Création d'un registre national des cancers : la proposition de loi votée à l'unanimité à l'Assemblée

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Yannick Neuder dans l'hémicycle, le 23 juin 2025
Yannick Neuder dans l'hémicycle, le 23 juin 2025 - LCP
par Soizic BONVARLET, le Lundi 23 juin 2025 à 18:30, mis à jour le Lundi 23 juin 2025 à 19:30

Les députés ont définitivement adopté, lundi 23 juin, la proposition de loi visant à "mettre en place un registre national des cancers". Alors que la France manque de données globales, accusant un retard par rapport à la plupart des pays européens, cet outil vise à "améliorer la prévention, le dépistage et le diagnostic des cancers" et à mieux prendre en compte le facteur environnemental en la matière.

"Mieux prévenir, mieux soigner, mieux comprendre le cancer et ses impacts liés à l'environnement". C'est ainsi que le ministre chargé de la Santé, Yannick Neuder, a résumé l'enjeu de la proposition de loi visant à "mettre en place un registre national des cancers".

Alors que 400 000 nouveaux cas de cancers seraient diagnostiqués chaque année, et que l'incidence de cette maladie aurait doublé depuis 1990, ces chiffres ne reposent que sur des projections, en l'absence de données globales et stabilisées. Actuellement, et comme l'a rappelé le ministre, la France est en effet dotée de "33 registres locaux couvrant à peine un quart de la population française". Une couverture partielle tant sur le plan territorial qu'épidémiologique, nombre de ces registres étant circonscrits à certains types de cancers.

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"Un levier pour accélérer la recherche et sauver des vies"

Alors que le texte avait été voté au Sénat il y a deux ans, son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée avait été accélérée par une question au gouvernement d'Aurélien Rousseau (Socialistes), le 3 juin dernier - ce dernier ayant révélé être lui-même atteint d'un cancer - et une mise en demeure en forme d'exigence lancée par Yaël Braun-Pivet (Ensemble pour la République). La présidente de l'Assemblée nationale avait vivement incité le gouvernement à inscrire la proposition de loi sur son ordre du jour afin d'"aller vite".

Nous ne pouvons pas rester dans une logique de retard, d'estimations ou d'approximations. Pour mieux prévenir, mieux diagnostiquer, mieux soigner et mieux comprendre les cancers, nous devons les connaître. Yannick Neuder, ministre de la Santé

La proposition de loi, examinée la semaine dernière en commission des affaires sociales et sur laquelle aucun amendement n'a été déposé de façon à garantir son adoption définitive dans les plus brefs délais, vise donc à confier à l'Institut national du cancer (INCa) la mise en œuvre d'un registre national, sur le modèle de ce qui a déjà cours dans 22 pays européens. "Véritable socle d'une épidémiologie de précision indispensable pour nos politiques de santé" selon Yannick Neuder, il devrait notamment permettre de mieux évaluer l'origine environnementale de certains cancers, objectif que le ministre a qualifié de "priorité". Evoquant, au-delà d'un instrument technique, "un levier pour accélérer la recherche (...) et demain, sauver des vies", ainsi qu'"un outil de justice sanitaire, d'équité territoriale et de démocratie en santé", il a indiqué que le décret définissant les modalités de ce registre serait pris "d'ici la fin de l'année".

La gauche appelle à la "cohérence"

Si tous les groupes se sont prononcés en faveur de la proposition de loi et de son adoption rapide, certains ont appelé leurs collègues à faire preuve de vigilance, et même de cohérence vis-à-vis de leurs propres votes. Estimant que le gouvernement restait "sourd aux alertes des chercheurs et des associations sur les causes environnementales des cancers", Marie-Charlotte Garin (Ecologiste et social) a jugé que le texte risquait de ne constituer qu'un "pansement sur une plaie que l'on refuse de fermer".

"Le cancer est politique", a aussi déclaré la députée, ajoutant : "pendant que nous votons ce texte dans ce même hémicycle, certains ont voté en faveur de la loi Duplomb, ou devrais-je dire la loi-poison". Et d'exhorter ses collègues à faire preuve de "cohérence" à l'issue de la commission mixte paritaire (CMP) qui devrait aboutir à un accord sur ce texte le 30 juin prochain.

"Pendant longtemps, on n'a pas cherché ce qu'on ne voulait pas trouver. On redoute encore aujourd'hui que beaucoup de cancers soient dus au modèle économique que nous choisissons. Nous l'avons encore démontré en réintroduisant certains néonicotinoïdes avec la loi Duplomb", a abondé Alma Dufour (La France insoumise). Celle-ci a cependant loué l'objectif du registre national, se réjouissant d'une "belle journée pour l'intérêt général". "L’Etat ne pourra plus balayer d'un revers de main les collectifs de victimes en disant qu'il n'y a pas assez d'éléments statistiques (...) Nous pourrons enfin connaître l'incidence sanitaire qu'a eu l'incendie industriel de Lubrizol", a aussi considéré la députée de Seine-Maritime.

Désormais définitivement adoptée, la proposition de loi devrait être appliquée d'ici la fin de l'année, afin de créer ce nouvel outil de veille sanitaire à des fins de prévention et de recherche. Yannick Neuder a affirmé que le respect des intentions du législateur et des données personnelles des patients constitueraient deux priorités des termes du décret à venir.