Après avoir interrogé le Premier ministre, François Bayrou, sur l'éventuelle présentation, ou non, d'un texte sur les retraites à l'Assemblée nationale à l'issue du "conclave" - de façon à pouvoir notamment débattre de l'âge de départ à 64 ans - le président du groupe Socialistes, Boris Vallaud, annoncé le dépôt d'une motion de censure. Plus tôt dans la journée, ce mardi 24 juin au matin, le chef du gouvernement avait annoncé convier les partenaires sociaux à Matignon afin de "trouver une voie de passage".
"Cela nous contraint Monsieur le Premier ministre à déposer une censure contre votre gouvernement." C'est officiel. Dans l'hémicycle, ce mardi 24 juin, lors des questions au gouvernement, Boris Vallaud (Parti socialiste) a annoncé le dépôt d'une motion de censure contre le gouvernement Bayrou, après l'échec du "conclave" sur les retraites la veille au soir. Quelques instants plus tôt, le président du groupe Socialistes avait dit attendre une "réponse simple et claire" du Premier ministre - qu'il estime donc ne pas avoir eu - à la question qu'il venait de poser : "Allez-vous, comme vous vous y êtes engagé, déposer sans délai, d'ici même la fin de cette semaine pour éviter toute manœuvre dilatoire, un texte de loi ouvrant la voie à une réforme nouvelle, sans totem ni tabou, laissant aux parlementaires la possibilité de débattre de tout et, en particulier, de la mesure d'âge, c'est-à-dire du retour à 62 ans ?"
Dans la foulée, François Bayrou a rappelé avoir, dès ce mardi matin, convié les organisations syndicales (CFDT, CFE-CGC et CFTC) et patronales (Medef et CPME) à Matignon "pour regarder si le travail ou les accords partiels dessinés, et dont on était très près d'en faire un accord définitif, pouvaient être sauvés". "Ma conviction est qu'il existe un chemin, très difficile, pour sortir de cette impasse", a complété le Premier ministre, en ajoutant que le "but" de ces réunions post-conclave était de trouver "ce chemin" qui "devrait déboucher sur un texte qui pourra être examiné par la représentation nationale".
"Quelque soit le chemin législatif ou réglementaire que nous prendrons il est pour moi inacceptable de laisser détruire l'équilibre financier si difficile à trouver, dont nous avons le plus urgent besoin", a cependant ajouté déclaré François Bayrou.
Mais cela n'aura pas suffi. "Vous ne m'avez pas répondu", a repris Boris Vallaud, listant les différentes déclarations du chef du gouvernement sur le dossier des retraites depuis janvier. "Vous avez oublié une mention absolument essentielle. Il faut que tout cela se fasse dans le respect des équilibres [financiers] que nous cherchons depuis des décennies si désespérément", a alors répliqué l'intéressé.
Selon nos informations, la motion de censure devrait être déposée très prochainement, ce soir ou demain, et pourrait être débattue en début de semaine prochaine.
Reste à savoir quel sera le périmètre des signataires de cette motion : les socialistes seuls (ils sont assez nombreux pour réunir les 56 soutiens nécessaires) ou l'ensemble des groupes de gauche ? Sollicité par LCP, un cadre du groupe PS plaide pour "une forme d'ouverture". Ira-t-elle jusqu'à LFI, avec qui les relations sont tendues ?
En tout cas mardi matin, lors de leurs conférences de presse hebdomadaires, les groupes Ecologiste et social, Gauche démocrate et républicaine, ainsi que La France insoumise, ont affirmé leur volonté de travailler ensemble. "Le groupe Ecologiste et social veut une motion de censure commune du Nouveau Front populaire" pour "faire bloc (...) sans enfantillages et sectarisme entre nous", a affirmé Benjamin Lucas, qui évoquait la possibilité d'une initiative commune avec le groupe GDR, au sein duquel siègent les députés communistes, pour y parvenir. "Nous, nous souhaitons que l'ensemble des groupes à gauche de l'hémicycle retrouvent le chemin de la censure", lançait pour sa part la présidente des députés insoumis, Mathilde Panot, qui avait dès lundi soir écrit aux autres groupes sur le sujet.
Mais pour être adoptée et faire chuter le gouvernement Bayrou, la gauche auar besoin de voix supplémentaires, hors de son propre camp. Pour l'heure, le Rassemblement national ne semble pas vouloir voter cette motion de censure. "Evidemment, la décision sera prise par Marine Le Pen et Jordan Bardella, mais on en a déjà longuement discuté. On ne censure pas sur rien. Or là, c'est ce que nous propose de faire la gauche", a déclaré au micro de LCP Gaëtan Dussausaye (RN).
"Le plus probable, c'est qu'on n'ait pas le scalp de François Bayrou quand même", reconnaissait à la mi-journée un député socialiste, qui estimait "la probabilité" de faire tomber le gouvernement à "une chance sur trois". "Le RN peut changer d'avis", avançait le même, tout en regrettant que "leurs changements de pied" sur les retraites ne leur soient "jamais reprochés" par leur électorat.