Auditionnée par la commission d’enquête "sur les défaillances des politiques publiques de prise en charge de la santé mentale et du handicap", Claire Hédon a pointé une inadéquation entre un certain nombre d'obligations légales et l'effectivité des droits des personnes en situation de handicap. La Défenseure des droits a également estimé que l'état actuel de la santé mentale des jeunes relevait d'une véritable situation d'"urgence".
"Le droit à la santé [mentale] est loin d’être garanti de manière équitable". Tel est l'amer constat dressé par Claire Hédon ce mardi 16 septembre devant la commission d'enquête "sur les défaillances des politiques publiques de prise en charge de la santé mentale et du handicap et les coûts de ces défaillances pour la société". Cette commission, créée à l'initiative du groupe "Socialistes et apparentés" de l'Assemblée nationale, est présidée par Nicole Dubré-Chirat (Ensemble pour la République), tandis que Sébastien Saint-Pasteur (Socialistes) en est le rapporteur.
Pour étayer ce constat, la Défenseure des droits a rappelé qu'un Français sur trois était concerné par un trouble psychiatrique au cours de sa vie, avant de regretter les délais d’attente excessifs pour obtenir une prise en charge, des ruptures de soin fréquentes et des inégalités territoriales criantes. Autant de facteurs qui participeraient à la dégradation générale de la santé mentale dans le pays.
Tout en rappelant que le sujet de la santé mentale avait été érigé au rang de grande "cause nationale" il y a un peu moins d'un an, Claire Hédon a appelé à une "véritable prise de conscience collective" en la matière. Et de caractériser la situation des jeunes comme relevant de "l'urgence", tant sur le plan du dépistage que de la prise en charge, alors que "25 % des 15-29 ans souffrent de dépression". La Défenseure des droits déplorant que nombre d'entre eux, mineurs en particulier, soient laissés à leur désarroi en raison de la saturation des dispositifs de soins. "Dans plusieurs départements, il faut parfois plus d’un an pour obtenir un rendez-vous en pédopsychiatrie", a ainsi déploré Claire Hédon.
Alors que la question du handicap est également l'objet de la commission d'enquête, la Défenseure des droits a estimé que les deux sujets - santé mentale et handicap - devaient en effet être pensés "de manière articulée". Au cours de l'audition, Claire Hédon a d'ailleurs rappelé que le handicap constituait le premier motif de saisines de son institution en matière de discriminations. "En 2024, sur les 5679 saisines adressées au Défenseur des droits en matière de discriminations, 22% concernaient le handicap", a-t-elle précisé.
Si une grande partie de ces discriminations sont observées dans le domaine de l’emploi, Claire Hédon a souligné qu'elles étaient également fréquentes au regard de l’accès des enfants à la scolarisation. Et parmi les freins à cet accès, la Défenseure des droits a pointé le manque d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), ainsi que le déficit de places en instituts médico-éducatifs (IME). Elle a également fait part d'une hausse "depuis le mois d'avril", de réclamations d’élèves ou d'étudiants en situation de handicap qui n’ont pas pu bénéficier d’aménagements durant les examens.
Je n’ai pas de doute sur le fait que ces défaillances génèrent un coût important (…) Surtout en ces temps d’incertitude budgétaire, c’est le non-respect des droits fondamentaux qui entraînera à terme un coût élevé pour la société. Claire Hédon (Défenseure des droits)
Par ailleurs, Claire Hédon a regretté que les obligations légales en matière d'accessibilité soient "encore insuffisamment mises en œuvre", fustigeant un "retard de la France encore important en la matière". Et de citer pêle-mêle les transports, les logements, les lieux de travail, mais aussi des défaillances en matière d'accessibilité numérique, la Défenseure des droits évoquant les "effets ambivalents" de la dématérialisation des services publics.
Estimant que les aides à l’autonomie des personnes en situation de handicap s'avéraient "insuffisantes et inégales", elle a évoqué à demi-mot le projet de budget pour l'année à venir, rappelant que le handicap était un facteur d'aggravation d'une situation de précarité. "Oui, des gens en grande précarité sont à cinq euros près", a-t-elle a indiqué, désapprouvant la piste d'une augmentation des franchises médicales ou encore un éventuel gel des prestations sociales. Et Claire Hédon de conclure qu'"en ces temps d’incertitude budgétaire, c’est le non-respect des droits fondamentaux qui entraînera, à terme, un coût élevé pour la société".