A69 : les députés approuvent en commission la proposition de loi de "validation" du chantier de l'autoroute Castres-Toulouse

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Jean Terlier LCP 21/05/2025
Jean Terlier à l'Assemblée nationale, le 21 mai 2025 (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Mercredi 21 mai 2025 à 19:25, mis à jour le Mercredi 21 mai 2025 à 21:48

La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale a approuvé, ce mercredi 21 mai, la proposition de loi qui valide les autorisations environnementales du chantier de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse, au terme d'une séance houleuse. Le texte est inscrit à l'ordre du jour de l'hémicycle le 2 juin, sur fond de contentieux judiciaire.

Les députés de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire ont adopté, ce mercredi 21 mai, la proposition de loi relative à "la raison impérative d’intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse". Les débats ont été particulièrement animés, plus que ce n'est souvent le cas au stade de la commission.

Et pour cause : le texte, déjà voté par le Sénat, ambitionne de valider au plan législatif des autorisations environnementales du chantier de l'autoroute A69 invalidées en première instance par le tribunal administratif de Toulouse en février dernier. "Nous ne bafouons pas l'Etat de droit, nous ne remettons pas en cause l'indépendance de la justice", a affirmé le rapporteur de la proposition de loi, Jean Terlier (Ensemble pour la République), qui a assuré du bien-fondé et de la constitutionnalité de la loi. La décision de justice n'étant pas définitive - l'Etat a d'ailleurs déposé plusieurs recours en cours d'examen -, elle ne revêt pas les atours de "la force de la chose jugée". En outre, plusieurs éléments appuient le statut du motif impérieux d'intérêt général du chantier, a plaidé le député du Tarn, que ce soit pour désenclaver le territoire comme pour l'impact financier de la décision de justice.

Ce n'est pas une autoroute qui va permettre d'aller au ski ou à la mer, mais d'aller travailler, de se déplacer et de vivre dignement dans un territoire qui est enclavé. Jean Terlier (Ensemble pour la République)

Le chantier est en effet déjà largement avancé, a rappelé Jean Terlier. Une annulation définitive du projet se chiffrerait potentiellement à plusieurs milliards d'euros, partagés entre l'indemnisation des concessionnaires et la destruction des travaux déjà engagés. "Il en coûte 10 millions d'euros d'argent public par mois du seul fait de l'immobilisation des machines et des hommes", dans l'attente des recours en justice, a-t-il indiqué.

Hasard du calendrier ? Un premier recours de l'Etat, visant à relancer les travaux dans l'attente d'une décision sur le fond, a été examiné ce matin par la justice. Le rapporteur public, dont l'avis est suivi dans la plupart des cas, s'est prononcé en début de semaine en faveur de ce recours suspensif. La décision de la cour administrative d'appel de Toulouse sera connu d'ici une dizaine de jours. La décision au fond n'étant, quant à elle, pas attendue avant plusieurs mois. 

"Légitimer une illégalité"

Face à l'argumentaire déployé par le rapporteur, plusieurs élus se sont insurgés, remettant en question l'essence même de la proposition de loi. "Il s'agit d'écraser la décision du tribunal administratif de Toulouse", a considéré Anne Stambach-Terrenoir (La France insoumise). "Si aujourd'hui le pouvoir législatif s'associe à l'exécutif pour fouler aux pieds le pouvoir judiciaire, que reste-t-il de notre démocratie ?", a-t-elle questionné. Opposante historique au chantier autoroutier, Christine Arrighi (Ecologiste et social) a fustigé un texte "de contournement du droit, du juge, et des principes démocratiques". "Ce texte cherche à imposer par la loi ce que le juge a suspendu par le droit. Vous êtes appelés à légitimer une illégalité", a encore critiqué la députée de Haute-Garonne. 

"Valider, par la loi, des actes contestés, sans contrôle de proportionnalité, ni encadrement précis, ouvre la voie à d'autres validations ciblées, et à une forme d'exceptionnalité législative" a, lui aussi, mis en garde Gérard Leseul (Socialistes), alertant contre un "contournement du contentieux environnemental qui minerait l'Etat de droit". Plusieurs députés, à l'instar d'Anne Stambach-Terrenoir (LFI), ont également insisté sur le caractère selon eux anachronique du chantier, qui va "détruire des écosystèmes et des terres agricoles pour gagner quelques minutes sur une nationale qu'elle double".

Le droit ne se plie pas au calendrier des pelleteuses. Christine Arrighi (Ecologiste et social)

"Si ces travaux ne devaient jamais pouvoir reprendre, alors en réalité nous ne ferons plus jamais rien en France. Ce serait une catastrophe pour beaucoup de territoires" a, sur un registre tout à fait opposé, argumenté Ian Boucard (Droite républicaine). "La réalité, c'est que vous voulez simplement arrêter de construire des routes dans ce pays pour des raisons idéologiques", a lancé Pierre Meurin (Rassemblement national).

Lors de débats en commission, les députés ont réécrit l'unique article du texte en adoptant un amendement de Ian Boucard (DR), qui a proposé une rédaction considérée comme plus robuste destinée à sécuriser juridiquement la proposition de loi. "C'est un amendement bien travaillé", a salué Jean Terlier (EPR), tandis que Christine Arrighi (Ecologiste et social) dénonçait une "stratégie" concoctée par le bloc central pour accélérer les débats.

Pendant quelques minutes, la discussion du texte a, par ailleurs, viré à l'affrontement verbal après que Dominique Voynet (Ecologiste et social) a fait part de son étonnement de voir Jean Terlier (Ensemble pour la République) assumer la fonction de rapporteur, alors même qu'il était "intervenu en tant qu'avocat dans un dossier qui exige l'interaction possible avec une entreprise privée" favorable au projet. "Ces insinuations en conflit d'intérêt de la part du rapporteur sont scandaleuses", lui a rétorqué Pierre Cazeneuve (Ensemble pour la République). Avant que Jean Terlier n'invite l'ancienne ministre de l'Environnement à "redire tout cela, mais en sortant de l'Assemblée nationale", en dehors de son immunité parlementaire, afin qu'il puisse déposer plainte en diffamation contre elle.

La proposition de loi, ainsi modifiée, sera examinée le 2 juin dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.