Budget 2026 : La France aura-t-elle un budget au 1er janvier ?

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Le ministère de l'Economie. DR
par Raphaël Marchal, le Jeudi 9 octobre 2025 à 18:35, mis à jour le Jeudi 9 octobre 2025 à 20:15

La crise politico-gouvernementale de ces derniers jours n'est pas sans conséquence sur le calendrier budgétaire et sur les débats qui auront lieu au Parlement. Un projet de loi de finances en bonne et due forme pourra-t-il être adopté avant la fin de l'année pour entrer en vigueur dès le 1er janvier ? Dans le cas contraire, des outils existent pour éviter un "shutdown" à l'américaine et permettre à la France de continuer à fonctionner. 

La France aura-t-elle un budget dans les temps ? Mercredi 8 octobre, invité du journal télévisé de France 2Sébastien Lecornu a affirmé qu'un projet de loi de finances (PLF) serait déposé lundi 13 octobre, ce qui implique nécessairement qu'un nouveau gouvernement soit nommé d'ici-là. Le Premier ministre démissionnaire n'a pas évoqué cette date au hasard : il s'agit de l'ultime jour pour que le délai d'examen de 70 jours au Parlement, prévu par la Constitution, soit respecté.

Un budget en chantier et différentes options politico-techniques

Le nouveau gouvernement, dont la nomination est attendue dans les prochains jours, hériterait donc d'un budget "prêt à l'emploi", construit par les deux gouvernements précédents. Le texte ne sera "pas parfait" et "il y aura beaucoup à débattre", a d'ores et déjà prévenu Sébastien Lecornu. Si ces délais sont respectés, il reviendra au Parlement, et notamment à une Assemblée nationale dépourvue de majorité, de débattre des différents axes du PLF. Tenant compte de la situation politique, le Premier ministre démissionnaire a déjà lâché du lest sur le déficit public, évoquant un objectif "en dessous de 5 %" du PIB en 2026, contre 4,7 % il y a encore deux semaines.

En cas de blocage, ou de difficultés supplémentaire venant gripper la machine, le gouvernement dispose d'outils prévus par l'article 47 de la Constitution et par l'article 45 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Il peut par exemple demander, avant le 11 décembre, un vote séparé sur la partie recettes du budget, ce qui permettrait d'introduire des réformes dans la perception de l'impôt - et qui ne manquerait pas de provoquer des débats passionnés dans l'hémicycle.

L'option d'une loi spéciale, destinée à permettre à l’Etat de continuer à percevoir les impôts existants en début d'année civile pourrait également être utilisée. Déjà fin 2024, le Parlement avait dû en passer par cette étape, après la chute du gouvernement Barnier, pour permettre au pays de fonctionner jusqu'à l'adoption d'un budget en bonne et due forme au début de l'année 2025. Venant en cas d'échec sur le projet de loi de finances, le projet de loi spéciale doit tout de même être voté par le Parlement. Le risque n'est donc pas nul, mais s'agissant d'éviter un "shutdown" à l'américaine, le blocage serait lourd à porter pour ceux qui en prendraient la responsabilité. En décembre dernier, la loi spéciale avait d'ailleurs été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale et au Sénat. 

Des outils pour éviter un "shutdown" à l'américaine

La loi spéciale fait donc partie des outils permettant d'éviter la mise à l'arrêt de l'Etat et de l'économie : les fonctionnaires sont payés, les services publics fonctionnent normalement, et les impôts existants sont prélevés. En revanche, en l'état actuel de la jurisprudence, la loi spéciale ne permet pas d'indexer sur l'inflation le barème de l'impôt sur le revenu. Ce sujet avait fait l'objet d'un débat nourri l'année dernière. Et c'est une interprétation stricte qui l'avait finalement emportée. C'est donc seulement dans le cadre du projet de loi de finances présenté par le gouvernement Bayrou que l'indexation avait été votée, afin d'éviter une hausse mécanique des impôts, voire l'entrée de certains ménages dans l'impôt. Ce qui est permis, ou non, dans le cadre d'une loi spéciale ne devrait cependant pas manquer de faire à nouveau débat si cette procédure devait encore être utilisée.

Par ailleurs, la loi spéciale peut également avoir, selon certains, l'avantage d'entraîner une réduction modeste du déficit public, en gelant les dépenses de l'Etat et une partie de celles des collectivités territoriales, sans toutefois relever du miracle économique, tant les milieux économiques et les marchés sont sensibles aux incertitudes qui découlent de l'instabilité politique. Une fois l’autorisation de percevoir les impôts votée - par l’adoption de la partie recettes du budget, ou par l'adoption d'une loi spéciale - le gouvernement pourrait ouvrir par décrets les dépenses destinées à assurer le fonctionnement des services publics.

Enfin, un autre outil est prévu par la Constitution pour permettre à la France d'avoir un budget - et donc de fonctionner - au 1er janvier. L'article 47 de la loi fondamentale prévoit que : "Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance". Cependant, l'utilisation éventuelle de cette procédure, qui permet d'éviter l'enlisement au Parlement, provoquerait vraisemblablement un vif débat entre le gouvernement et les oppositions qui dénonceraient un passage en force, avec un fort risque de censure dans la foulée. La France aurait alors un budget mais, une fois encore, plus de gouvernement.