Alors que la consommation de protoxyde d’azote à des fins récréatives est en forte augmentation, notamment chez les jeunes, les députés ont approuvé en commission une proposition de loi restreignant sa vente aux seuls professionnels du secteur médical et de la restauration. Le texte sera examiné la semaine prochaine dans l'hémicycle.
La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté, ce mercredi 22 janvier, la proposition de loi visant à "restreindre la vente de protoxyde d’azote aux seuls professionnels et à renforcer les actions de prévention sur les consommations détournées". Ce texte transpartisan, dont le rapporteur est Idir Boumertit (La France insoumise), prévoit notamment d'interdire la vente de ce gaz aux particuliers. Qu'il s'agisse de la vente en magasin ou en ligne.
"La consommation récréative de protoxyde d’azote est exponentielle et séduit de plus en plus d'adeptes, notamment chez les jeunes", a expliqué mercredi Idir Boumertit. Utilisé dans le domaine médical, comme analgésique, ainsi que dans le domaine culinaire, avec les cartouches pour siphon à chantilly, ce gaz est désormais "la troisième substance la plus consommée par les jeunes, en dehors de l’alcool et du tabac", en raison des ses effets euphorisants. Selon le député LFI, la moyenne d'âge des consommateurs serait de 22 ans.
Nous sommes aujourd'hui face à un problème de santé publique à grande échelle. Idir Boumertit
Son inhalation est dangereuse pour la santé : le protoxyde d'azote peut créer des lésions pouvant causer la mort par asphyxie et son utilisation prolongée à dose élevée peut entraîner des conséquences pour la moelle osseuse et le système nerveux. "Entre 2020 et 2021, on observe par exemple une multiplication par trois du nombre de cas graves signalés auprès des centres d’addictologie, avec une complication neurologique dans 80 % des cas", indique le texte de la proposition de loi.
Une loi de juin 2021 interdit déjà la vente de ce gaz aux mineurs et prévoit également de limiter les quantités autorisées à la vente. Mais cette réglementation, entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2024, demeure "insuffisante". "Nous ne sommes pas en mesure de circonscrire la vente de protoxyde d'azote aux [seuls] cuisiniers amateurs qui veulent fabriquer eux-mêmes leur crème chantilly, nous avons essayé, cela ne fonctionne pas", a souligné Idir Boumertit.
Le texte propose donc d'interdire la vente de protoxyde d'azote pour tous les particuliers, que ce soit dans des magasins ou sur Internet. La vente sera réservée à "certaines catégories de professionnels énumérées par décret". Les députés ont, par ailleurs, adopté un amendement du rapporteur interdisant l'importation de protoxyde d'azote lorsqu'il n'est pas possible de prouver un usage professionnel.
Les personnes vendant ou important du protoxyde d'azote pour en faire des usages détournés pourront faire l'objet d'une amende de 3.750 euros. Les amendements du Rassemblement national, visant à la porter à 8.500 euros, et de Fabien Di Filippo (Droite républicaine), visant à la porter à 10.000 euros, ont été rejetés. Le député DR a, en outre, regretté le rejet de son amendement visant à classer le protoxyde d'azote dans la liste des stupéfiants : "Vous refusez de traiter comme une drogue une substance qui en a tous les effets".
Autres mesures prévues par le texte : la mise en œuvre d'une "veille sanitaire relative à l’évolution de la consommation du protoxyde d’azote", l'information des collégiens et lycéens sur les risques d'une telle pratique, ou encore la demande au gouvernement de fournir un rapport d'évaluation de la proposition de loi, un an après son adoption.
La proposition de loi n'a toutefois pas pleinement convaincu tous les députés, Emmanuelle Hoffman (Ensemble pour la République) dénonçant, par exemple, son "approche radicale". La députée a plaidé, en vain, pour "une répression ciblée plutôt qu'une interdiction générale". "Il serait tout à fait inacceptable de ne plus permettre aux Français d'acheter des cartouches pour utiliser leur siphon de cuisine", a ajouté Laurent Croizier (Les Démocrates).
Et de proposer, sans succès, de laisser la possibilité de vendre aux particuliers de petites cartouches de 8,6 grammes. Une option qui aurait "laissé intacte l’ambiguïté qui règne aujourd'hui sur le statut" du protoxyde d'azote, a rétorqué Idir Boumertit (LFI). Le rapporteur du texte a rappelé sa volonté de "poser un interdit clair, quitte à contrarier malheureusement un peu les amateurs de chantilly faite maison". La proposition de loi sera examinée dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale la semaine prochaine.