"La France doit impérativement réduire son déficit public", exhorte Pierre Moscovici

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Pierre Moscovici 2 LCP 18/09/2024
Le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, lors de son audition par la commission des finances de l'Assemblée, le 18 septembre 2024 (© LCP)
par Raphaël MarchalSoizic BONVARLET, le Mercredi 18 septembre 2024 à 15:46

Auditionné, ce mercredi 18 septembre, par la commission des finances de l'Assemblée nationale, le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a estimé que l'objectif fixé par le gouvernement sortant de réduire le déficit public à 5,1% du PIB en 2024 ne serait pas atteint. Jugeant "vraiment inquiétante" la situation des finances publiques, il appelé le prochain gouvernement à présenter "une trajectoire crédible".

La situation des finances publiques françaises est "vraiment inquiétante". Auditionné ce mercredi 18 septembre par la commission des finances publiques de l'Assemblée nationale, le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a partagé le constat également délivré par le Premier ministre, Michel Barnier, dans la matinée. Une alerte sur les déficits et la dette que l'ancien ministre de l'Economie et des Finances (2012-2014) a déjà lancé plusieurs fois devant les députés depuis qu'il est à la tête de la Cour des comptes.

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Un message à l'intensité cependant de plus en plus forte. "La France doit impérativement réduire son déficit public et replacer la dette sur une trajectoire descendante", a déclaré Pierre Moscovici. Confirmant que la situation conduit à conclure que l'objectif de déficit public à 5,1 % du PIB fixé par le gouvernement sortant pour 2024 ne sera "pas atteint", il a en outre laissé entendre que le chiffre de 5,6 % évoqué par le Trésor en juillet pourrait être "le moins mauvais que l'on puisse espérer", du fait de recettes fiscales en berne et de dépenses plus élevées que prévu.

En conséquence, les trajectoires budgétaires établies sont "caduques", et les députés sont "en droit" d'en réclamer de nouvelles, a considéré le premier président de la Cour des comptes devant les élus de la commission des finances. Avant d'indiquer qu'il serait bon ton de définir une "trajectoire crédible". Tout en insistant sur l'importance d'assainir les finances publiques, il s'est prononcé contre un retour à marche forcée, d'ici à 2027, du déficit public sous les 3 % du PIB, jugeant que cet objectif n'était ni "possible", ni "souhaitable", ni "vertueux"Et d'expliquer : "La réduction brutale, uniforme, des dépenses publiques n'est pas une solution pour réaliser ces économies. Il faut opérer intelligemment et efficacement en agissant sur la qualité de la dépense". 

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A contrario, le haut fonctionnaire a mis en garde sur les conséquences qu'engendrerait une inaction des pouvoirs publics en la matière. "Si rien ne change, le déficit continuera d'augmenter et pourrait s'élever à 6,2 % en 2025", a-t-il prévenu, rappelant qu'un Etat trop endetté est un Etat sans marge de manœuvre. Conscient des difficultés qui se présentent, Pierre Moscovici a conseillé d'agir dès l'examen du projet de loi de finances 2025, qui s'annonce pourtant selon lui comme "l'un des plus délicats de la Ve République". Appelant à "rebâtir une stratégie pluriannuelle pour nos finances publiques", il jugé nécessaire de faire preuve de réalisme et "d'assumer que la France aura besoin de plus de temps que la période 2024-2027 pour repasser sous le seuil des 3% de déficit".

Contre l'austérité et pour des "dépenses intelligentes"

Le premier président de la Cour des comptes s'est attaché à faire la différence entre le sérieux budgétaire, qu'il juge indispensable, et une politique austéritaire, qu'il juge néfaste. "L'austérité, c'est typiquement ce qui affaiblit, ce qui appauvrit l'Etat". Il a donc prôné "une maîtrise des dépenses réfléchie et raisonnée, tout le contraire de la technique du rabot, qui n'a jamais fait ses preuves".

Je suis persuadé depuis longtemps que la réduction brutale et uniforme des dépenses publiques n'est pas la solution. Pierre Moscovici

Pierre Moscovici a, par ailleurs, fait part de son scepticisme quant à l'existence d'un "remède miracle par la croissance", dont il a rappelé qu'elle plafonnerait "autour de 1% pour les années qui viennent". Semblant critiquer, en substance, la politique de l'offre menée au cours des dernières années, il a a estimé que "raconter qu'il suffit d'investir, que la croissance va suivre et que les recettes vont monter, ce n'est pas réaliste". Il a aussi défendu une stratégie de redressement des comptes publics fondée sur des "dépenses intelligentes", et "la réalisation d'économies en dépenses, pour que chaque euro d'argent public dépensé soit une dépense de qualité".

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A ce propos, le premier président de la Cour des comptes a rappelé que l'institution qu'il préside avait publié des recommandations en 2022 et 2023 "pour proposer des pistes d'économies dans des champs aussi variés que l'apprentissage, les soins de ville, les transferts financiers aux collectivités, le logement". Et d'ajouter qu'il remettrait dans quelques jours au Premier ministre "trois revues de dépenses [qui n'avaient pas pu être remises] à son prédécesseur en juillet, compte tenu du calendrier des élections".

Peu de marges de manœuvre mais "pas de tabou" sur les impôts

Au président de la commission des finances, Eric Coquerel (La France insoumise), qui a dénoncé les baisses d'impôts opérées au cours des dernières années et qui ont, selon lui, "enrichi considérablement les plus forts détenteurs du capital", Pierre Moscovici a répondu qu'"une hausse des prélèvements massive" serait "contre-productive à moyen terme".

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Alors que le débat fiscal reprend de la vigueur, en marge de la formation du gouvernement de Michel Barnier, le premier président de la Cour des comptes a fait valoir que le taux de prélèvement obligatoire en France était déjà "très élevé" et le consentement à l'impôt "fragile". Ajoutant que "pour autant, le sujet n'est pas tabou", en particulier au regard du "financement de la transition écologique" et de "la justice fiscale".