Un texte visant à interdire le mariage aux étrangers en situation irrégulière, proposé par les députés UDR, voté en commission

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Eric Michoux (UDR) en commission des Lois, le 16 juin 2025
Eric Michoux (UDR) en commission des Lois, le 16 juin 2025 - LCP
par Soizic BONVARLET, le Lundi 16 juin 2025 à 20:10, mis à jour le Lundi 16 juin 2025 à 20:37

Une proposition de loi "visant à renforcer les prérogatives des officiers de l’état civil et du ministère public pour lutter contre les mariages simulés ou arrangés" a été votée, ce lundi 16 juin, en commission des lois. Le texte, qui cible la pratique du mariage dit "blanc" ou "gris" entre une personne étrangère et une autre de nationalité française, sera examiné dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale le 26 juin, lors de la journée réservée aux propositions du groupe "Union des droites pour la République", présidé par Eric Ciotti. 

"Mettre fin à une situation ubuesque" et "protéger nos maires" : tel est le double objectif affiché par Eric Michoux (UDR), rapporteur de la proposition de loi "visant à renforcer les prérogatives des officiers de l'état civil et du ministère public pour lutter contre les mariages simulés ou arrangés". Venant du Sénat, où il a été adopté en décembre 2023, le texte prévoit d'ajouter au Code civil un article selon lequel "le mariage ne peut être contracté par une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national".

Mettre fin à "un outil de régularisation détourné"

Alors que le droit français permet à une personne étrangère, mariée à une autre de nationalité française, d'acquérir la nationalité à l'issue d'un délai de quatre à cinq ans, Eric Michoux a dépeint "des situations dans lesquelles le maire est contraint de marier des personnes, alors qu'il sait pertinemment qu'il s'agit d'un mariage frauduleux destiné exclusivement à régulariser le séjour de l'époux étranger". Il a ainsi estimé que les édiles concernés se retrouvaient "contraints de se rendre complices d'un détournement de la loi", et que le mariage devenait alors "un outil de régularisation détourné".

Si le texte vise à interdire le mariage à une personne en situation irrégulière sur le sol français, il propose également de permettre à l'officier d'état civil de requérir tout élément lui permettant d'apprécier la situation des futurs époux étrangers quant à leur situation de séjour sur le territoire national. Il dispose également que le "délai de sursis", qui peut être engagé par un procureur en cas de doute sur la validité du mariage à célébrer, verra sa durée maximale passer de un à deux mois, renouvelable une fois. Il s'agit par là-même de laisser au procureur davantage de temps pour mener son enquête.

Ces deux mesures ont été vu d'un bon oeil par Emmanuelle Hoffman (Ensemble pour la République) qui a considéré que la lutte contre les "mariages blancs" constituait "une préoccupation réelle et largement partagée sur tout le territoire". Le groupe du parti présidentiel s'est, en revanche, opposé à l'article phare du texte. Et ce au motif qu'il poserait "un problème majeur de constitutionnalité". Dans une décision du 20 novembre 2003, le Conseil constitutionnel avait jugé que "le respect de la liberté du mariage s'oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d'un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l'intéressé".

Emilie Bonnivard (Droite républicaine) a, au contraire, salué l'ensemble du dispositif de la proposition de loi. "Il s'agit tout simplement de mettre en conformité notre arsenal législatif, de protéger nos maires et de faire respecter notre droit, sans aucun jugement de valeur", a-t-elle aussi estimé. 

En commission, Hervé de Lépinau (Rassemblement national) a, quant à lui, cité le cas du maire de Béziers, Robert Ménard, "qui risque jusqu'à cinq ans de prison et une peine d'éligibilité pour avoir refusé de marier un Algérien sous OQTF". Il a aussi dit le soutien de son groupe à un texte de nature à mettre fin au "dévoiement du mariage", fustigeant une "pompe aspirante de l'immigration irrégulière".

"Un cap dans l'ignominie"

Du côté de la gauche, la réprobation a été unanime, Céline Thiébault-Martinez (Socialistes) dénonçant notamment une "nouvelle dérive de la droite et de l'extrême droite qui s'attaque désormais au mariage, (...) liberté fondamentale à valeur constitutionnelle".

Et Aurélien Taché (La France insoumise) de renchérir en s'indignant d'un texte, selon lui, révélateur des "obsessions identitaires des droites" et franchissant "un cap dans l'ignominie". Rappelant que les étrangers étaient déjà soumis à un contrôle "très approfondi" de leur vie intime dès lors qu'ils projetaient de se marier avec une personne française, il a estimé que la proposition de loi faisait "de l'état civil un poste-frontière".

Sous prétexte de lutter contre les mariages frauduleux, seulement 406 signalés par le Parquet en 2022 sur plus de 250 000 unions célébrées chaque année, c'est l'amour qu'on suspecte. Aurélien Taché (La France insoumise)

Léa Balage El Mariky (Ecologiste et Social) a quant a elle déploré une "offensive contre la France diverse, ouverte et républicaine", tandis qu'Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine) a rappelé que le séjour illégal ne constituait "ni un délit, ni un crime", regrettant que le texte instille l'idée selon laquelle "l'amour de certains vaut mieux que celui d'autres".

Avant d'être repris par le groupe présidé par Eric Ciotti à l'Assemblée nationale, cette proposition de loi a initialement été déposée au Sénat par Stéphane Demilly (Union centriste). Après son adoption en commission, le texte doit maintenant être examiné dans l'hémicycle du Palais-Bourbon le 26 juin, à l'occasion de la journée d'initiative parlementaire du groupe "Union des droites pour la République".