L'Assemblée nationale a voté un amendement porté par Eric Ciotti (Les Républicains) visant à construire 3 000 places de prison supplémentaires d'ici à 2027, provoquant de vives critiques sur les bancs de la Nupes. Cet amendement voté lors de l'examen du projet de loi de programmation du ministère de la Justice porte l'objectif total de places supplémentaires à 18 000.
C'est une victoire pour la droite et une défaite pour la gauche de l'hémicycle. Quelques jours après avoir rejeté le principe d'un mécanisme de régulation carcérale contraignant, proposé par la Nupes, les députés ont approuvé, dans la soirée du mercredi 12 juillet, la construction de 3 000 places de prison supplémentaires, pour faire face à la surpopulation carcérale.
Le plan "15 000", qui figure dans le rapport annexé au projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la Justice pour 2023-2027, est d'ores et déjà "sous-dimensionné", a fait valoir l'auteur de l'amendement, Eric Ciotti (Les Républicains). D'autant plus que le programme, qui concrétise une promesse d'Emmanuel Macron, a pris du retard, a rappelé le président du parti Les Républicains. L'élu des Alpes-Maritimes avait conditionné son vote sur l'ensemble du texte à la validation de son amendement, qui porterait le parc pénitentiaire français à environ 78 000 places.
"Une des causes majeures du dysfonctionnement de la chaîne pénale, qui trop souvent installe une forme d'impunité, réside dans l'insuffisance de notre capacité carcérale", a pointé Eric Ciotti. Avant de juger que la situation de surpopulation carcérale pousse la justice à mener une "auto-régulation" dans ses décisions. "Il y a des sanctions qui ne sont pas appliquées", a-t-il critiqué, jugeant que "la prison est le seul moyen de dissuader".
La majorité présidentielle, ainsi que le ministre de la Justice, ont répondu "chiche" au chef de file des Républicains, le rejoignant sur la situation "indigne" des prisons françaises, matérialisée par les plus de 2 300 matelas au sol. "La réponse pénale n'est pas conditionnée par le nombre de places de prison", a cependant tenu à corriger Eric Dupond-Moretti.
Surtout, les députés du camp présidentiel et le garde des Sceaux ont critiqué les différences de discours entre le niveau national et l'échelon local. Ils ont donc approuvé la création de ces places supplémentaires "sous réserve de la délivrance par les collectivités locales des autorisations d'urbanisme nécessaires". Tous les élus locaux "qui nous empêchent de construire les 15 000 places de prison dont nous avons besoin doivent être cités, énumérés, doivent assumer leur responsabilité", a ainsi lancé le président de la commission des lois, Sacha Houlié (Renaissance).
"La prison, c'est toujours oui, mais ailleurs. Dans la commune d'à côté, dans la circo d'à côté", a renchéri Eric Dupond-Moretti. Avant d'émettre un "appel solennel républicain afin que cessent les tentatives d'entraves directes ou indirectes de construction de places de prison". "Il faut se mettre collectivement à la tache."
Ce pas de deux entre le camp présidentiel et la droite de l'hémicycle a été vilipendé par les élus de la Nupes. "C'est intolérable de marchander le soutien de M. Ciotti", a tancé Cécile Untermaier (Socialistes), évoquant un amendement à "un milliard d'euros", qui aurait pu financer bien d'autres mesures. Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine) a également dénoncé un "marchandage", mais également l'hypocrisie de l'exécutif. "On se fiche de qui ? Vous savez pertinemment que cela ne se fera pas", a déclaré l'élue communiste, pour qui l'objectif de construction est irréalisable dans les délais.
"Vous préférez céder aux injonctions de la droite dure et de l’extrême droite sur le tout carcéral, sur l’autoritaire et le sécuritaire", a estimé Benjamin Lucas (Écologiste). "On vient d'assister à la création de l'arc réactionnaire, entre la Macronie, la droite et l'extrême droite", a pour sa part jugé Andrée Taurinya (La France insoumise).
En réponse, Eric Ciotti a revendiqué "la construction d’un arc d’efficacité pour sortir d’une situation d’indignité". Avant de s'en prendre à son rival, Christian Estrosi, accusant le transfuge de la droite de s'opposer à la création d'une nouvelle prison à Nice "depuis 20 ans".
L'Assemblée s'est en revanche opposée à une autre demande du député des Alpes-Maritimes, qui proposait des "hébergements modulaires" provisoires dès 2024. "Des Algeco comme cellules, ce n'est pas très sérieux", a soulevé le rapporteur, Erwan Balanant (Démocrate).
Les députés poursuivent, jeudi 13 juillet, l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la Justice qu'ils doivent en principe terminer ce soir, tout comme celui du projet de loi organique qui réforme le statut des magistrats.