tous de bons républicains."

Chargée de la citoyenneté, Marlène Schiappa a mis en avant les mesures qui doivent favoriser l'émancipation des femmes, comme la lutte contre "les mariages forcés, la polygamie et les certificats de virginité". Des dispositifs globalement salués par Marie-George Buffet (GDR), qui a toutefois demandé une amélioration de l'article 14 sur la polygamie, qui "ne protège pas suffisamment les femmes qui en sont victimes".

Enfin, le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, a défendu deux articles clés du projet de loi, qui créent deux nouveaux délits pensés en réaction à l'assassinat terroriste de l'enseignant Samuel Paty. Le premier punit les auteurs de "pressions communautaires" contre les fonctionnaires, le second s'attaque à la divulgation d'informations personnelles sur les réseaux sociaux :

Les députés écartent une motion de rejet de LFI

Autant de mesures qui n'ont guère convaincu Jean-Luc Mélenchon. Le président du groupe La France insoumise a défendu une motion de rejet préalable, finalement écartée par 149 voix contre 4. Il a dénoncé une "loi inutile" et "dangereuse, parce qu'elle menace les libertés" et qui vise, selon lui, spécifiquement les musulmans.

Le député a critiqué plusieurs dispositions du texte, notamment le contrat d'engagement républicain, qu'il a jugé "absurde". Alors que les débats en commission spéciale ont pu tourner sur l'interdiction du voile à l'université, il a estimé qu'instaurer une "police du vêtement [ridiculiserait] la France".

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L'élu a également mis en cause le calendrier d'examen du texte et l'opportunité de débattre de mesures, selon lui, illusoires ou déjà existantes, alors que la France doit faire face à l'épidémie de Covid-19 et à ses conséquences économiques et, à plus long terme, au réchauffement climatique.

Qualifiant de "fumeuse" l'argumentation du député insoumis, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a assuré que le projet de loi renforçait bien les principes de la République et de la laïcité. Le président de la commission spéciale chargée d'examiner le texte avant sa discussion en séance publique, François de Rugy, a pour sa part regretté le manque de clairvoyance de Jean-Luc Mélenchon sur la "montée des communautarismes". 

Une "initiative salutaire"

"La raison d'être de ce texte, c'est d'abord qu'il y a des territoires de la République qui vont mal, où les habitants se sentent abandonnés", a justifié Guillaume Vuilletet (La République en marche). "Dans certains de nos territoires, des écosystèmes islamistes se sont créés, formant ce que le ministre de l'Intérieur a appelé le terreau du terrorisme", a continué l'élu.

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La majorité a pris la défense du texte : "Avec ce projet de loi, nous sortons enfin des traditionnels ambages sur la question et regardons en face l'étendue du problème", s'est félicité Isabelle Florennes (MoDem), tandis que Pierre-Yves Bournazel (Agir ensemble) a salué "l'initiative salutaire" du gouvernement.

"Merci de nous avoir donné raison", leur a répondu lundi soir la députée "Les Républicains" Annie Genevard. "Notre constat était juste : le séparatisme islamiste menace la République", a déclaré la vice-présidente de l'Assemblée nationale, demandant à la majorité de ne "pas rester au milieu du gué". A la tribune, Annie Genevard a critiqué un texte qui ne comporte "rien sur l'immigration, rien qui protège les entreprises, rien sur la radicalisation, rien sur le port du voile".

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"Uniquement répressif"

Plusieurs députés ont regretté l'absence de mesures sociales dans le projet de loi. "Le texte tente de traiter les conséquences sans aborder les causes", a regretté le président du groupe "UDI et indépendants", Jean-Christophe Lagarde. L'élu a dénoncé un texte qui ne s'attaque pas aux "racines du mal", à savoir la "déshérence sociale" qui "fait le lit" d'une "minorité islamiste".

"Votre texte se veut uniquement répressif là où il aurait dû être équilibré", a lui aussi déploré Charles de Courson (Libertés et territoires). "Quand la République recule, ce vide politique et social laissé se remplit progressivement d'autres règles", a ajouté Alexis Corbière (La France insoumise), dénonçant "la pauvreté, le chômage" ou encore "la dégradation des services publics". 

Répondant aux critiques, Guillaume Vuilletet (La République en marche) a précisé que ce texte "n'est qu'une des étapes du rétablissement du pacte républicain" que souhaite engager la majorité. La partie "sociale" du discours des Mureaux - prononcé en octobre par Emmanuel Macron et à l'origine du texte - devrait donc faire l'objet d'un autre projet de loi, étudié ultérieurement. "Nous appelons de nos voeux un plan dédié à l'égalité des chances, complémentaire de ce projet de loi", a quant à elle souligné Isabelle Florennes (MoDem).

Tout comme Marie-George Buffet (GDR), Boris Vallaud (Socialistes) a pour sa part critiqué le "contrat d'engagement républicain" que devront signer les associations pour pouvoir demander des subventions. Selon lui, cette disposition "a quelque chose d'un régime d'autorisation" qui s'éloigne ainsi du principe de liberté d'association. 

"Observatoire de la cécité"

La séance a également été marquée par l'intervention d'Olivier Falorni (Libertés et territoires), qui a jugé que trop souvent ces dernières années la laïcité n'avait pas été "suffisamment défendue" face aux "prêcheurs de haine" et aux "idiots utiles qui crient 'islamophobie' quand on parle d'universalisme".

Le député a alerté contre l'aveuglement de certains face à "l'édulcoration sournoise" qui menace la laïcité, désormais accompagnée de notions "parasites" : "ouverte, inclusive, positive", autant de "tiques qui se fixent sur ce substantif pour mieux le vider de sa substance". Et de désigner l'un des coupables, à ses yeux : l'Observatoire de la laïcité, qui n'a été selon ses mots qu'un "observatoire de la cécité". 

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