Réforme de l'audiovisuel public : après le vote d'une motion de rejet à l'Assemblée, le texte va retourner au Sénat

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Sophie Taillé-Polian LCP 30/06/2025
La députée Sophie Taillé-Polian, le 30 juin 2025 (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Lundi 30 juin 2025 à 20:05, mis à jour le Lundi 30 juin 2025 à 22:35

L'Assemblée nationale a adopté, ce lundi 30 juin, une motion de rejet préalable de la réforme de l'audiovisuel public. La motion, soutenue par les groupes de gauche hostiles au texte, a été votée par les députés Rassemblement national. La réforme défendue par la ministre de la Culture, Rachida Dati va désormais poursuivre son parcours législatif en retournant au Sénat. 

Après la loi agricole "Duplomb", après le texte de "validation" de l'autoroute A69, une troisième proposition de loi ne sera pas débattue à l'Assemblée nationale à la suite du vote d'une motion de rejet préalable.

Les députés ont en effet adopté, ce lundi 30 juin, une telle motion contre la réforme de l’audiovisuel public. Portée par le groupe Ecologiste et social, elle a été approuvée par 94 voix contre 38, avec les voix de la gauche et du Rassemblement national (détail du scrutin à consulter ici). 

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Les élus de gauche sont en effet particulièrement hostiles à la réforme, qu'ils jugent néfaste, voire dangereuse. "Cette réforme, ce n'est pas notre projet", a quant à lui indiqué Philippe Ballard (Rassemblement national) dans l'hémicycle, en rappelant que son parti est favorable à une privatisation des médias publics français. Pour l'heure, pas foncièrement opposé à la réforme voulue par la ministre de la Culture, Rachida Dati, les députés RN ont cependant voté la motion de rejet, afin de contrer "l'obstruction" de la gauche selon un cadre du groupe de Marine Le Pen. 

Mais compte tenu des forces en présence en séance, un éventuel vote "contre" des 16 députés du Rassemblement national présents n'aurait pas suffi à changer le résultat du scrutin. La motion a aussi été adoptée en raison d'une forte mobilisation de la gauche et d'une faible mobilisation des groupes du socle gouvernemental, qui se sont pourtant unanimement opposés au rejet du texte lors des explications de vote sur la motion. Seuls 6 députés de la Droite républicaine sur 49 étaient ainsi présents au moment du scrutin ; 4 sur 36 du côté des Démocrates ; 5 sur 34 chez Horizons, et 22 sur 93 au sein d'Ensemble pour la République. Contrairement à ce qu'il s'était produit dans le cadre de l'examen de la proposition de loi "Duplomb ou du texte sur l'autoroute A69, la motion ne semble pas avoir été volontairement adoptée à front renversé. En tout cas, pas de façon assumée. 

Un rejet qui rend service... ou pas, à Rachida Dati ?

Quoi qu'il en soit, au sein du bloc central, certains estiment qu'à ce stade le rejet de la réforme par l'Assemblée rend service à Rachida Dati. Compte tenu du nombre d'amendements qui avaient été déposés, examiner le texte dans le temps imparti - d'ici au mardi 1er juillet minuit - paraissait impossible. Désormais la question ne se pose plus, puisque la proposition de loi va retourner directement au Sénat pour une deuxième lecture. Un conseiller qui travaille pour l'un des groupes du socle gouvernemental considère même que la ministre a pu travailler à ce résultat en coulisse. 

Mais pour une députée de gauche ceux qui, parmi les partisans de la réforme, diffusent cette analyse tentent en réalité de "déguiser leur défaite politique en astuce". Selon cette élue, un examen complet au Palais-Bourbon, puis un vote conforme au Palais du Luxembourg, aurait été plus rapide qu'une deuxième lecture au Sénat qui devra encore être suivie, au moins, d'une deuxième lecture à l'Assemblée.

En tout état de cause, le vote de la motion de rejet, ce lundi, accélère moins le processus législatif que les motions qui avaient été votées sur la loi agricole "Duplomb" et sur la loi de "validation" de l'A69, car sur ces deux propositions de loi le gouvernement avait engagé la procédure accélérée, qui permet d'envoyer un texte en commission mixte paritaire après une seule lecture dans chaque Chambre du Parlement. Une procédure qui n'a pas été enclenchée sur la réforme de l'audiovisuel public.  

"Réforme essentielle" ou "affaiblissement de l'audiovisuel public"

Lors du coup d'envoi des débats sur ce texte au destin décidément contrarié, Rachida Dati à une nouvelle fois tenté de convaincre : "Cette réforme est essentielle" pour que l'audiovisuel public reste "l'un des piliers [fondamentaux] de notre démocratie", a-t-elle  soutenu la ministre dans l'hémicycle. 

Le texte prévoit la création d'une holding, baptisée "France Médias", qui chapeauterait France Télévisions, Radio France et l'INA (Institut national de l'audiovisuel) sous l'autorité d'un président-directeur général unique. Un moyen de permettre aux médias publics de mieux faire face à la concurrence des grandes plateformes américaines, a expliqué en substance Rachida Dati, qui a tenté de rassurer le secteur alors qu'un mouvement de grève a été lancé à l'appel des intersyndicales de France Télévisions et Radio France.

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La ministre de la Culture a également fustigé "l'obstruction" des parlementaires de gauche, matérialisée par le nombre d'amendements qu'ils avaient déposés, tablant sur un examen long et laborieux du texte. Finalement, aucun de ces amendements ne sera donc examiné.

D'un avis diamétralement opposé sur le texte, Sophie Taillé-Polian (Ecologiste et social) qui a défendu à la tribune la motion de rejet présentée par son groupe a, quant à elle, déroulé ses arguments contre un projet de réforme qui "acte l'affaiblissement de l'audiovisuel public et le met en danger de mort", tout en organisant sa "soumission au pouvoir politique". Et la députée de pointer "l'insincérité" de Rachida Dati face au manque de moyens financiers dont disposent aujourd'hui les médias publics, contraints de "faire toujours mieux avec toujours moins".

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Sans succès, Erwan Balanant (Les Démocrates) a pour sa part tenté d'alerter contre "l'effet de bord" que représenterait l'adoption de la motion : "Qu'est-ce qu'il va se passer ? Le texte va retourner au Sénat, et ils vont refaire le texte que nous avons amendé [lors des débats en commission]. Nous allons abandonner toutes les petites avancées de ce texte", a mis en garde l'élu. Sans réussir à convaincre.