Alors que la première partie du projet de loi de finances pour 2026 sera examinée à partir de lundi en commission, la date limite de dépôt des amendements est fixée à samedi matin. Et ils devraient être d'autant plus nombreux cette année que le gouvernement de Sébastien Lecornu a affiché sa volonté de co-construire la copie budgétaire avec le Parlement.
Examinée à partir du lundi 20 octobre, au matin, en commission des finances, la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 devrait faire l'objet de nombreux amendements. Pour tenter d'encadrer les débats et de respecter les délais impartis, le président de la commission Eric Coquerel (La France insoumise), a toutefois fixé une "cible" - qui n'est pas contraignante - pour chaque groupe parlementaire, proportionnel à leur taille, avec l'objectif de restreindre à 1 200 le nombre total d'amendements. Sera-t-elle respectée ? La limite de dépôt a été fixée à demain, 9 heures, et permettra un premier aperçu des débats à venir.
Et si ces amendements traduiront, comme lors de chaque examen budgétaire, les principales revendications des différents groupes représentés à l'Assemblée, leurs auteurs devraient plus que jamais faire valoir l'engagement d'une co-construction avec le Parlement affiché par le gouvernement de Sébastien Lecornu.
"On va rentrer dans le vif du sujet dès lundi", commente un membre de la commission. Alors que l'article 3 du projet de budget instaure une taxe annuelle sur le patrimoine financier des holdings, dont le taux est fixé à 2 %, la gauche de l’hémicycle continue de réclamer la mise en place d'une "taxe Zucman". Lors de l'audition conjointe de Roland Lescure, ministre de l’Économie, et d'Amélie de Montchalin, ministre chargée des Comptes publics, le 14 octobre, Eric Coquerel a critiqué le rendement du dispositif prévu par le gouvernement. "Cette taxe est à hauteur de 1,5 milliards, alors que la taxe Zucman, qui a le même objectif, aurait un rendement de 15 à 20 milliards", a ainsi fait valoir le président de la commission des finances.
La mesure proposée par le gouvernement concerne spécifiquement les actifs non professionnels détenus par des sociétés holdings à caractère patrimonial. L'objectif affiché étant de lutter contre les stratégies d'optimisation fiscale des plus fortunés, quand ces derniers conservent des revenus dans des holdings pour contourner leur imposition personnelle. "Quand au sein des holdings, vous avez des chalets, des jets privés, des actions, de la trésorerie qui ne sont pas des investissements 'productifs', qui sont là pour générer du patrimoine personnel, nous voulons y mettre fin", a ainsi martelé Amélie de Montchalin le 14 octobre.
Toujours pas suffisant pour la gauche, qui prône un impôt plancher plus large, à hauteur de 2% par an, de tous les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros, soit au total 1.800 foyers fiscaux. Le principe de son instauration avait d'ailleurs été validé par l'Assemblée nationale le 20 février dernier, lors de l'adoption en première lecture d'une proposition de loi des députés écologistes.
Au coeur des concertations avec la gauche lors de la première nomination à Matignon de Sébastien Lecornu, ce dernier avait finalement exclu l'hypothèse d'une telle taxe dans le budget pour 2026. Au lendemain de l'audition en commission des finances des ministres de Bercy, le député et Premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure avait par conséquent fait part de la volonté de son groupe de porter la taxe Zucman par amendement. D'autres allant dans le même sens devraient également être défendus par les autres groupes de gauche, qui font également de l'instauration de cette taxe l'une de leurs priorités.
Alors que l'an dernier, avant le rejet du budget dans l'hémicycle puis le passage du 49.3, la gauche avait ajouté 35 milliards d'euros de recettes supplémentaires à la copie du gouvernement, certains de ses amendements adoptés devraient sans surprise être à nouveau présentés.
Ce devrait notamment être le cas de l'amendement à l'initiative du président de la commission des finances, Eric Coquerel (LFI) et issu des travaux de la mission d'information sur l'impôt universel qu'il avait menée avec Jean-Paul Matteï (MoDem) en 2019. Cet amendement vise à instaurer un "impôt universel ciblé", ciblant des contribuables au-delà d'un certain revenu et qui partent dans un pays à fiscalité inférieure de plus de 50% à celle de la France, afin de les imposer sur un différentiel entre ce qu'ils paient dans ce pays, et ce qu'ils auraient payé s'ils étaient restés.
Pourraient également être proposées une augmentation de 30 à 33% du prélèvement forfaitaire unique (PFU), communément désigné sous le nom de flat tax, ou encore une surtaxe des "superdividendes". L'an dernier, ces mesures avaient été votées par une addition des voix de la gauche et du Rassemblement national, avec l'appui ponctuel du groupe Les Démocrates.
Du côté de la droite, l'une des mesures martelées par Les Républicains devrait également se traduire par un amendement au budget, à savoir le plafonnement des aides sociales à 70% du SMIC, afin de "valoriser le travail" et de "lutter contre l’assistanat". Le président de la Droite républicaine, Laurent Wauquiez, a de nouveau énoncé cette "priorité" lors de sa prise de parole à la tribune suite à la déclaration de politique générale de Sébastien Lecornu, le 14 octobre.
A noter que dans une note publiée le 16 octobre, le Conseil d'analyse économique (CAE), organisme de réflexion rattaché à Matignon, a évalué le rendement potentiel de plusieurs mesures absentes du budget présenté par le gouvernement mais susceptibles de ressurgir lors de son examen à l'Assemblée.
Parmi 170 propositions mêlant recettes, dépenses et réformes structurelles, le CAE évoque notamment la taxe Zucman, estimant qu’il serait "ambitieux d’espérer un rendement supérieur à 5 milliards d’euros pour des mesures de taxation du patrimoine". Une hausse de la flat tax de 30 % à 33 % rapporterait 1,2 milliard d’euros selon les économistes, qui jugent par ailleurs "inefficace" le crédit d'impôt recherche, dont la suppression pourrait rapporter 400 millions d'euros. Autant pourrait être généré par une réforme du crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile (Cisap), en jouant sur une modulation de son taux. Le Conseil d'analyse économique indique encore qu’une révision des dispositifs d’allègement de l’impôt sur l’héritage - pacte Dutreil notamment –, offrirait un autre levier non négligeable de redressement des comptes publics. Autant de mesures régulièrement portées par les députés lors des débats budgétaires, et qu'ils ne devraient pas manquer de défendre à nouveau.