Budget 2026 : la taxe Zucman, dans sa version initiale ou remaniée, toujours au cœur du bras de fer budgétaire

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L'hémicycle de l'Assemblée nationale, le 28 octobre 2025.
L'hémicycle de l'Assemblée nationale, le 28 octobre 2025.
par Anne-Charlotte DusseaulxStéphanie Depierre, le Mardi 28 octobre 2025 à 19:25, mis à jour le Mardi 28 octobre 2025 à 19:27

Pour tenter d'aboutir à un compromis, les députés socialistes ont déposé un amendement de repli sur la taxe Zucman dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2026, qui se poursuit à l'Assemblée nationale. Mais, même remaniée, la mesure n'a ne trouve pas l'assentiment du bloc central. Plusieurs députés du parti présidentiel critiquent cette version alternative en raison de l'inclusion des biens professionnels dans l'assiette de calcul.

"Le match [sur la taxe Zucman] se jouera vendredi dans l'hémicycle", estimait ce mardi 28 octobre au matin la députée socialiste Estelle Mercier, faisant le point sur l'avancée des débats lors d'une discussion avec des journalistes à l'Assemblée nationale. Alors que l'examen de la partie "recettes" du projet de budget pour 2026 se poursuit au Palais-Bourbon, la taxe Zucman est encore et toujours au centre de toutes les conversations politiques.

Encore plus depuis que - face à une majorité jugée introuvable pour voter cette mesure visant à taxer les très hauts patrimoines - le PS a déposé un amendement de repli : un impôt minimum de 3% à partir de 10 millions de patrimoine, qui exclurait cependant les entreprises innovantes et familiales. La taxe défendue par l'économiste Gabriel Zucman prévoyant, elle, un impôt minimum de 2% sur les patrimoines à partir de 100 millions d'euros.

Cette nouvelle version, dite "amendement Mercier" rapporterait selon le Parti socialiste, cinq à sept milliards d'euros, soit deux fois moins que le rendement annoncé, mais contesté, de la taxe Zucman.

Une ligne rouge pour le bloc central ?

Du côté du bloc central, plusieurs cadres de Renaissance sont, malgré tout, montés au créneau ces dernières heures pour s'opposer à cette alternative. Le problème, selon eux ? La présence des biens professionnels dans l'assiette de calcul. "Vous pouvez l'appeler taxe Zucman ou taxe Zucman 'light', à partir du moment où ça touche à l'appareil productif, aux usines ou aux grandes startups qui créent de l'innovation, nous serons contre", a notamment déclaré la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, en début de journée sur BFMTV.

A l'Assemblée nationale, un responsable du groupe Ensemble pour la République, au sein duquel siègent les députés du parti présidentiel, renchérissait quelques heures plus tard : "La taxe Zucman, peu importe la version, c'est non. C'est le contraire de ce qu'on fait [depuis 2017]. C'est une folie économique, il vaut mieux que le gouvernement tombe !" Comprendre, la deuxième option coûterait moins cher au pays. Et le même député d'ajouter : "S'il y a des gens chez EPR qui votent la Zucman, il faut qu'ils changent de groupe."

Il ne faut pas que les compromis soient des compromissions. Il n'y a pas de deal avec le Parti socialiste. lE pREMIER MINISTRE, Sébastien Lecornu, devant les députés lr

La proposition des députés socialistes ne convainc pas non plus chez Les Démocrates. "Tant qu'ils sont arc-boutés sur les biens professionnels, on votera contre", a ainsi la porte-parole du groupe, Perrine Goulet (MoDem), qui estime que le bloc central a déjà "reculé sur pas mal de choses pour faire un pas vers le Parti socialiste". 

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Ce mardi matin, Sébastien Lecornu a assisté à la réunion hebdomadaire du groupe Droite républicaine, opposé à une telle mesure. Forcément, le Premier ministre a été interrogé sur l'amendement socialiste par les députés LR, présidés par Laurent Wauquiez. Selon plusieurs participants, le locataire de Matignon a assuré que "pour rien au monde", il n'accepterait de "toucher au patrimoine professionnel". 

"Il ne faut pas que les compromis soient des compromissions. Il n'y a pas de deal avec le Parti socialiste", a-t-il ajouté. Sur la fiscalité, Sébastien Lecornu a également filé la métaphore animale : "Tout débat sur le lait est ouvert, mais c'est un débat qui doit se faire sur le partage du lait, pas sur le fait de tuer la vache."

Le Parti socialiste menace toujours de censure

Des compromis, le Parti socialiste considère qu'il en fait, lui aussi. "Nous avons proposé d'ouvrir le champ de la taxe Zucman (...). Si les macronistes refusent ce compromis, c'est que leur problème n'est pas la startup nation, les entreprises familiales, mais que leur objectif définitif est de protéger les milliardaires de toute participation solidaire", a affirmé mardi matin la députée Béatrice Bellay. Son collègue Romain Eskenazi le dit, lui, sans ambages : "Si le gouvernement est fermé à tout compromis, toute contribution des plus hautes fortunes, ce sera la censure."

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Les choses ont-elles évoluées depuis la réunion entre le bloc central et plusieurs forces de gauche, qui a eu lieu vendredi dernier à l'initiative du chef de file du groupe Socialistes, Boris Vallaud ? "Pas des masses", répond un cadre PS, qui s'interroge : "C'est qui les macronistes, Charles Sitzenstuhl ou Paul Midy ?" Le premier se montrant beaucoup plus ouvert que le second sur la taxe Zucman. Pour appuyer son questionnement, le même socialiste rappelle que le groupe Ensemble pour la République, présidé par Gabriel Attal, s'est divisé lundi soir (7 pour, 13 contre et 5 abstentions) sur l'amendement du gouvernement qui a été adopté visant à modifier les taux de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises. 

"Les socialistes ne sont pas plus en mesure que nous de poser des ultimatums. (...) Nous avons fait un certain nombre de pas", a pour sa part mis en garde Daniel Labaronne (EPR) sur le plateau de LCP mardi après-midi, listant par exemple le non-recours au 49.3, la suspension de la réforme des retraites, ou encore la prolongation de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.

L'un de ses collègues renchérissant : "On lâche des trucs [au PS] dans l'espoir que ça passe. Ça s'arrête quand ?" Réponse d'un socialiste : "On ne rentre pas en circonscription après l'amendement Mercier. On a d'autres choses après." 

Cette fois, le Rassemblement national s'y oppose aussi

À gauche aussi, le Parti socialiste "prend des coups", selon les mots d'un membre de la formation dirigée par Olivier Faure, depuis le dépôt de l'amendement de repli sur la taxe Zucman.

C'est une "taxe à trous", une "taxe qui permet aux milliardaires de ne pas être touchés", a estimé dans la matinée la présidente du groupe La France insoumise, Mathilde Panot. "Cela revient à abandonner un objectif qui était commun au Nouveau Front populaire", a regretté sa collègue Claire Lejeune (LFI). "Les ultra riches pourront encore s'organiser pour échapper à cet impôt, c'est une mauvaise solution à ce stade", a complété Léa Balage (Ecologiste et social) au micro de LCP.

"J'ose espérer que l'ensemble de la gauche votera la taxe Zucman et votera l'amendement de repli si la taxe Zucman ne passe pas", a toutefois répliqué Romain Eskenazi (Socialistes). Peut-être. Mais quid des autres groupes ? Mardi matin, alors qu'en début d'année les députés Rassemblement nationale s'étaient abstenus sur la taxe Zucman version originelle, permettant ainsi à la mesure d'être votée en première lecture à l'Assemblée nationale, Marine Le Pen a réaffirmé que les choses seraient différentes pour le budget 2026 : "Il n'en est pas question pour nous. Zucman : non. Ni hard, ni light, ni rien du tout."

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