La présence d'enfants voilées dans les tribunes de l'Assemblée nationale crée la polémique

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Yaël Braun-Pivet à l'Assemblée nationale, décembre 2024
La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet.
par Anne-Charlotte Dusseaulx, le Jeudi 6 novembre 2025 à 18:00, mis à jour le Jeudi 6 novembre 2025 à 18:50

La présence d'enfants et de jeunes filles voilées dans les tribunes de l'hémicycle du Palais-Bourbon, mercredi 5 novembre, a été vivement dénoncée par le Rassemblement national. La présidente de l'institution, Yaël Braun-Pivet, a également jugé la situation "inacceptable". La visite avait été organisée par l'équipe parlementaire du député Marc Fesneau (Les Démocrates).

"Cette venue a été organisée par mon équipe parlementaire." Dans un long tweet, publié ce jeudi 6 novembre à la mi-journée, Marc Fesneau, le président du groupe Les Démocrates à l'Assemblée nationale, revient sur la polémique qui déclenchée la veille par la présence plusieurs personnes voilées, dont des mineures, dans les tribunes de l'hémicycle du Palais-Bourbon réservées au public.

"Des élèves de deux établissements scolaires privés ont visité hier l'Assemblée nationale, à leur demande, et dans le cadre d'un projet de l'un des établissements", intitulé "Démocratie et citoyenneté", précise l'ancien ministre. L'AFP ajoute que le groupe parlementaire de Marc Fesneau indique que les élèves en visite faisaient partie classe de CM2 et d’une classe de bac professionnel.

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Le député MoDem ajoute "comprendre que la présence en tribune d'élèves portant un voile puisse choquer", parle d'une "situation pas acceptable", mais assure avoir respecté "les règles du droit commun""Ces visites sont-elles une contribution utile pour que chaque enfant puisse s'approprier nos valeurs plus encore quand la démarche de cette visite a été faite par leurs établissements ? La réponse est encore oui", estime également l'élu du Loir-et-Cher. 

Mercredi, le député Julien Odoul (Rassemblement national) a dénoncé sur X une "infâme provocation", illustrant son propos d'une photo des tribunes. "Comment une telle provocation islamiste peut-elle être tolérée par la présidente de l'Assemblée nationale ?", s'était auparavant interrogé son collègue Eddy Casterman (apparenté RN).

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Yaël Braun-Pivet invoque la loi de 2004 sur la laïcité à l'école

"Au cœur même de l’hémicycle de l’Assemblée nationale, où a en particulier été votée la loi de 2004 sur la laïcité à l’école, il me paraît inacceptable que de jeunes enfants puissent porter des signes religieux ostensibles dans les tribunes", a écrit dans la soirée la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet (Ensemble pour la République). 

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La loi de 2004 sur la laïcité indique que "dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit". Dans son tweet, Marc Fesneau rappelle que "la loi n’interdit pas le port du voile par des mineures dans l’espace public". En outre, les règles édictées en 2004 ne concernent pas les établissements scolaires privés. 

De façon diamétralement opposée au Rassemblement national, La France insoumise a réagi à la polémique. "Je dénonce, de la façon la plus ferme qui soit, la communication irresponsable de la Présidente de l’Assemblée nationale, qui jette en pâture à l’extrême droite et à la presse des jeunes qui viennent visiter notre Assemblée", a fustigé ce jeudi la présidente du groupe LFI, Mathilde Panot, sur X. 

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Dès mercredi soir, plusieurs députés insoumis avait vivement critiqué le tweet publié par Yaël Braun-Pivet. "C'est gravissime !", a estimé Sarah Legrain ; quand Eric Coquerel demandait, lui, des précisions : "Pouvez-vous me dire à quel règlement de l'assemblée vous faites référence pour interdire des signes religieux au public qui visite l'assemblée ?"

Le règlement de l'Assemblée et le mot "découvert"

Que disent les règles de l'Assemblée nationale ? L'article 8 de l'instruction générale du Bureau de l'Assemblée nationale précise que "pour être admis dans les tribunes, le public doit porter une tenue correcte. Il se tient assis, découvert et en silence ; il peut consulter les documents parlementaires et prendre des notes". Aucune référence aux signes religieux n'est explicitement formulée comme c'est le cas, au contraire, de l'article 9 concernant la tenue des députés

Reste le terme "découvert". Faut-il en déduire que le port du voile est interdit en tribunes ? Lors de la réforme du règlement de l'Assemblée nationale en 2019, "nous avons tranché la question en interdisant les signes religieux dans l'hémicycle [pour les députés qui siègent en séance], qui est le lieu du débat républicain", indiquait le rapporteur Sylvain Waserman (MoDem) auprès de LCP en 2020.

"Mais il n'était pas question d'interdire la présence de personnes voilées en tribune ou en commission", expliquait-il après une précédente polémique sur l'audition d'une responsable étudiante voilée la vice-présidente de l'Unef, Maryam Pougetoux par une commission d'enquête sur les effets de la crise du Covid-19 sur la jeunesse. 

Un an plus tôt, alors qu'une accompagnatrice scolaire voilée avait été prise à partie par des élus RN, dont Julien Odoul, lors d'une assemblée plénière du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, le service de communication de l'Assemblée nationale, sollicité par Public Sénat, expliquait que l'article 8 n'était pas forcément "interprété à la lettre". Précisant : "Le port de tenues manifestant une appartenance religieuse n'est pas en soi interdit. Ce n'est que dans le cas où le président de séance estimerait que le port de telles tenues est de nature à troubler l'ordre ou le bon déroulement des débats qu'il pourrait être amené à prendre des mesures". 

Vers une modification du règlement du Palais-Bourbon ? 

Le règlement de l'institution pourrait-il être amené à évoluer ? "Je demande à la présidente de clarifier le règlement intérieur", a déclaré Julien Odoul (RN) sur LCI. Dans son tweet du jour, Marc Fesneau (MoDem) estime, quant à lui, que l'article 8 doit "manifestement" être "explicité et mieux et réellement appliqué". 

Pour Jérémie Patrier-Leitus (Horizons) aussi, "il est temps que le règlement soit revu". Car il a été fait "dans un moment où il y avait peut-être moins de violences, quand il n'y avait pas toutes ces attaques et ces remises en cause de la laïcité", a affirmé l'élu auprès de LCP ce jeudi.

A ce stade, dans sa réaction publiée mercredi soir, la présidente de l'Assemblée nationale appelle à la "vigilance" : "Nous n’avions pas été confrontés à cette situation par le passé. J’ai appelé chacun à une extrême vigilance pour que cela ne se reproduise pas. C’est une question de cohérence républicaine". Sans plus de précision ou d'annonce.